Happy Ending Company
Elodie Martinot
Description rapide :
Il était une fois une jeune femme comme les autres du nom d'Amy Wellington. A l'âge de 25 ans, elle était déjà à la tête d'un véritable petit empire. Elle avait réussi à force de travail et d'acharnement à créer et développer sa propre entreprise : la Happy Ending Company. Cette femme, accro à Disney et aux contes de fée, était partie d'un constat simple : dans une ville comme Los Angeles, avec une population approchant les quatre millions d'habitants, de plus en plus de personnes avaient du mal à trouver la perle rare. Elle en était encore plus consciente, puisqu'elle faisait partie de ces célibataires endurcis. Alors elle se donna comme mission de trouver les âmes sœurs de tous ceux qui se présenteraient à elle. Jusque là, jamais elle n'avait failli. Enfin jamais avant lui …Amy se sentait prête à relever ce nouveau défi !
Les personnages principaux:
Amy Wellington : Jeune femme de 25 ans, célibataire et accro au monde des contes de fée. Elle y consacre d'ailleurs son temps et son énergie puisque son travail consiste à trouver la perle rare pour chaque âme en mal d'amour qui se présente à elle.
Andrew Crawford : C'est un chef d'entreprise reconnu autant pour ses capacités à transformer tout ce qu'il touche en or, que pour ses nombreuses conquêtes. Terriblement séduisant et un brin manipulateur, il va tout tenter pour conquérir le cœur de notre héroïne.
Prologue : J'en ai rêvé !
Amy avait le sourire aux lèvres. Coincée dans cette cabine d'ascenseur, elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'une nouvelle fois, grâce à elle, deux personnes ne seront plus jamais seules. Cette dernière visite était juste une rencontre de routine, une sorte de service après vente pour s'assurer que tout allait bien. Mais cela lui avait mit du baume au cœur. Son dernier client était un homme d'environ trente-cinq ans qui travaillait pour une grande agence de publicité. Tout comme la plupart des personnes qui sollicitaient ses services, il était, à son plus grand regret, bien trop pris par son job pour avoir le temps de faire des rencontres. Après de multiples entretiens et des heures de recherche, Amy lui avait enfin dégoté la femme parfaite pour lui. Elle s'appelait Bridget. Tout comme lui, elle avait une carrière très prenante mais également une passion pour les bonsaïs. D'ailleurs, elle tenait entre ses mains un spécimen de ce petit arbre, cadeau commun de remerciement de ce charmant couple, qui ne se serait jamais formé sans son aide. Oui, décidemment elle était vraiment heureuse d'avoir encore une fois tenu son rôle de Cupidon à la perfection. Depuis qu'elle était dans le métier, elle avait toujours réussi à satisfaire ses clients. Grâce à cela, sa réputation de faiseuse de « fin heureuse » s'était répandue à travers la ville et son entreprise était très florissante. Elle avait beaucoup de raisons d'être fière d'elle.
Mon amour je t'ai vu
Au beau milieu d'un rêve
Mon amour un aussi doux rêve
Est un présage d'amour
Refusons tous deux que nos lendemains
Soient mornes et gris
Nous attendrons l'heure
De notre bonheur
Toi ma destinée
Je saurai t'aimer
J'en ai rêvé
Lalalala...
Nous attendrons l'heure
De notre bonheur
Toi ma destinée
Je saurai t'aimer
Tu l'as rêvé
Mon amour tu m'as vu
Au beau milieu d'un rêve
Mon amour, un aussi doux rêve
Est un présage joli
Refusons que nos lendemains soient mornes et gris
Nous attendrons l'heure
De notre bonheur
Toi ma destinée
Je saurai t'aimer
J'en ai rêvé
La sonnerie de son portable la tira de ses songes et attira sur elle l'attention des autres occupants de l'ascenseur. Elle avait choisi cette chanson pour les coups de fil professionnels. C'était, selon elle, de bons augures. Après tout, la princesse de ce célèbre dessin animé avait fini par trouver son grand amour. Elle jeta un regard courroucé autour d'elle, pour faire comprendre à ces inconnus qu'il valait mieux pour eux retourner à leurs affaires puis répondit à son assistant.
- Salut, Jeff !
- Alors dis-moi ! Ils ont eu leur « ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants » ? Demanda-t-il tout excité.
Amy soupira un peu exaspérée mais sourit tout de même. Jeff n'était pas vraiment un banal assistant. Elle l'avait rencontré à la fac. Ils suivaient le même cours d'économie et avaient tout de suite sympathisé. Elle, la jeune fille effacée et timide. Lui, extravagant et toujours de bonne humeur. Aussi différents qu'ils étaient, ils avaient néanmoins en commun une obsession pour les contes de fée qui se finissaient toujours bien. Jeff venait du Texas et avait souffert du regard des autres quand il avait avoué et assumé son homosexualité. Mais il était bien loin ce temps-là. A présent, ils étaient toujours amis mais aussi partenaires. Il la connaissait peut-être mieux que quiconque et lui apportait beaucoup au quotidien. Elle répondit calmement, malgré sa propre euphorie.
- Oui, tout a marché comme sur des roulettes ! Ils sont très mignons tous les deux et je pense qu'on recevra très prochainement une invitation à leur mariage, lui apprit-elle plus bas.
- Génial ! Bon ma belle, tu reviens maintenant ? Je meurs littéralement de faim, je suis à l'agonie. Mon désespoir est …
- Arrête ton cinéma, starlette ! S'esclaffa-t-elle devant son exubérance, inchangée depuis toutes ces années. On se rejoint au bar à sushis habituel dans un quart d'heure !
Elle remit son téléphone dans son sac, un peu gênée par le pot qu'elle devait tenir en même temps puis attendit impatiemment que les portes de l'ascenseur ne s'ouvrent la libérant enfin de ce trop petit espace qui l'étouffait. Pressée de rejoindre son ami, elle parcourut le grand hall de l'immeuble à toute vitesse sans vraiment prendre garde à ce qui l'entourait. Encore quelques mètres et elle sortirait pour toujours de la vie de son client. Une fois sur le trottoir, elle leva une dernière fois la tête comme pour graver dans sa mémoire le lieu où tout avait commencé puis se retourna vivement. Trop brusque, elle ne vit que trop tard la grande silhouette qui se tenait juste derrière elle et fut incapable de l'éviter. Elle rebondit sur un torse large et musclé, et se retrouva sur les fesses en moins de temps qu'il ne faut pour dire « Abracadabra ». A la fois furieuse contre cet inconnu et soulagée d'avoir évité le pire pour Gunther (oui, elle avait déjà trouvé un petit nom pour son bonsaï), elle se releva rapidement sans accepter la main tendue devant elle. La mine renfrognée, elle détailla l'homme à l'origine de sa chute. Grand et bien bâti, il devait avoir la trentaine. Cheveux bruns coiffés nonchalamment, yeux marrons presque noirs, Amy l'aurait qualifié de séduisant s'il ne venait pas de lui faire perdre la face. Vu le costume hors de prix qu'il portait, il devait sûrement être un homme d'affaire. Tout dans sa posture et son sourire indiquait qu'il plaisait aux femmes et qu'il en était conscient.
L'arrogant homme à femmes ! Le pire des spécimens masculins, quoi ! Pensa-t-elle hargneuse.
Elle l'entendit vaguement s'enquérir de sa personne mais décida de ne pas répondre. A la place elle tourna les talons, la tête haute et les épaules bien droites, et reprit son chemin sans lui adresser le moindre regard.
Chapitre 1 : Embrasse-la !
