(H)ombre
Mitaine Crocq
Je suis celle qui naît quand la nuit rogne
celle qui pointe quand la lune cogne.
Je suis celle qui croît quand l'or se fond
celle à qui de jour, personne ne prête lorgnon.
Tribut je paie au bel Achéron
pour naître à ce monde par ton talon
je t'ouvre la voie, chair à canon
ou ferme ta marche, fidèle chaperon.
Servante dévouée, je veille au grain
mais attention tu n'me prêtes point
loin semble ta jeunesse ingénue
et sa noble innocence tu as perdue.
Vers moi tu regardes sans voir
perdu en une folle tour d'ivoire
tu te vois en pèlerin solitaire
quand je suis là, offerte à toi, juste à terre.
Tu restes, là haut perché
ignorant que de tous temps, nous sommes liés
partout tu guettes une Juliette
et me laisse choir aux oubliettes.
Je suis Bonnie, je suis Yseult
une autre que moi partout tu zieutes
tu cherches en vain ton Bucéphale
snobant Pégase sous ta sandale.
Je suis là, baisse d'un niveau
de ton regard embrase moi
je drape d'ombre ce caniveau
et jamais ne vais sans toi.
Approche toi et tu verras
mon contour net quand tremble ton bras
mon profil droit quand ta nuque ploie
la mienne aura quand la tienne aboie.
Sur moi, marcher, ne te contente point
fais de moi ton bâton de pèlerin
n'appréhendes pas mon côté sombre
parce que Hombre, je suis ton ombre.