H2G - Hand of God game

Gérard Dargenson

Chap. 10 - Le jeu de la main de Dieu


LA NIDIFICATION

Avec celle qui devait être un jour sa mère, nous jouions à une époque le même scénario chaque nuit. D'abord réciter une longue soixante neuvaine, puis la belle s'installait sur moi pour faire l'amour, jusqu'à ce qu'elle respire de plus en plus fort et pousse un cri en s'abattant d'un coup comme un oiseau tué en plein vol. Alors elle s'allongeait sur le dos et je lui faisais l'amour encore longtemps, encouragé par ses halètements, ses gémissements et ses mains qui me saisissaient. On se retrouvait ensuite étendus sur les draps, comme deux naufragés jetés cote à cote sur une plage.

Puis, comme un ivrogne se jette à nouveau sur une bouteille entamée après une courte pause, nos mains s'emparaient de nos corps et nous recommencions à nous caresser et au bout d'une éternité d'embrassades, je croquais ses fesses douces. Annie des merveilles se retrouvait à genoux empalée sur moi, sa joue pressée contre la mienne, son visage aux yeux clos sublimé par le désir, la bouche entrouverte et haletante. On s'installait enfin pour une nuit au long court, serrés l'un contre l'autre et se réveillant périodiquement pour vite combler l'insupportable vide qui séparait nos corps et pour rattraper le manque de caresses qu'avait empêchées le sommeil.

— Je suis bien avec toi, murmurait Annie au petit matin. Ce que j'aime, c'est que tu fasses de moi ce que tu veux.

Elle avait posé sa tête sur mes genoux, je contemplais son profil d'une beauté italienne. Les yeux clos, son visage prenait cette majesté statuaire que confère le masque de la peau quand il est ininterrompu. Son nez aquilin, très présent mais fin et régulier, en harmonie avec les proportions de son visage, frémissait de ses longues narines comme le museau d'une belle chienne de race qui hume le monde autour d'elle, pour savoir comment il est fait. Ses lèvres closes hésitaient entre la sévérité et la sensualité. Nous ne connaissions de bruit que sa respiration qui s'accélérait quand je lui faisais longuement l'amour et, comme dans un conte italien, le chant d'un merle dès l'aurore.

Pendant ces journées Annie avait entrepris un grand nettoyage de mon appartement et de mes appareils ménagers. C'est le premier geste de nidification de la femelle humaine. Elle s'attaque à la cuisine, puis elle occupe successivement les autres pièces, jusqu'au jour où, considérant qu'elle se trouve dans un foyer, elle s'estime en droit d'exiger qu'on lui fasse un enfant.


Nous étions en Toscane où elle devait faire un reportage, ayant décroché une pige pour une revue de tourisme. Un grand lit dans la grande chambre d'un hôtel, avec une fenêtre sur les avenues de la ville. Nous avions dîné dehors. Dans la rue, on n'avait pas pu s'empêcher de s'arrêter pour s'embrasser avec fougue. Le lendemain, visite de la ville en calèche, puis le musée où la Vénus d'Urbino attend dénudée et nonchalante, ses admirateurs venus contempler ses yeux de Delvaux. Le soir venu, nous étions partis pour Sienne. Sur la place où se court le Paglio, Annie paradait vêtue d'un short en jean, et surélevée sur des chaussures à talons compensés. Un mannequin magnifique dans un défilé de mode, « red carpet » comme aurait dit Ruby, dans le sublime décor de cette place presque entièrement close. Puis à nouveau la route en direction de Gêne, nous avions échoué au hasard de la Côte dans un hôtel face à la mer, dans une petite station balnéaire.

Comme des amoureux sans toit, errants de ville en ville, nous étions repartis en voiture en suivant la côte. C'était une jolie petite route en lacet sur une corniche, avec une vue superbe sur la mer. Nous avions fait une pause au fond d'une calanque, dans un restaurant sur un promontoire au milieu des arbres. En face de nous, il y avait un couple avec un enfant. La femme était enceinte de quelques mois et son ventre nu et doré était déjà arrondi. Elle était rayonnante, Annie qui était restée longtemps réticente à cette idée, se disait que finalement c'était peut-être un bonheur d'attendre un enfant. Au bout du promontoire, nous avions trouvé un petit refuge sous un pin courbé à un mètre du sol, juste assez large pour deux personnes et dominant la mer de plusieurs mètres. Depuis que nous avions quitté la France, Annie me tenait par la main dans les rues. Les gens nous ignoraient où curieusement nous regardaient attendris, malgré notre différence d'âge. Il est vrai que de loin, la belle faisait plus mûre qu'elle ne l'était, ne serait-ce que par sa taille. Vue de près, elle avait parfois au contraire des mimiques et des expressions de petite fille. Je m'amusais souvent à me moquer d'elle. Elle me rétorquait

— Pourquoi tu me vexes tout le temps ? Tu es le seul à faire cela !