Pour fêter dignement leur dernier succès en date, Amy et Jeff avaient décidé de s'octroyer un jour de congé et de prolonger ainsi leur week-end. Ils avaient passé trois jours fantastiques à faire les boutiques, à mater les derniers épisodes de « Once upon a time » (leur série préférée) et à sortir avec leur amie commune, Brittany. Bien entendu, l'entreprise tournait malgré leur absence car même s'ils avaient commencé à partir de rien, la Happy Ending Company comptait désormais une quinzaine d'employés jeunes et dynamiques.
Le processus de rencontre prenait du temps et demandait beaucoup de travail en amont. Il fallait d'abord trier sur le volet les clients potentiels afin d'éliminer toutes les personnes dont les objectifs ne correspondaient pas avec la politique de la maison. Puis les « enquêteurs » étaient chargés de leur faire remplir un questionnaire et de filmer une interview sur leur attente et leur envie. Après ces deux étapes, Amy choisissait le dossier ultime. Celui de la personne qui bénéficierait de son aide. Elle lui faisait passer un entretien et enfin commençait la phase de recherche. Oui, tout cela prenait du temps. Si Amy leur assurait un résultat positif, les clients se devaient de se montrer patients.
Ainsi quand elle arriva au bureau le mardi matin, son grand café noir à la main, elle ne fut pas surprise de découvrir la dizaine de dossiers qui l'attendait, sagement posée à côté de son ordinateur. Elle prit le temps de s'installer confortablement et de vérifier ses emails, puis se saisit de la première chemise cartonnée de la pile. Elle éplucha le tout en moins d'une heure et ne put s'empêcher de soupirer devant la facilité de ces cas. Ils avaient tous un bon travail bien rémunéré, aucune tare physique ou psychologique. Plusieurs d'entre eux étaient de parfaits samaritains et aidaient leur prochain. En bref, rien de bien palpitant. Elle prit le combiné du gros téléphone noir rétro qui trônait sur son bureau et appela Jeff, qu'elle pria de venir la rejoindre. Elle triturait une des feuilles de Gunther quand elle entendit sa porte claquer.
- Alors, ma belle ! Un petit coup de déprime ? Rit-il devant sa mine décomposée. Tu t'ennuies déjà, on dirait ?
- Arrête de te moquer, petite vipère ! Répliqua-t-elle en lui tirant la langue. C'est juste que je n'arrive pas à comprendre pourquoi ces types ont besoin de moi ! C'est vrai, quoi. Ils pourraient trouver facilement une femme qui leur convienne … Ce n'est pas drôle, quand c'est trop simple !
Amy le regarda perplexe quand il se mit à sourire de toutes ses dents. Elle connaissait chacune de ses expressions et là, il manigançait quelque chose. Elle était prête à en mettre sa main à couper.
- Un petit défi, ça t'intéresse ? Demanda-t-il avec malice en secouant devant elle une autre pochette. Je peux t'assurer qu'avec ce type, tu n'es pas prête de t'ennuyer ! Va y avoir du sport.
Elle réfléchit quelques minutes avant de répondre car elle savait très bien que son ami avait quelque chose d'autre derrière la tête. Il avait son petit air fourbe, c'était comme si de grosses lettres rouges lumineuses indiquaient sur son front « Je vais t'avoir ! ».
- Mais je vais corser un peu le tout par un pari ! Si tu réussis à lui trouver la femme de sa vie, je te promets de me déguiser en Mickey pendant une journée entière et tu pourras m'emmener où bon te semble. Mais si tu échoues, tu devras chanter en public une chanson de mon choix, annonça-t-il fier de sa trouvaille.
Amy ne savait que faire. Etant une farouche compétitrice dans l'âme, elle était tentée d'accepter ce pari. Seulement sa plus grande phobie était de se produire devant un auditoire. Elle avait des nausées rien qu'à l'idée de monter sur une scène. Cependant elle était quasiment certaine de réussir. Les rouages de son cerveau étaient entrain de surchauffer lorsqu'elle se jeta à l'eau.
- Très bien, j'accepte mais à deux conditions : d'abord ce sera un costume de Donald et non de Mickey et ensuite j'aurai le droit de prendre autant de photos et de vidéos que le cœur m'en dit !
-Tope-là ! Lui dit-il en lui présentant sa main en signe d'accord.
Son assistant lui présenta alors le dossier qu'elle posa bien à plat devant elle avant de passer sa main au-dessus en fermant les yeux, l'air extrêmement concentré.
- Je sens … que ce jeune homme va avoir une chance du tonnerre ! Révéla-t-elle en souriant. Comment s'appelle-t-il ?
- Andrew Crawford ! Répondit Jeff avec enthousiasme.
N'y tenant plus, elle ouvrit enfin le document à la première page. Sa vision se troubla un moment lorsqu'elle vit la photographie agrafée au dossier. Certaine d'avoir des hallucinations, elle se frotta vigoureusement les yeux avant de regarder à nouveau. Non, elle ne s'était pas trompée. Ces cheveux bruns, ce sourire en coin … Elle avait devant elle le visage de l'inconnu qui l'avait bousculé dans la rue quelques jours plus tôt. Elle fit une grimace quand elle comprit ce qui l'attendait et se demanda quelle mouche avait bien pu piquer Jeff pour qu'il lui choisisse un tel client. Elle parcourut rapidement le questionnaire auquel il avait dû répondre.
Couleur préférée : Rouge.
Film préféré : Freddy Krueger.
Dernière relation sérieuse : Au lycée, l'histoire a duré 6 mois.
Préférences physiques : Blonde, forte poitrine.
Caractéristiques particulières recherchées chez une femme : Bonne cuisinière et experte en massage.
Elle se demanda une minute si tout ceci n'était pas qu'une vaste plaisanterie de mauvais goût. C'était à cet affreux misogyne psychopathe et pervers qu'elle devait trouver la perle rare ? C'était tout simplement impossible. A moins de lui trouver une réplique de la fiancée de Chucky ou encore une poupée gonflable ! Elle soupira, excédée par sa propre naïveté, et renifla avec dédain.
- Quand dois-je rencontrer cet abruti exactement ? Demanda-t-elle furieuse à un Jeff de plus en plus amusé par la situation.
- Dans vingt minutes …
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Andrew Crawford regarda discrètement sa montre pour la deuxième fois en moins de dix minutes. Il trouvait le temps extrêmement long et s'ennuyait ferme. Il fit tout de même mine de s'intéresser à son interlocutrice, une jeune femme d'une vingtaine d'années venue briguer le poste si convoitée de son assistante personnelle. De toute manière, il savait déjà qu'elle ne ferait pas l'affaire. Trop jeune, trop naïve et surtout trop attirée par lui. Il détestait ce genre de femmes. Celles qui s'empourpraient dès qu'il leur portait une infime attention ou encore celles qui bégayaient lorsqu'il leur posait une question simple. Non, décidemment cette fille ne convenait pas et il avait la terrible impression de perdre son temps alors qu'il pourrait l'employer pour son prochain rendez-vous.
Il secoua la tête quand il repensa à tout ce qu'il avait dû faire pour obtenir cette future entrevue. Cela avait commencé le vendredi précédent. Il revenait de sa « pause-déjeuner », comme il aimait l'appeler. En bref, une petite aventure purement sexuelle avec un mannequin quelconque qui avait posé pour une de ses pubs. Peu avant 14h, il était revenu à l'agence son sandwich sous le bras et s'apprêtait à rejoindre son bureau quand une scène insolite avait attiré son attention. En effet, en passant dans le couloir, il avait remarqué, à travers la baie vitrée, que son directeur artistique mais aussi ami serrait chaleureusement dans ses bras une magnifique jeune femme. Ne l'apercevant d'abord que de dos, il remarqua tout de suite ses longues jambes galbées par ses talons aiguilles, sa sublime chute de rein et sa longue chevelure brune, qui lui donna immédiatement quelques idées peu catholiques. Il s'était dépêché de se cacher un peu plus loin, lorsque l'inconnue avait quitté le bureau en direction de l'ascenseur. N'écoutant plus que son instinct (d'autres diraient qu'il était incapable à cet instant de penser avec son cerveau, mais il s'en fichait !), il l'avait suivi et s'était faufilé avec elle dans le fond de la cabine.
