Hair

Jerry Milan

Quand je suis revenu de Paris, fin d'été 1967, mon père m'attendait à la gare centrale de Prague et, quand il m'a vu, il a failli avoir un malaise. D'abord, il ne m'a même pas capté. C'est quand je l'ai aperçu là, scrutant tous ceux qui descendait du train et quand je me suis pointé droit devant son nez, que j'ai vu ses pupilles se dilater. Genre, pince moi si je rêve. J'ai senti qu'il voulait me dire quelque chose, mais ses mots sont resté coincés dans son gosier. En fait, il ressemblait à un de ces petit jouets en caoutchouc mou muni d'un sifflet. Mais niqué, le sifflet. T'avais beau d'appuyer dessus, il n'en sortait aucun son. Il en transpirait. Devant lui se tenait un mec aussi grand que lui, Ray-Bans aviateur miroir sur le nez, extrêmement maigre. Barbu et chevelu sapé d'un manteau afgan en fourrure brodé, alors que dehors il faisait encore au moins trente degrés celsius. Sur une épaule un sac à dos en toile kaki de l'armée américaine et tenant un étui à guitare dans la main. Il a fini par murmurer presque imperceptiblement:'' Si c'est toi, alors suis-moi, la voiture est devant...'' et m'a tourné les talons. Nous sommes rentré à la maison sans un mot. Quand ma mère a ouvert, elle a pâli à son tour.'' Le voilà ton fils chéri est de retour '' a lâché mon paternel qu'a retrouvé son sifflet et il est allé se servir une bière. Il disait toujours ''ton fils chéri'' dans les circonstance où il perdait le contrôle de la situation. J'en ai déduit que ça allait barder...Il faut dire, que je ne m'attendais pas vraiment à un accueil style la reine d'Angleterre et sa cour ou Charles de Gaule et sa DS , mais pas à ça. Je rentrais d'un voyage de presque deux mois à travers l'Europe occidentale, j'étais vivant et pratiquement en bonne santé. Ils auraient du en être ravi. En plus, j'avais un vrai look de star. A suivi un interrogatoire croisé façon KGB et une sévère engueulade faisant trembler les murs. Ils ont fini par lâcher prise quand je leur ai sorti quelques menus cadeaux de mon paquetage. Il faut dire, que mon sac à dos contenait surtout une tonne de 33 tours, un jean en velours mauve pattes d'eph, deux ou trois chemises à fleurs avec des grands cols, un gilet brodé en velours mauve, lui aussi et un chapeau mou à large bords. Puis quelque chaussettes et slips en état de putréfaction et une paire de bottes molles montantes, retournées en haut et troués en bas. Fini le jean serré ''cigarette'' avec une chemise blanche en nylon et les bottines italiennes. Fini la cravate fine en cuir noir et une coupe au carré avec une mèche tombante sur les yeux façon The Who. Vive le Flower Power, les hippies, les poiles et les cheveux. Eh oui, parti propre sur lui et revenu pouilleux avec la touffe... J'ai jeté mon paquetage sur le lit de ma chambre ( ma soeur n'étant pas là ) et je me suis allumé une Gitane. Le cirque est reparti: '' Et en plus, il fume!!!''...Comme je n'avais pas envie de manger la soupe à la grimace toute la soirée, j'ai verrouillé la porte et je me suis écroulé tout habillé. Je n'en pouvais plus, tellement j'étais crevé. 24 heures de train tortillard.
Par contre, ma rentré au bahut a été un vrai triomphe. Même, si mes parents ont réussi à me confisquer quelques fringues et m'ont obligé à me couper un peux les cheveux et la barbe en un petit bouc, j'ai tout de même réussi à me planquer quelques affaires dans la cave où j'allais me changer avant partir le matin. Je me suis aussi confectionné quelques t-shirts tie-dye en piquant de la teinture à ma mère.
La rentrée donc a été chaude et, endurci par mon expérience, j'ai eu ma place de leader sans aucune contestation possible. A la sortie du bahut, je racontais mes péripéties au bar du coin devant une bière et une partie de billard. Je continuais à fumer des Gitanes que je trouvais dans un magasin de produits français. Mes potes me mangeaient des yeux. Les filles idem. Nous décidâmes alors de remonter un autre groupe. Il se trouve que dans ma classe, tout le monde jouait plus ou moins d'un instrument. Il suffisait juste de distribuer les rôles. Mais en prendre quatre ou cinq maxi genre Stones ou Yarbirds, pas plus. J'adorais ces deux groupes ainsi que les Who, les Kings et les SmallFaces. J'étais moins fan des Beatles, mais pour l'instant, nous étions quatre comme eux.
