Grisages 2

Pierre Carmody

Dos au bar, il en commande encore une autre. Je me demande comment il fait pour tenir. Une heure que je bouquine derrière mon Perrier, lui a déjà descendu quoi… Trois, quatre pintes ? Comment c’est possible de ne pas aller pisser toutes les cinq minutes à cette cadence ? Ou d’être bourré, tout simplement ? Le gars doit avoir de l’entraînement, vu sa tête.


Il a parlé au patron sans se retourner ; il était concentré sur la dernière gorgée de bière qui allait bientôt disparaître de son verre.

Ah tiens. Même le taulier lui fait remarquer que c’est sa cinquième. Cinq ? J’ai dû en rater, alors. Un Houdini de l’alcool, lui : il fait s’éclipser les bières. Bon, le patron la lui sert quand même. Forcément.


Le type continue à lui parler. Problèmes au boulot, de couple. Il le prend pour son psy ou quoi ?


Le patron lui répond de s’aérer, de changer d’air, partir en week-end.
L’autre répond que certains se mettent au vert, et que d’autres se mettent au verre.


Ce mauvais mot me fait penser au pathétique de certaines vies. Tellement de drogués de tous poils qui luttent pour oublier leur quotidien.

Allez, assez flâné. Je me replonge dans ce fabuleux San Antonio, et j’oublie tout.

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