Là, il avait passé les minutes les plus exquises et les plus terribles de toute sa vie. Confinée dans l'espace réduit, il avait pu détailler de plus près la perfection de sa nuque lorsqu'elle avait un peu relevé ses cheveux, sûrement à cause de la chaleur ambiante. Il s'était laissé enivrer par son parfum aux accents fruités et avait dû combattre l'irrésistible envie de fourrer son nez dans le creux de son cou pour mieux l'apprécier. Et finalement il avait ignoré la voix, à l'intérieur de sa tête, qui lui chuchotait de l'embrasser (cela aurait été malvenu de la part d'un étranger). Puis quand il avait pensé qu'il était au bout de ses surprises, le téléphone de cette sublime créature s'était mis à sonner. Elle ne lui avait alors pas paru embarrassée le moins du monde par son choix de musique (peu commune) ou par le fait que toutes les autres personnes dans cet ascenseur pouvaient clairement entendre sa conversation.
Par ailleurs, lorsqu'elle avait répondu à cet homme, ce Jack ou Jim, la curiosité lui avait tenaillé l'estomac. Qui était-ce ? Avait-elle quelqu'un dans sa vie ? Mais avant qu'il ne puisse réagir, les portes de la cabine s'étaient ouvertes, déversant dans le hall son flot de marée humaine et avec elle, la belle inconnue. Il était néanmoins parvenue à la repérer un peu plus loin, elle lui avait semblé pressée. Profitant de son évident manque d'attention pour ce qui l'entourait, il s'était dépêché de la doubler pour l'attendre devant l'immeuble. Sa stratégie lui paraissait stupide aujourd'hui : feindre tout simplement une rencontre fortuite. Seulement c'était sans compter sur sa maladresse et son irritabilité. Après leur collision, il avait bien essayé d'entamer la conversation et de se montrer galant mais elle avait pris la fuite après lui avoir jeté un regard de furie.
Ce cuisant échec l'avait mené jusqu'au bureau de Max. Il l'avait trouvé trop souriant, l'air satisfait et ses soupçons l'avaient rendu agressif. Mais finalement après une brève conversation, il avait appris que cette femme s'appelait Amy Wellington et qu'elle tenait une agence matrimoniale de luxe. Un plan s'était alors formé dans son esprit machiavélique et depuis, il n'avait eu de cesse de le mettre en place.
Enfin l'entretien d'embauche arriva à sa fin. Il se leva tout en reboutonnant sa veste et lui tendit une main sûre. Il la remercia poliment et la fit raccompagner. A présent, il lui restait vingt minutes avant son rendez-vous avec Amy, tout juste le temps pour atteindre son bureau.
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Amy commençait sérieusement à s'impatienter. Ce grossier personnage avait le culot d'être en retard. Elle fulminait lorsque Jeff la prévint qu'il était enfin arrivé. Impatiente d'en finir au plus vite, elle alla l'accueillir dans la salle d'attente. Elle marqua un temps d'arrêt pour l'observer en catimini avant qu'il ne découvre sa présence. Il était toujours aussi séduisant même s'il était un peu rouge et essoufflé. Curieuse de découvrir les raisons de cet état, elle prit les devants et se racla la gorge.
- Monsieur Crawford, je présume ? Demanda-t-elle innocemment tout en lui tendant la main.
Il acquiesça en silence, apparemment encore trop haletant pour lui répondre de vive voix. Cependant il lui serra la main d'une poigne ferme et énergique.
- Si nous passions dans mon bureau ? Lui proposa-t-elle en prenant son ton le plus commercial possible. C'est par ici, si vous voulez bien me suivre.
Amy vit l'immense sourire de Jeff lorsqu'ils passèrent devant son bureau et se promit de lui faire payer plus tard. Pour le moment, elle devait se concentrer sur sa nouvelle mission sinon elle était bonne pour un grand moment de solitude sous le feu des projecteurs. Elle chassa cette image de son esprit et se mit en mode professionnel. Enfin installés, elle rouvrit le dossier de son interlocuteur et le relut en diagonale même si c'était inutile puisqu'elle le connaissait déjà par cœur. Quand elle releva la tête, elle frissonna en voyant qu'il la reluquait ! Ce mec était vraiment incorrigible. Il venait la voir pour soi-disant trouver l'âme-sœur et en profiter en même temps pour se rincer l'œil. Elle se pinça l'arrête de son nez pour refouler la colère qui bouillonnait en elle et commença l'entretien.
- Monsieur Crawford, comment avez-vous entendu parler de notre entreprise ?
- Tout d'abord, vous pouvez m'appeler Andrew, lui proposa-t-il comme s'il s'agissait d'une faveur. Et pour vous répondre, un de mes amis, Max, qui a récemment eu recours à vos services, m'a vanté vos mérites. Il parait que vous faîtes des merveilles !
Elle hocha la tête pensive. Son histoire tenait la route. Après tout, son entreprise fonctionnait essentiellement grâce aux bouches à oreilles et il était très probable qu'il soit en contact avec son dernier client.
- Oui, il est vrai que Max a eu beaucoup de chance, admit-elle en souriant. Mais revenons-en à vous, Monsieur Crawford. Je dois dire que votre questionnaire est loin d'être banal.
- Andrew, la reprit-il doucement. Vous m'en voyez flatté !
Encore cet air suffisant ! Elle avait étrangement envie de lui faire manger sa cravate Armani pour voir s'il arrivait encore à sourire après cela. Serrant un peu plus étroitement ses doigts autour du dossier, elle se mit à en énumérer les réponses.
- Je dois avouer, Mademoiselle Wellington, que la plupart de ses réponses sont erronées. Je voulais vérifier votre système de triage ! Histoire de voir, si vous deviez vos excellents résultats uniquement grâce à la facilité des dossiers que vous choisissiez. Mais vous avez passé ce test avec brio, je vous félicite.
- Je comprends, assura-t-elle la mâchoire serrée. Peut-être pourriez-vous à présent me fournir les réponses correctes ?
- Non, je ne veux pas vous rendre la tâche plus aisée ! Rit-il visiblement fier de lui. Si vous souhaitez ces informations, il faudra les trouver vous-même.
- Dans ce cas, Monsieur Crawford, je ne vous retiens pas plus longtemps ! Dit-elle en se levant pour lui indiquer que leur entretien touchait à sa fin. J'ai beaucoup de travail devant moi.
Elle se força à lui serrer à nouveau la main et le raccompagna jusqu'à la sortie où elle lui promit de le recontacter d'ici deux jours. Quand il disparut enfin de sa vue, elle souffla bruyamment et marcha en trombe jusqu'au bureau de Jeff.
- Je te préviens, je vais tuer ce type ! Cria-t-elle les poings sur les hanches. Et quand les flics viendront pour me jeter en prison, je t'accuserai de complicité. Je t'entraînerai dans ma chute ! Vociféra-t-elle en claquant la porte de son bureau derrière elle.
Chapitre 2 : N'écoute que moi !