Quand mes parents sont partis en tournée en laissant la garde de ma soeur et moi-même à ma grande mère, notre appartement est devenu le QG du groupe et le local de répétition. Ma mamie était sourde à moitié et ravi de tous ces jeunes et beaux garçons à la maison. Ma frangine aussi.
Je partageais ma chambre avec elle, mais elle n'étais pas vraiment bienvenue aux réunions.
Une après-midi nous nous réunîmes pour trouver un nom à notre nouveau groupe et faire une ébauche d'un début de répertoire pour commencer à le travailler. Nous profitâmes de l'absence de mes parents en tournée en Allemagne, pour s'enfermer dans leur chambre et se vautrer sur ce que Otto appelait ''le baisodrome'', c'est à dire leur énorme lit '' kingsize''. Comme ça, ma frangine ne nous faisait pas chier. Nous étions en train de palabrer et négocier quand la porte s'ouvrit doucement et la tête de ma mère-grad apparut:
''Jeunes hommes, voulais-vous un thé, une tisane ou un chocolat chaud?'' demanda-t-elle poliment.
''Vas caguer'' a dit doucement Otto avec un grand sourire. Moi, j'ai tourné la tête en signe que non et aussi à l'intention de mon pote. La porte se referma doucement...
''Pourquoi t'a dit ça? '' lui ai-je demandé.
''Test de surdité'' me lança-t-il.
Otto était le fils de l'ambassadeur basé à Londres, donc une grosse pute communiste, qui du coup, se sentant coupable, nous ramenait pleins de trucs dont on avaient besoin. Surtout les fringues, les cordes et les vinyls. C'était quasi obligatoire de l'avoir parmi nous. En plus, c'était un bon batteur et un grand fan de Georgie Best. Parmi les autres membres il y avait Jan à la basse et Ron à la guitare rythmique. Fils d'immigrés bulgares, il avait la niac, la haine des cocos et la même tête que Ron Wood avec sa tignasse et sa frange. Sauf, qu'il s'appelait pas Wood, mais Petkov. Ca calme....Et, bien sur, moi au chant et à la guitare. Normal. J'étais le seul qui chantait en anglais sans accent et le seul à avoir une Stratocaster avec son ampli Fender, même si c'était un faux.
Nous n'arrivâmes pas à nous décider. Otto voulait absolument un nom avec ''cats'' dedans, genre Nightcats, Outcats ou Wildcats et Ron, c'était avec ''rebels''...Jan n'avais pas d'avis. Il était un peu effacé comme garçon, mais en même temps, c'était un bassiste, alors...
Tard dans la nuit, nous nous sommes enfin mis d'accord sur ''St. Raphael Group''. Rien à voir, mais les anglicismes étant bannis, je me suis rappelé de mon séjour sur la Côte d'Azur et je trouvais, que ça sonnait bien. Puis, personne ne pouvait deviner d'avance de quoi pouvait-il s'agir et quel genre de bordel nous pouvions produire. Tout le monde trouvait ce nom bien, sauf Jan, qui s'en foutait complètement. Ca ou autre chose, l'important pour lui c'était de trouver un bon répertoire pour commencer aux plus vite car nous devions donner un ''concert'' au bahut pour les fêtes de la fin d'année. Le temps pressait et tout le monde ne parlait plus que de ça, désormais. Surtout les filles...
N'ayant pas de local de répète, nôtre choix a été plus ou moins conditionné par le nombre de 45 tours en circulation pour que chacun puisse apprendre les morceaux par coeur à son domicile. Une fois les partitions mémorisés individuellement, nous commençâmes lier la sauce en sourdine dans ma chambre quand il n'y avait que ma grand-mère à la maison. Comme elle était sourde, et qu' Otto couvrait sa caisse claire avec une pile de torchons, c'était notre occupation une après-midi sur deux.
Nous progression à grands pas jusqu'à ce que la voisine de pallier ai vendu la mèche en se plaignant du bruit au retour de mes parents. Fallait trouver d'urgence un autre endroit. Mais mon père a mis sous clé tout le matos se trouvant à la maison. Notre groupe ''d'électriciens'' était une insulte suprême à son statut de musicien classique et une honte dans tout l'immeuble. Le SRG était en rade.
Le salut est venu à notre rencontre en la personne de la prof des langues slaves. A la fin de son cours, elle pointa le doigt vers moi:
''Il paraît que votre groupe musical doit se produire pour la fête de la fin d'année?''