Elle faisait semblant de bouder un peu, puis venait se réfugier dans mes bras. Enfin, de retour en France. Le soir venu, arrivé chez moi, elle s'était inquiétée :

— Tu crois que la pilule a fait effet tout de suite ? J'ai pris deux kilos !

— C'est la contraception et cela te va bien, tu as un peu plus de formes !

En réalité, une jeune femme grossit un peu quand elle s'apprête à enfanter. Le corps prépare le terrain.

— Et si j'avais un enfant de toi ?

— Justement, en ce moment, tu es féconde non ?

— Oui. Comment tu le sais ?

— En te faisant l'amour. Dans ces moments, vous vous donnez d'une autre façon.

— J'ai eu mes règles quand déjà ? Ah oui ! C'est bien en ce moment ! Tu sais, avant, je n'arrivais pas à désirer un enfant.

— Il faut désirer un homme, pour être en désir d'enfant.

— Pourquoi tu ramènes tout à cela, on n'est pas des animaux tout de même.

— Les animaux sont aussi dignes de considération que les hommes. Ils ont leurs amours aussi, il y a des espèces fidèles, d'autres qui ont le cœur volage. Je ne vois pas pourquoi on aurait du mépris pour cet élan vital qu'est le désir de se reproduire et que nous partageons avec les bêtes.

Nous avions encore fait l'amour, la belle m'emportait dans une chevauchée sans fin, en me soufflant « Encore, plus fort ! plus fort !

Mais j'étais épuisé et j'ai renoncé au bout d'un moment. Nous nous sommes installés pour boire une coupe de champagne ; J'ai sollicité un baiser de sa part, elle a glissé un bout de langue douce dans ma bouche, mais quand j'ai voulu qu'elle recommence, elle s'est dérobée, en rappelant :

— C'est moi qui décide ! Si j'étais enceinte, tu t'occuperais de moi ?

— Oui, puisque je m'y suis engagé.

— Je sais que tu ne veux plus d'enfants…

— A l'âge que j'ai, où cela nous mènerait-il ? Jusqu'alors, j'ai été suffisamment raisonnable pour résister à ce genre de désir…

— Tu t'occuperais de moi, même si l'enfant n'est pas de toi ?

— Je serais une sorte de parrain ! Tu veux en faire un avec un homme plus jeune ? Avec ton ex-ami par exemple, il ne serait pas contre de faire encore un peu l'amour avec toi je présume ?

— C'est une possibilité technique dirons-nous.

J'étais presque soulagé de voir Annie envisager, même avec beaucoup de réticence, de faire un enfant avec son ex-ami. Mais elle ne manquait pas de me faire remarquer qu'un vrai couple ne peut se concevoir sans désir. Tout au long de cette semaine folle, je lui avais fait l'amour comme jamais cela ne m'était arrivé, plusieurs fois par nuit presque toute les nuits. Et à cinq heure du matin, je l'ai prise et je l'ai chevauchée au grand galop pour une éternité, jusqu'à enfin en jouir à sa très grande satisfaction. Là-dessus, j'ai conduit Annie Des merveilles à la gare, où elle a pris le train car elle devait partir en reportage. Quand elle était revenue, elle m'avait annoncé froidement :

— Bientôt j'arrête la pilule.

— Ah bon ? Et qui devra faire attention ?

— Je sais que tu ne veux pas d'enfant.

— Pourquoi, tu accepterais de faire un enfant avec un vieux machin comme moi ?

— Oui. Mais tu n'es toi même pas très clair à ce sujet.

— Je ne désire que des femmes encore en désir d'enfant. Mais entre mon désir et la volonté d'être raisonnable, je suis écartelé. Et si tu fais un enfant avec moi, que diras-tu à ton entourage ? Peut-être que tu pourrais maintenant jouir avec ton ex-ami ?

— Non, je ne crois pas.

— Même si je disparaissais de ton monde ?

— Pourquoi me dis-tu cela ? Tu veux me laisser ?

— Non. Je me demande juste si ce ne serait pas mieux pour ton avenir que m'éclipse ?

— Non ! Et puis c'est trop tôt !

— C'est vrai que vous nous jetez seulement après usage ! Mais l'impossibilité de renouer avec ton ami, est-ce à cause de moi ?

— Non, ce n'est pas à cause de toi. Car pour une femme, quand c'est fini, c'est fini. Le prix à payer pour posséder Annie des merveilles semblait être d'accepter de lui faire un enfant au plus vite, ce qui était beaucoup me demander, et aussi beaucoup me donner. Mais dans quelle histoire folle m'étais-je embarqué et où tout cela allait-il nous mener ? Que de questions on se posait alors. Je n'arrive plus a éditer sur ce site ; LA SUITE : http://www.amazon.fr/gp/product/B015ZJ07T4?*Version*=1&*entries*=0


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