Amy réfléchissait à toute vitesse. Il ne faisait plus aucun doute pour elle qu'elle était tombée dans un piège avec cette histoire de défi. Mais elle n'allait pas laisser tomber pour autant. Hors de question ! Ce n'était pas dans son tempérament et ça, depuis toujours. Même si elle avait mis un moment avant de le comprendre. Quand on avait une famille comme la sienne, il était rare de pouvoir s'exprimer librement. Avec un père sénateur et une mère totalement dévouée à son mari et à son unique fille, il y avait de quoi se sentir légèrement étouffée. Son avenir avait été tout tracé dès sa plus tendre enfance. Elle devrait suivre les traces de son père en faisant des études brillantes en sciences politiques ou en économie, puis prendrait ses fonctions à ses côtés dans son cabinet tout en se mariant à un charmant et séduisant jeune homme sans saveur ni odeur pour donner à sa mère une ribambelle de petits-enfants bruyants et malodorants. Mais elle s'en était bien tirée finalement et en grande partie grâce à Jeff. Après leur rencontre, elle s'était petit à petit métamorphosée. La vilaine chenille devint un joli papillon, brisant son cocon pour prendre son envol.
Son père lui avait pardonné quand il avait compris qu'elle était aussi tenace que lui et qu'il avait vu son entreprise prospérer. Le sénateur Wellington était un peu comme Saint Thomas. Au départ sceptique, il pensait que sa fille avait totalement perdu l'esprit avec ses idées saugrenues d'amour éternel, de prince charmant et de théière qui chante. Mais lorsqu'elle avait commencé à faire ses preuves et à gagner de l'argent, il avait reconnu son travail. Par contre, c'était autre chose pour sa mère, qui avait vécu la rébellion de sa fille comme une véritable trahison. Amy avait dû supporter les différentes phases de la punition qui lui avait été réservée. D'abord les larmes et les cris, puis le dédain et la froideur. A présent elles étaient entrées toutes les deux dans la phase trois : persuasion et manigance. Amy espérait de tout cœur que cela passerait avec le temps car elle avait déjà assez de travail avec ce dossier sans en plus en rajouter les plans foireux de sa mère. Jusque là elle avait réussit à s'en tirer à bon compte mais elle était certaine que cela ne durerait pas.
Elle soupira une nouvelle fois quand une idée, qu'elle jugeait brillante, s'imposa à elle. Pour trouver la femme parfaite de ce goujat, elle devait d'abord en apprendre plus sur lui. Elle se sentait stupide de ne pas y avoir pensé plus tôt. Personne ne serait capable de remplir une telle mission sans connaître son sujet par cœur. Forte de cette nouvelle confiance en soi, elle rouvrit le dossier maudit et s'empressa de googleliser son client. D'abord, elle passa en revue les centaines de photos de lui publiées sur le net, dans l'espoir de dénicher quelques clichés où il serait en compagnie de femmes. Cela pourrait lui fournir des indices cruciaux. Mais elle dût vite se rendre à l'évidence, cet homme posait toujours seul. Ceci étonna grandement Amy qui au contraire pensait que Monsieur Crawford aimait se pavaner au bras de sublimes femmes. Encore une déception. Décidemment elle les accumulait depuis qu'elle l'avait rencontré.
Elle cliqua sur une photo, qui paraissait récente, et la détailla avec intérêt. Sur celle-ci, il paraissait détaché bien que souriant. C'était à l'occasion du lancement promotionnel d'un grand parfum de luxe dont sa compagnie s'était occupée. Une barbe naissante recouvrait ses joues et le rendait encore plus viril, si cela était possible. Elle secoua la tête pour chasser cette dernière pensée. Elle ne devait pas perdre de vue son objectif. Son téléphone portable se mit à vibrer et sonner bruyamment, ce qui la fit sursauter. Elle avait personnalisé ses sonneries et rien qu'en écoutant celle qui résonnait à ce moment-même, elle sut que la conversation, qui suivrait, n'allait sûrement pas lui plaire. Elle hésita à répondre, laissant ainsi la mélodie se répandre dans son bureau.
Mère Gothel :
Tu voudrais aller dehors ? Oh, voyons, Raiponce
Regarde-toi, aussi fragile qu'une fleur
Tu n'es qu'un bébé, un petit poussin
Pourquoi vivons-nous ici dans la peur ?
Raiponce :
Je sais pourquoi
Mère Gothel :
Mais oui, pour qu'il ne t'arrive rien
Oh, je sais que viendra ce jour maudit
Où l'oiseau voudra quitter son nid
Mais pas tout de suite
Raiponce :
Mais...
Mère Gothel:
Chut ! Écoute petite
N'écoute que moi
N'écoute que moi, oui écoute ta mère
Nous sommes dans un monde amer
N'écoute que moi car de toutes les manières
Partout le mal guette sur terre
Bandits, voleurs, poison, sables mouvants
Cannibales, serpents, oh !
La peste !
Elle souffla un bon coup avant d'appuyer sur la petite touche verte et de répondre à sa délicieuse mère.
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Andrew était tout à fait satisfait de son entretien avec la splendide Amy. Il l'avait trouvé encore plus belle et sexy qu'à leur première rencontre. Pendant un moment, il avait craint de ne jamais arriver à temps. D'ailleurs à cause de ce foutu entretien et de cette maudite circulation, il avait dû finir le trajet en courant et était arrivé à bout de souffle. Cela lui fit penser qu'il ferait mieux de se remettre au sport, il commençait à se relâcher. Enfin toute l'amertume et la fatigue l'avaient quitté lorsqu'il l'avait vu s'approcher de lui d'une démarche assurée et féline. Elle semblait un peu agacée de son retard même si elle avait fait preuve de beaucoup de professionnalisme. Pendant leur entretien, il avait pu l'admirer plus longuement. Ses magnifiques yeux gris s'étaient plissés lorsqu'elle avait surpris son regard sur ses formes. Il s'était alors senti comme un gosse de six ans pris en flagrant délit. Il avait adoré discuter avec elle et s'était beaucoup amusé à la faire enrager. Il la trouvait rafraîchissante. Si différente des autres femmes qu'il avait côtoyées jusque là.
Maintenant il ne lui restait plus qu'à attendre deux jours avant de la revoir et de lui parler à nouveau. Une fois sorti de l'immeuble de la Happy Ending Company, il sortit son Smartphone et appela son ami Max. Il lui avait promis un rapport détaillé sur cette première rencontre.
- Parker, j'écoute !
- C'est bien solennel, tout ça ! Répondit Andrew en riant. Je viens au rapport mon colonel.
- Andrew, j'espère que tu t'es bien tenu ! Je t'ai renseigné sur cette agence uniquement parce que tu m'as juré que tes attentions étaient sérieuses …
- Je sais, je sais … Je t'assure que je me suis montré tout à fait correct. Le parfait gentleman … Ou devrais-je dire le parfait prince charmant ?
- Andrew ! Gronda Max.
- Max ! Répliqua l'homme sur le même ton. Bon, plus sérieusement, où on en est avec la prochaine présentation ? Tout est prêt ? Le rendez-vous a été confirmé ?
- Ne t'inquiète pas, tout est au point pour la réunion de cette après-midi. J'ai également envoyé l'invitation à diner pour les hauts responsables du parti et leur famille. Demain soir au Pace. Tous ont répondu présent !
- Parfait ! J'ai hâte de rencontrer le reste de la famille Wellington …
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Comme elle s'y était attendue, sa mère était passée à l'attaque. Son coup de fil, qui aurait pu paraître tout à fait innocent, s'était révélé être une manœuvre habile pour la manipuler. Le pire c'était qu'elle s'était fait avoir, comme d'habitude. Elle avait fini par accepter de se rendre à un diner pompeux dans un restaurant hors de prix, pour soi-disant soutenir son père dans son travail. Cependant sa mère lui avait assuré qu'il serait très malvenu de sa part de venir sans cavalier alors elle avait eu la délicatesse de lui en trouver un. Un jeune homme parfait : trente ans, beau garçon, bonne situation et charmante famille ! En gros, un fils à maman qui cherchait à se caser. La soirée du lendemain s'annonçait chiante à mourir.