''Oui madame''...
''Ca tombe bien car juste à ce moment précis une délégation soviétique va visiter notre établissement et j'ai décidé avec la direction de les y convier. Pour faire plaisir à nos camarades, la formation la plus célèbre de notre lycée pourrait leur interpréter quelques chansons en guise de bienvenue. En russe, ça va de soi '' ...
Je me suis toute de suite engouffré dans la brèche. L'occase était vraiment trop bonne:
''Avec un grand plaisir madame, mais le groupe ne fonctionne plus actuellement, car nous n'avons plus de local pour répéter. ''
''Ah '', fit-elle en réfléchissant, ''je veux essayer de vous trouver quelque chose, les locaux ne manquent pas dans cet établissement. Je vais voir avec le directeur. Quand voulez-vous répéter ? ''
''Trois fois par semaine et, ce le plus vite possible, camarade professeur, le temps presse et pour établir un répertoire des chansons russes, nous aurions aussi besoin de votre aide'', lui répondit-je..
''Bien, bien...venez me voir à la fin des cours dans mon bureau''.
En fin d'après-midi nous nous pointâmes tous à son bureau. Les mecs râlaient au début car ça faisait chier tout le monde de chanter les chansons russes, moi le premier, mais c'était la seule solution pour pouvoir répéter dans les conditions décentes et récupérer le matos tenu en otage par mon paternel. Comme tout est devenu officiel, il était obligé de lâcher prise et en plus, nous allions pouvoir poser nos conditions vis à vis de la direction. Avoir une vraie sono, par exemple. A la fin de l'année scolaire une visite d'un lycée des filles de Suresnes était en préparation par la prof de français et nous pouvions aussi lui proposer nos services ce qui nous permettrait d'avoir un local tout au long de l'année. Après tout, on s'appelait bien Saint Raphaël Group, non? Si on était capable d'interpréter quelques chansons russes débiles, pourquoi pas d'autres en français? Bonne pioche...
Le directeur était d'accord et nous a trouvé une espèce de garage/local technique attenant et appartenant au lycée avec une entrée séparé. Nous allions être peinards. Il lui fallait juste quelques jours pour le débarrasser et le faire nettoyer. Ceci fit assez rapidement fait, quelques outils mis à part rangés dans un coin, et nous nous installâmes enfin. L'école nous a donné un trousseau de clés et une petite sono avec deux micros. Fabuleux...
Mon padre a été obligé de restituer les instruments saisis, ce qu'il fit en râlant. Nous avions tout transporté au local, puis nous avons récupéré deux vieilles chauffeuses et un canapé qu'un parent ne voulait plus et confectionné une table basse avec des caisses à bière en bois. Enfin, nous avions un lieu, décoré par diverses affiches et digne d'un vrai groupe de rock, ainsi que des excuses pour rentrer tard le soir. Aussi, un endroit pour enfin se taper quelques groupies. Whaou...le panard.
Nous avons attaqué les répétitions avec notre répertoire sans se soucier des chansons russes à la noix. Le lieu a été tenu au secret de peur d'une invasion par d'autres élèves, sauf sur invitation spéciale.
Il fallait montrer patte blanche ou alors avoir une bonne paire de nichons. Et savoir se taire. Tous les deux jours, je rentrais tard à la maison. Des fois j'en profitais, surtout quand mes parents étaient absents, pour sortir dans un club ou discothèque, puis passer la nuit à me faire pomper au local par une petite poupée. Le jour de la fête approchait.
Au fur et à mesure que nous avancions, des nouveaux membres venaient se greffer au groupe. Nous étions sept à présent. Une autre guitare, un piano électrique et un ''instruments divers''. Les instruments divers allaient d'un tambourin à une perceuse en passant par un assortiment de marteaux, plaques de tôle, cloches et autres clochettes. Ce poste à ''bruits'' était honorablement assuré par un autre Jan ou plu-tôt Iannis, un solide gaillard d'origine grecque. Nous étions un rock band international.
Un vrai groupe de rock avait aussi besoin d'avoir quelques groupies. ''Des bonnes salopes qui sucent'' comme disait Otto...sans les groupies on était rien. Nous avons fait le recrutement auprès de nos fans du foot. Il faut dire, qu'en dehors du groupe, nous avions aussi une équipe de foot qui jouait la ligue de la bière. Dans cette ligue, il y avait dix équipes représentant chacune un bar ou une auberge à bières associés à un bahut. Il y avait un match tous les dimanches après-midi pendant la belle saison avec une finale à la fin de l'année scolaire. L'équipe gagnante remportait trois futs de 100litres. Comme on était les champions en titre, nous avions tout un lot de fans qui nous suivait et parmi eux, une vingtaine de nanas dont six qui faisaient les pom-pom, ce qui était rigoureusement interdit par le régime et considéré comme un vice du capitalisme américain. Les filles en avaient rien à foutre et bravaient courageusement l'interdit en se gelant les miches en short de boxe et soutif, risquant de se faire embarquer par une patrouille de poulets.