Son estomac gargouilla bruyamment comme pour lui rappeler qu'il était temps de prendre sa pause déjeuné. Alors abandonnant ses recherches, elle se leva et enfila sa veste en cuir rouge avant de rejoindre le bureau de Jeff. Une fois devant, elle s'immobilisa et lui tira la langue pour détendre l'atmosphère.
- Ma meilleure amie m'a pardonné ! S'exclama-t-il mélodramatique. Me voilà soulagé, apaisé, délivré …
- C'est bon, j'ai compris. Si Monsieur le Dictionnaire des Synonymes veut bien se bouger les miches et m'accompagner afin de se sustenter ! Dit-elle d'une voix pompeuse en effectuant une légère courbette.
- Mais avec joie, répondit-il en riant.
Une fois n'est pas coutume, ils choisirent d'aller manger dans un petit resto grec qu'ils affectionnaient beaucoup. L'endroit n'était pas très luxueux mais la nourriture était fabuleuse et le cuisinier beau comme un Dieu, un véritable Apollon. Ils commandèrent rapidement et allèrent s'asseoir à leur table habituelle qui leur fournissait une vue dégagée sur le divin cuistot.
- Tu comptes me raconter ce qui t'as mis en rogne ce matin ou je dois te supplier ? Commença Jeff, impatient de connaître tous les détails.
- Ce type est un con, voilà ce qui m'a mis en rogne ! Maugréa-t-elle en sentant la colère revenir lentement dans ses veines. Il est odieux et prétentieux. Je suis pratiquement certaine qu'il ne cherche qu'un coup d'un soir et il me fait perdre mon temps avec son jeu absurde …
- Quel jeu ? Demanda l'assistant réellement surpris.
- Rien d'amusant, crois-moi ! Il refuse simplement de me donner les renseignements de base, qui m'auraient permis de lui trouver quelqu'un à son goût ! Comment a-t-il dit déjà ? Ah oui, ça me revient : « Si vous voulez ces informations, il vous faudra les trouver vous-même » ! Imita-t-elle grossièrement. En bref, je suis dans la merde …
- La, la, la … Chantonna Jeff en mimant un micro dans sa main droite.
Pour toute réponse, elle lui asséna un coup de fourchette sur ses doigts. Elle n'avait pas encore perdu. Bien sûr, cela allait être plus difficile que prévu mais c'était quand même faisable. Un plan se formait déjà dans son esprit avec plusieurs possibilités pour ne pas être prise au dépourvue. D'abord, dès son retour au bureau, elle passerait un coup de fil à Max. Après tout, il lui devait bien cela et lui pourrait peut-être la renseigner puisqu'ils étaient apparemment amis. Si malgré tout, cette première solution échouerait, elle mettrait à exécution le plan B. Plus fantaisiste et aventureux mais qui pourrait bien fonctionner.
- Ne vends pas la peau de Donald, avant de l'avoir portée ! Répondit-elle en souriant. Au fait, demain soir, je ne pourrai pas venir à l'expo comme prévu. Ma mère a téléphoné …
- Laisse-moi deviner. Un diner bon chic bon genre au manoir avec un constipé du sourire ? Supputa Jeff en riant.
- Pas loin. Mais cette fois ce sera dans un restaurant « gastronomique » ! Et j'insiste sur les guillemets ! J'ai intérêt à manger un morceau avant, sinon je vais dépérir …
Ils finirent leur repas dans la bonne humeur. Tantôt en s'imaginant le prétendant que sa mère lui avait déniché, tantôt en réfléchissant à ce qui pourrait plaire à leur nouveau client. Finalement ils reprirent le chemin du bureau, bien plus décontractés et prêts à conquérir le monde.
Chapitre 3 : C'est pas une vie !
Amy en avait assez. C'était comme si l'univers entier complotait contre elle. Peut-être exagérait-elle un peu. Mais juste un petit peu alors. Elle avait passé l'après-midi à essayer de joindre Max sans succès. Elle finissait par penser qu'il filtrait ses appels. Mais pour quelles raisons, elle l'ignorait totalement. Cela n'avait aucun sens. A moins que … Non il n'aurait tout de même pas osé ? En fait, si ! C'était tout à fait son genre. Maintenant qu'elle y réfléchissait, ce Monsieur Crawford était capable de l'avoir grillé auprès de son ami. Il avait très bien pu donner ses instructions après leur entrevue.
- Arff, qu'est-ce qu'il m'énerve, ce mec ! S'exclama-t-elle en balançant rageusement son téléphone sur son bureau.
Elle relut les quelques informations qu'elle avait réussit à glaner au prix de trois heures d'acharnement sur le net, se farcissant par la même occasion la lecture de sites tous plus débiles les uns que les autres. Apparemment ce goujat était un enfant adopté suite à un accident tragique qui avait coûté la vie à ses parents biologiques. A l'âge de 10 ans, il faisait donc son entrée dans la famille Crawford, qui régnait depuis deux décennies sur le monde de la publicité. Un an plus tard, la petite Katleen venait au monde et faisait de lui un grand frère protecteur et aimant. Amy avait finalement déniché une photo de toute la petite famille. Ils posaient lors d'une réception de l'entreprise pour la nouvelle année. Ils avaient l'air heureux tous les quatre. Une famille modèle aux antipodes de la sienne. Puis elle apprit par un article de journal, qu'il y avait deux ans à peine, Monsieur Crawford Père, jugeant son fils prêts, lui avait cédé les rennes de son entreprise avec confiance et bienveillance.
Voilà tout ce qu'elle put soutirer à son ordinateur en l'espace d'une journée et cela était vraiment trop peu. Résignée, elle décida d'emporter chez elle une dizaine de profils de prétendantes potentielles toutes très différentes. Cela allait d'une kinésithérapeute amoureuse de la nature à une serveuse adepte des films d'horreurs et de la cuisine expérimentale. En bref, un large panel, qu'il lui faudrait diminuer si elle souhaitait un quelconque résultat. Mais pour le moment, elle n'aspirait qu'à rentrer chez elle, prendre un bon bain bien mousseux avec peut-être son album des musiques Disney en fond et déguster un verre de vin rouge.
Le lendemain, elle n'était pas plus avancée mais elle dût remettre sa quête d'informations à plus tard. Sa mère avait débarqué tôt dans la matinée pour lui faire une « surprise ». Elle avait décrété que sa fille ne pourrait certainement pas se présenter au restaurant dans une vieille robe. Alors elle l'avait traîné à travers la ville dans toutes les boutiques luxueuses de sa connaissance. A chaque fois qu'Amy lui proposait une robe qui lui paraissait convenable, elle lui jetait un coup d'œil irrité et dans un claquement de langue peu élégant, lui faisait remarquer que son goût vestimentaire avait toujours été « particulier ». Autrement dit, elle avait un goût de chiotte ! Mais ça, sa mère était bien trop polie pour le lui dire de cette manière. Après deux heures de shopping intensif, les pieds douloureux et un mal de tête carabiné, elle s'apprêtait à envoyer sa mère sur les roses lorsqu'elle aperçut une jeune fille à travers la vitrine d'une boutique. Elle s'arrêta net. Elle était certaine de l'avoir déjà vue mais où ?