Heureusement, les flics ne venaient jamais aux matches et le public adorait nos pom-poms. Il n'était pas difficile de les embarquer dans le local de répéte ou régnait dans un coin des reliques de la finale de l'année précédente dont un fut de cent litres plein et un autre à moitié vide. Le troisième avait été consommé sur place le jour même. Une bonne bière, un canapé et un groupe de rock en live...aucune nana ne résistait à l'invitation.
Tout ça me faisait des journées bien remplis. Le bahut, le groupe, le hockey et le foot. Je rentrais souvent tard à la maison et crevé, je dormais pendant les cours. Ou alors, je faisais le con. Dans le trousseau de clés confiés par le dirlo se trouvait un pass qui ouvrait les portes des classes et celle de la salle des spectacles. Il avait oublié de l'enlever cet étourdi.
Une des classes se trouvait au premier étage tout au fond du couloir et correspondait avec une autre dont la porte était fermé à double tour. J'ai remarqué, qu'une fois par semaine, pendant le cours de géographie, la classe mitoyenne était inoccupée. Nous avions un prof bien allumé qui, en rentrant dans la classe, se précipitait sur le tableau noir et pendant les dix premières minutes dessinait avec ferveur aux craies de couleur les cartes géographiques des pays ou des villes dont il allait nous enseigner. Absorbé par son travail, il ne nous prêtait aucune attention. Un matin, avant qu'il n'arrive, j'ai débloqué la porte et pendant qu'il oeuvrait au tableau, toute la classe a déménagé tel un chat dans la pièce voisine. Quand son oeuvre fit fini, il se retourna et se trouva face à une pièce vide. Il se précipita dans le couloir, vide, lui aussi. Ne comprenant que dalle et parlant tout seul, il se dirigea vers le bureau du directeur pour l'informer sur sa classe perdue. Pendant ce temps, nous avions refait le chemin inverse, ouvert nos cahiers et j'ai refermé la porte. On les a entendu arriver de loin.
Le prof entra en premier en gesticulant. La classe se leva d'un bond et se mit au garde à vous. Il est resté tétanisé pendant un bonne minute puis le directeur l'invita dehors où ils se sont entretenus pendant un long moment. Le cours était fini. La semaine suivante, plus de géo. On nous a annoncé, que notre prof, étant très fatigué, avait pris un repos forcé et tant qu'on ne trouvait pas son remplaçant, le cours était provisoirement suspendus. Du coup, pendant une heure, nous allions au local pour répéter, boire une chopine et fumer une clope. J'avais plein les poches d'autres tours du même format et mes potes de mêmes. On se marrait bien. Une autre fois, pendant le cours de zoologie, la prof installa sur une table tout un assortiment d'oiseaux empaillés qu'elle couvrit avec des torchons. Le jeu consistait à deviner le volatile en le reconnaissant d'après ses pattes. Ron était complètement nul à ce jeu et n'a pas réussi reconnaître un seul parmi eux. Même pas un canard. Un fois fini, la prof lui demanda son nom pour le noter dans son cahier. Alors il se tanqua devant elle, puis en remontant les jambières de son pantalon la regarda droit dans les yeux en lâchant:
''Reconnaissez-moi !!! ''… La classe éclata de rire.
Les jours avançaient en se ressemblant et la fin de l'année 1967 sonnait à la porte. Nôtre répertoire s'étoffait en s'affutant. Nous étions fins prêts, mais avions complètement zappé les chansons russes commandés par la prof. Fallait s'y mettre illico pour ne pas parraître totalement ridicules devant nos visiteurs soviétiques. Il nous restait exactement une semaine.