Sa mère, remarquant son soudain intérêt pour la boutique, revint sur ses pas et examina quelques instants les vêtements exposés. Apparemment satisfaite du choix de sa fille, elle l'entraîna à l'intérieur au moment où celle-ci se rappela où elle avait déjà croisé le visage si familier de cette adolescente. Bien sûr, elle se sentait complètement idiote. Elle avait passé des heures la veille à examiner sous toutes les coutures cette photographie et maintenant elle avait du mal à se souvenir de celle qui se trouvait au centre de celle-ci. Elle avait devant elle la petite sœur d'Andrew Crawford. La fameuse Katleen qui, aujourd'hui, devait être âgée de dix-neuf ans, si ses calculs étaient corrects. Elle remarqua que sa mère était allée chercher une vendeuse et en profita pour s'approcher discrètement de la jeune fille. Elle s'était dit qu'elle pourrait toujours essayer de sympathiser et de détourner la conversation vers le sujet qui faisait actuellement de sa vie un enfer. Mais elle s'immobilisa à quelques pas, totalement figée. Il était là. Mais bien sûr, elle ne l'avait pas vu avant. Comment aurait-elle pu de toute manière ? Assis sur ce canapé, de dos à l'extérieur, il était impossible de le voir à moins de s'approcher un peu. Elle hésita et allait repartir lorsqu'elle entendit un bout de leur conversation qui lui fit changer d'avis.
- Andy, soit sympa ! Râlait Katleen. Tu réponds toujours la même chose depuis une heure, pourtant la question est simple ! Comment trouves-tu cette robe ? Tu sais que c'est important pour moi. Je ne veux pas être la plus mal habillée ce soir !
- Katie, chérie, ces robes sont toutes très bien sur toi alors tu en choisis une pour qu'on puisse sortir d'ici ! Répondit Andrew, visiblement agacé de s'être laissé entraîner dans cette virée shopping.
Amy ne put retenir un léger rire. Apparemment elle n'était pas la seule victime de la mode aujourd'hui. Son rire resta cependant coincé dans sa gorge lorsque le frère et la sœur se retournèrent à l'unisson pour dévisager celle qui les avait espionnés. Extrêmement gênée, Amy se sentit rougir. Monsieur Crawford paraissait réellement surpris de la trouver ici, mais ne commenta pas son manque de discrétion. Au contraire, il se dépêcha de venir à sa rencontre pour la saluer chaleureusement.
- Mademoiselle Wellington ! Quelle bonne surprise ! S'exclama-t-il retrouvant par la même occasion son sourire enjôleur. Je vous présente ma sœur, Katleen.
La sœur en question vint à son tour lui serrer la main et elles échangèrent quelques propos polis. Amy remarqua une dizaine de robes étalées un peu partout et pensa pouvoir se rendre utile. Même si sa mère disait le contraire, elle n'était pas si nulle que ça pour choisir des vêtements. Katleen était une jeune femme assez grande avec une taille fine et un décolleté généreux. Sa longue chevelure châtain et sa peau hâlée devaient très bien se marier avec les tons chauds comme le doré. Elle s'avança jusqu'aux robes, qu'elle passa en revue rapidement puis en choisit une qu'elle tendit sans hésiter à Katleen.
- Celle-ci vous irez à merveille ! Le doré mettra votre bronzage en valeur, la ceinture soulignera votre taille fine et le décolleté est juste parfait, expliqua tranquillement Amy.
- Vous êtes géniale ! S'écria la jeune fille pleine d'enthousiasme en la prenant dans ses bras. Vous me sauvez la vie. Je reviens tout de suite, signala-t-elle en partant vers les cabines d'essayages.
- Vous sauvez également la mienne, j'aurai fini par me jeter par la fenêtre si j'avais dû supporter cela une minute de plus, la remercia-t-il également soulagé d'être débarrassé de cette corvée.
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Andrew n'en revenait pas de la chance qu'il avait eue. Comment aurait-il pu prévoir que cette interminable matinée dans les magasins lui aurait donné l'occasion de la revoir plus vite ? Il devrait penser à acheter un petit quelque chose pour remercier sa sœur d'avoir tant insisté pour qu'il l'accompagne. Bien entendu, il était toujours heureux de passer un peu de tant avec Katleen. Surtout qu'à présent, entre ses propres responsabilités et ses études, ils n'avaient plus beaucoup l'occasion de se voir en dehors des repas familiaux hebdomadaires qu'ils partageaient. Il commençait sérieusement à s'impatienter quand au bout d'une heure, sa sœur s'était révélée incapable de choisir une robe. Mais comme dans un rêve, elle était apparue et il en avait tout oublié. Son agacement, son impatience … Tout s'était effacé à la minute même où il l'avait vu. Elle avait l'air embarrassée. Peut-être pensait-elle s'être montrée inconvenante en les interrompant. Il s'était empressé de la rejoindre de peur qu'elle ne disparaisse comme lors de leur première rencontre et avait eu envie de lui présenter sa sœur.
S'il hésitait encore sur la teneur de ses sentiments à son égard, à présent ce n'était plus le cas. Présenter sa sœur était un véritable pas de géant pour lui. Jamais, au grand jamais, il n'avait laissé une femme s'approcher de sa famille et surtout pas de sa sœur. Pourtant à ce moment-là, ça lui avait paru naturel et il avait aimé assister à leur premier échange. Il la considéra à nouveau. Elle était ravissante dans son ensemble robe-chemisier rehaussé par sa veste en cuir rouge. Maintenant que sa sœur était hors de portée de voix, il allait reprendre la parole quand une femme d'une quarantaine d'années les rejoignit une robe sur le bras et une vendeuse sur ses talons.
- Ah, c'est ici que tu te cachais ! lui reprocha la dame. Amy, tu sais qu'il nous reste que très peu de temps pour te trouver la robe idéale.
Il vit Amy tressaillir légèrement. Elle semblait agacée voire peut-être même irritée. Elle fit une petite grimace qui passa inaperçue aux yeux des deux autres femmes mais qui lui arracha un sourire.
- Veuillez l'excuser, Madame ! C'est entièrement de ma faute, lui apprit Andrew sous le regard interloqué d'Amy. Ma jeune sœur avait besoin d'un avis féminin et la votre s'est prêtée à l'exercice de bonne grâce.
- Ma sœur ! Rit la dame. Vous êtes flatteur jeune homme, mais sachez que cette délicieuse personne est en réalité ma fille.
- Vraiment ? Répondit Andrew en prenant un air choqué ce qui provoqua un sourire chez Amy qui roula également exagérément des yeux.
Amy examina ensuite d'un œil critique la robe que sa mère tenait encore dans ses mains et décréta qu'il était totalement hors de question qu'elle porte cette horreur. Sa mère eut l'air épouvanté par les propos de sa fille et, vexée, elle préféra tourner les talons, droite comme un I. Andrew n'avait plus de mal à imaginer d'où Amy tenait son caractère de cochon.
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Amy n'en croyait pas ses oreilles. Il n'avait donc aucune limite ? Maintenant il faisait du charme à sa mère ! Et voilà qu'en plus, cette dernière rentrait dans son jeu. C'était la goutte d'eau qui fit déborder le vase et elle n'arriva pas à retenir sa réplique acerbe face au choix de sa mère. Mais pour sa défense, il fallait voir la robe en question. Elle était d'un rose immonde avec encore plus de dentelle et de froufrou que sur un déguisement de prostituée. Elle ne pouvait sérieusement pas penser qu'elle allait se contenter d'acquiescer gentiment. Les mains sur les hanches, elle regarda sa mère repartir avec la vendeuse et se retourna sur lui. Il attendait visiblement quelque chose, mais quoi ? Elle ne saurait pas le dire.