Le jour ''J'', le bahut décoré des drapeaux rouges parés de faucille et marteau, la prof de russe maquillé telle une voiture volée transpirait son trac comme une vache. Nous, pas du tout. Sereins dans nos costumes noirs ''cigarettes'' qu'ont repris du service, chemises blanches en nylon et petites cravates fines en cuir à élastique à la Beatles, nous étions planqués derrière le rideau en attendant que la salle se remplisse, prêts à en découdre. Les amplis étaient chauffés à blanc. La version rock de Kalinka allait être l'entrée en matière. Après, devaient suivre Les yeux noirs et en clou du spectacle en honneur de nos amis et néanmoins frères, une des bucherons soviétiques genre Lamber Jack qu'avait dégoté la prof je ne sais pas où. Je ne me rappelle plus le titre, mais nous étions super fiers de nôtre arrangement, surtout que Iannis a trouvé dans un coin du local une tronçonneuse et devait la démarrer en finale en la brandissant.
La salle se remplissait doucement et nous allions loucher dessus régulièrement au travers des trous dans le rideau. Tout d'un coup, Otto s'écria:
''Venez voir la salope qu'est au premier rang...vite !''
On se précipita tel un seul homme. La salle était pleine et au premier rang, a coté du directeur, s'installait le comité des invités soviétiques manifestement mené par un gros ventru genre Tarass Boulba au crâne chauve luisant et avec des immense bacchantes.
''J'aimerais pas qu'il me claque une tarte, ce gros porc '', déclara Ron stoïquement.
'' Mais non, c'est pas de lui que je te parle'', s'écria Otto,     ''mais d'la gonzesse à coté de lui, la blonde avec les nattes....putain qu 'elle est bonne celle-là ! ''
En effet, à la droite du gros se tenait un poupée blonde super gaulée, flanquée de deux grosses nattes. La vraie poupée russe.
La prof des langues slaves monta au devant du rideau en faisant signe à la salle de se taire. Puis, en lisant sa jupe des paumes de ses mains, se mit à blablater des trucs qu'on n'y comprenait que dalle. Surtout moi, qu'était complètement nul car je refusait d'apprendre cette langue obstinément. Il fallait que j'apprenne les textes phonétiquement et que je me fasse un antisèche posé parterre devant moi.
Puis, d'un grand geste de la main elle se tourna vers le rideau en hurlant genre:
''Et voici, monsieur-dames, nôtre grand groupe de rock'n'roll, j'ai nommé le Saint Raphaël Group!''
Enfin, ce que j'imaginais. Le rideau se mit en branle dans un vacarme et couinement des câbles pas graissés, actionné par le concierge de nôtre fameux établissement.
J'ai lancé un '' Un, deux, trois '' et le SRG cracha une Kalinka endiablée.
Si le gros Tarass avait des cheveux, il en serait décoiffé. La salle est resté bouche bée quand la blonde salope aux nattes se mit débout en applaudissant frénétiquement. Les autres on suivi. Puis viennent les Yeux noirs dans une version très pathétique et le clou du spectacle pour la délégation avant nôtre set du british rock stonien. Iannis me fit un clin d'oeil que la tronçonneuse était prête à être démarrée. On a attaqué comme des malades puis, vient le final. Immense Iannis à la barbe noire tel un diable se pointa devant le parterre brandissant la tronçonneuse, puis se mit à tirer sur le cordon de démarrage. Une fois, deux fois, trois fois...rien à faire. Cette pute refusait catégoriquement. Il s'acharna dessus pendant que nous faisions de même sur nos instruments.
Dans le vacarme des amplis, je n'entendais rien, mais tout à coup, j'a vu un nuage de fumée noire sortir de l'engin et Iannis faire un saut en arrière. La tronçonneuse lui échappant des mains, atterrit aux pieds du gros qui se leva d'un bond évitant de justesse une mutilation atroce. Les gens se mirent à hurler et à quitter précipitamment la salle.
La blonde applaudissait de toutes se forces en faisant de petits sauts sur place. Le groupe à mon commandement lança un ''I can get no satisfaction'' puissant puis continua avec ''My generation''.
A l'ordre du dirlo, le concierge tira le rideau lourd comme les conséquences. Ainsi se finit le premier concert de Saint Raphaël Group ou Orchestra, c'est comme vous voulez.
Mais, tout n'était pas complètement négatif. D'abord, nous avions eu un succès énorme malgré tout et surtout parce que nous avions faillit massacrer nos camarades amis ce qui a finalement plu à tout le mode. Puis Otto a baisé la poupée russe au local le soir même. Le point moins: au bout de cinq jours il s'est pointé avec une bléno carabinée qu'il soignait à coup de tétracycline en l'arrosant par des grosses gorgés de bière tiède tirée du fut commun.
Puis une nuit à la maison, l'oreille collé à mon petit transistor avec lequel j'arrivais à capter Radio Carolina, j'ai entendu Hey Joe par un certain Jimmy Hendrix. Une vraie révélation, mais là, commence une autre histoire...

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