- Pour ce que ça vaut, je suis complètement d'accord avec vous. Cette tenue donnait envie de vomir ! Votre mère essaye-t-elle de vous vendre à un souteneur ? Tenta-t-il de faire de l'humour.
- Vous n'êtes pas si loin de la vérité, soupira-t-elle. Bon je ferais mieux de la rejoindre, je devine qu'elle est capable de choisir encore pire !
- Très bien mais si je peux me permettre un avis, vous devriez prendre quelque chose de rouge. Ca vous va très bien.
Katleen les rejoignit à cet instant, ravie de sa trouvaille et ils se séparèrent. Amy découvrit sa mère dans le fond du magasin, dans une petite réserve. Elle caressait, songeuse, une splendide robe. Celle-ci avait un col en V et des manches longues, elle était de mousseline de soie. Des motifs floraux argentés entouraient la taille et les poignets. Le dos laissait apparaître la peau sous un tissu transparent et une fente montait haut sur le côté gauche. Sa mère la vit enfin et sourit de manière crispé.
- Oui, je sais ce que tu vas me dire. Tu la trouves moche et …
- Pas du tout ! Je l'adore, murmura-t-elle sous le choc d'être en accord avec sa mère sur un sujet.
Après ça, elle était partie essayer la robe pour son plus grand plaisir. Elle en était littéralement tombée amoureuse. Lorsqu'elle était sortie de la cabine pour la montrer à sa mère, elle avait inconsciemment retenu son souffle espérant ne pas devoir subir les sempiternelles critiques maternelles dont elle faisait l'objet depuis toute petite. Mais à son grand étonnement, celle-ci était restée un moment bouche-bée et même la vendeuse un peu revêche lui avait sourit. Finalement cette soirée avait quand même du bon. Grâce à sa mère, elle avait déniché LA robe de sa vie et en avait apprit un peu plus sur son client. Elle était aux anges et accepta même avec le sourire les conseils de sa mère sur sa coiffure et sur ses techniques d'approche pour séduire les garçons.
- Ma chérie, je t'en supplie, soit à l'heure ce soir ! On se retrouve directement au restaurant, ton père arrivera juste à temps de son meeting et on n'aura pas le temps de passer te prendre.
Amy hocha la tête et déposa une légère bise sur la joue de sa mère avant de descendre de la voiture. Avant de partir, elle fit un signe de la main amical à leur chauffeur particulier. Celui-ci lui répondit, vaguement amusé par sa familiarité. Enfin elle courut rejoindre Jeff, impatiente de lui montrer la fameuse robe.
Chapitre 4 : Première leçon.
Amy et Jeff avaient quitté le boulot plus tôt ce jour-là. Son ami s'était facilement laissé convaincre lorsqu'elle lui avait demandé de venir chez elle pour l'aider avec sa coiffure et son maquillage. Il adorait ça. Dans ces moments-là, il se prenait pour un styliste de renommée internationale et Amy adorait observer ses mimiques lorsqu'il essayait de nouvelles teintes de fards à paupières ou un style capillaire original. Ils avaient passé deux heures à rire, discuter et manger des chocolats. Finalement il lui fit un maquillage simple et naturel pour les yeux afin de pouvoir accentuer ses lèvres avec un rouge éclatant. Ils avaient ri aux larmes en imaginant la tête de sa mère si elle avait un jour le malheur d'apprendre que sa petite fille chérie portait du rouge à lèvres dont le nom était « fille de joie ». Pour la coiffure, après maintes discussions et essais peu glorieux, ils avaient opté pour quelque chose d'élégant et glamour. Après avoir bouclé sa longue chevelure, Jeff avait rabattu les cheveux d'Amy en arrière et les avait faits retomber avec volupté sur son épaule gauche, tout en laissant quelques mèches libres sur le devant.
Enfin prête, elle remercia son ami chaleureusement et descendit rejoindre le taxi qu'elle avait commandé plus tôt dans l'après-midi. Sa mère allait être ravie. Pour une fois, elle ne serait pas en retard et cela relevait d'un exploit. Une fois bien à l'aise sur la banquette arrière, elle donna l'adresse du restaurant au chauffeur puis profita du trajet pour se remémorer toutes les leçons que sa mère lui avait inculquées lorsqu'elle était plus jeune sur l'art « d'apprivoiser ». Amy avait toujours pensé que ce n'étaient que des conneries mais ce soir elle était de bonne humeur et était prête à faire un effort. Si cela pouvait lui faire plaisir et calmer ses envies de trouver un gendre au plus vite, ce serait génial. Alors que lui disait sa mère déjà ? Toujours se tenir droite, avoir une attitude parfaite comme les gentilles jeunes filles, être timorée, se montrer douce et flexible … Pour se trouver un fiancé et le garder, il fallait apparemment jouer les jeunes filles timides et fragiles. Elle soupira devant ces foutaises. Comment allait-elle tenir toute une soirée à endosser le rôle d'une cruche ? Elle sourit lorsqu'une idée lui traversa l'esprit. Elle devait juste s'imaginer être dans Mulan et appliquer une partie de sa philosophie. Oublier le côté fort comme un chêne et tranchant comme l'épée et se contenter d'être doux comme nuage et d'avoir peur de temps en temps.
Elle se répéta sans cesse cette phrase durant le reste du trajet. Etre doux comme un nuage, être doux comme un nuage … Son taxi la déposa devant le Pace dix minutes plus tard. Elle fut heureuse de découvrir son père encore à l'extérieur et le rejoignit sans hésiter. Il l'accueillit bras grands ouverts et avec joie.
- Ma grande, ça me fait tellement plaisir de te voir ! Tu devrais venir diner à la maison plus souvent, la réprimanda-t-il gentiment. Tu nous manques beaucoup, tu sais.
- Tu me manques aussi papa, mais j'ai pas mal de travail en ce moment alors …
Il renifla avec scepticisme. Il n'était pas bête, il savait très bien que ce n'était qu'une mauvaise excuse mais ne fit aucun commentaire. Il lui proposa de rentrer pour retrouver sa mère qui les attendait avec son fameux prétendant. A l'intérieur, tout n'était qu'étalage de richesses. Cela mit Amy encore plus mal à l'aise et elle reprit sa litanie silencieuse. Etre doux comme un nuage, être doux comme un nuage … Comme dans un rêve un peu flou, elle regarda sa mère se diriger à grands pas vers eux avec un homme de taille moyenne, blond qui portait un polo beige sur un pantalon de la même couleur. Tout dans le modéré, rien d'exubérant. Voilà le secret pour plaire à sa mère. Malheureusement il n'était pas du tout son genre d'homme. Trop propre sur lui et tiré à quatre épingles pour lui plaire. Mais elle continua de sourire et de se répéter être doux comme un nuage, être doux comme un nuage …
- Amy, te voilà enfin ! S'exclama sa mère avec bonne humeur. J'étais si impatiente de faire les présentations. Christopher, voici ma fille Amy.
Amy adressa son sourire le plus convaincant au jeune homme et se mordit l'intérieur de la joue pour ne pas rire de cette situation pour le moins burlesque. Elle avait l'impression de jouer dans une de ces mauvaises séries sentimentales comme Dallas ou les Feux de l'amour. Etait-elle censée tomber follement amoureuse de ce type, l'épouser au prochain épisode et procréer afin que la génération suivante puisse prendre la relève ? Stop ! Elle devait arrêter. Mettre en pause son côté cynique et devenir doux comme un nuage. Elle serra la main que l'étranger lui tendait. Légèrement. Avec subtilité. Etre doux comme un nuage, être doux comme un nuage …
- Christopher Walmart, je suis ravi de faire enfin votre connaissance ! Se présenta-t-il.
- Nuage … Euh, je veux dire … Enchantée, balbutia-t-elle en guise de réponse.
Elle rougit de sa bêtise et aurait aimé que le sol se dérobe sous ses pieds ou que le ciel lui tombe sur la tête. Nuage ! Non mais quelle crétine ! Pourquoi pas cacahuète ou farfadet tant qu'elle y était. Elle essayait de trouver quelque chose d'intéressant à dire lorsqu'une voix grave résonna derrière elle et la fit sursauter.
- Mademoiselle Wellington, quelle coïncidence ! L'interpella Monsieur Crawford qui venait d'arriver dans le hall du restaurant. On ne se quitte plus vous et moi ! Mais peut-être me suivez-vous ? Etes-vous une harceleuse ?
- Non, bien sûr que non ! Répondit-elle embarrassée par l'attention qui se portait désormais sur eux.
Suspicieuse, elle vit Andrew saluer sa mère ainsi que son père comme s'ils étaient de très bons amis. Puis elle aperçut Katleen un peu plus loin et se sentit soulagée. Cette soirée ne serait peut-être pas aussi barbante que ce qu'elle avait imaginé. L'adolescente vint la rejoindre et la remercia encore une fois pour son aide. Avec un plaisir certain, elle tournoya sur elle-même pour que sa nouvelle amie puisse apprécier le résultat.
- Je suis contente que vous soyez là, Amy ! J'ai eu peur de devoir passer la soirée avec pour unique compagnie des personnes du troisième âge ! Rit-elle, pas du tout gênée devant les regards scandalisés de certains membres du parti de son père qui avaient tout entendu. Mais assez parlé de moi, je veux voir votre robe ! Je suis sûre qu'elle est merveilleuse.
A cet instant, Christopher apparut comme par enchantement à ses côtés pour lui proposer son aide afin d'enlever son long manteau noir. Embarrassée d'attirer une nouvelle fois les regards (surtout celui, moqueur, d'Andrew), elle accepta de mauvaise grâce et laissa le vêtement glisser le long de ses bras. Elle releva la tête quand elle se rendit compte qu'un silence inapproprié s'était abattu sur ses compagnons. Elle vit alors les yeux ronds de son père et de Christopher, le regard rempli de désir d'Andrew et (chose surprenante) le sourire satisfait de sa mère.
- La vache ! C'est super sexy, s'enthousiasma Katleen. Messieurs, vous devriez essuyer le filet de bave qui pendouille à vos lèvres.
Les plantant là, elles partirent en direction de leur table, bras dessus bras dessous, en riant de cette dernière remarque, déjà très complices.
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Décidemment elle voulait sa perte ! Cette robe était juste contre nature. Elle lui offrait une vue plongeante sur sa magnifique poitrine, elle soulignait ses formes et il ne parlait même pas de cette fente sur sa cuisse gauche. Ce n'était pas humain de faire ça. Il déglutit en essayant de paraître détaché tout en imaginant divers scénarii qui finissaient tous de la même façon. Il aurait adoré l'emmener à l'écart de toute cette foule, la plaquer contre le mur à l'abri des regards et … Il secoua la tête et sourit amèrement. Il fallait absolument qu'il reprenne le contrôle. Il ne pouvait pas se permettre de passer pour un obsédé auprès du sénateur et de sa femme. Alors il se contenta de suivre les deux jeunes femmes, qui les avaient abandonnés, en compagnie de cet homme effacé dont il ignorait l'identité. Une fois dans la salle, il vit qu'Amy faisait la moue. Apparemment quelque chose lui déplaisait, mais quoi ? Il comprit en suivant son regard sur les petits cartons qui indiquaient les places de chacun. Les convives avaient été répartis sur différentes tables rondes pour plus d'intimité. Il s'était bien entendu arrangé pour avoir à sa table la charmante famille Wellington, ainsi que la sienne mais il n'avait pas pensé devoir partager la vedette avec ce gars.
Andrew n'aimait pas la manière dont tournaient les événements. Il avait spécifiquement demandé à ce qu'Amy soit placée en face de lui, entre Katleen et sa mère. Au lieu de ça, elle se retrouvait coincée à côté de ce type. Il fronçait les sourcils, mécontent, lorsque Madame Wellington se pencha sur lui comme pour lui faire une confidence de la plus haute importance.
- Vous ne m'en voulez pas, j'espère. J'ai pris quelques libertés au sujet du plan de table, avoua-t-elle faussement contrite. Vous comprenez, Amy et Christopher ont besoin d'intimité pour faire connaissance.
Ainsi c'était son initiative. Jamais il n'aurait pensé qu'Amy obéisse si facilement, ni qu'elle aurait accepté un rencard arrangé, surtout avec une chiffe molle pareille ! Il avait une envie furieuse de l'attraper par son polo sans forme et de le jeter dehors. Il serra les poings et se crispa sur sa chaise. Heureusement l'arrivée de ses propres parents détourna son attention et lui permit de retrouver un minimum de sang froid.
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- Excusez-nous Messieurs, Dames, mais la circulation est exécrable ce soir, s'exclama joyeusement un homme d'une cinquantaine d'années. Je vois que tu as les choses bien en main, Andrew. C'est parfait dans ce cas …
Amy observa l'homme avec intérêt. Ainsi c'était le fameux Monsieur Crawford Sénior. Il lui faisait un peu penser à un ours. Un peu sauvage et bourru mais fort sympathique. Elle aima sa façon de lui serrer la main, avec énergie et entrain. Voilà à quoi devait ressembler un homme digne de ce nom. Elle détailla avec attention la manière dont Andrew se comportait en la présence de ses parents et ne fut pas déçue. C'était une véritable métamorphose. Le jour et la nuit, l'eau et la terre. Il était vraiment difficile à cerner. D'un côté, il semblait trop sûr de lui, insouciant et même égocentrique. Alors qu'à cet instant même, il se montrait respectueux et serein. Laquelle de ces deux facettes était le vrai Andrew Crawford, elle n'aurait pas su le dire. Mais il était bon de savoir qu'il n'était peut-être pas aussi irrécupérable qu'elle le pensait. Perdue dans ses réflexions, elle ne s'aperçut pas tout de suite que Christopher essayait d'attirer son attention mais fut bien obligée de détourner le regard de ce troublant tableau familial pour ne pas se montrer impolie.
- Je suis désolée, Christopher. Que me disiez-vous ? Essaya-t-elle de se rattraper.
- Je vous faisais seulement remarquer que j'étais plutôt contre cette situation au début. Vous comprenez, je n'aime pas trop ce genre de rendez-vous arrangé. Mais finalement je suis heureux d'être ici, je vous trouve réellement charmante, lui apprit-il timidement et en rougissant.
Amy cherchait quelque chose d'approprier à répondre. Elle ne savait pas trop comment prendre ce compliment surtout qu'elle était loin de partager ces « sentiments ». Et puis, les hommes n'étaient-ils pas censés être forts et virils ? Parce que rien que de voir le rouge monter le long de son cou jusqu'à ses joues la rendait mal à l'aise. Elle ouvrit la bouche pour répondre une banalité mais fut interrompue par un petit ricanement narquois.
- Puis-je savoir ce qui vous fait rire, Monsieur Crawford ? Demanda-t-elle après avoir identifié la source de la raillerie.
- Tout cette comédie, ces bons sentiments ! Je dois dire que je suis un peu déçu aussi, décréta Andrew avec une pointe de méchanceté dans la voix. Je pensais que vous valiez mieux que cela !
- Même si je ne vois pas en quoi ma vie amoureuse vous regarde, je vous ferais remarquer que vous-même n'êtes pas un expert dans ce domaine ! Si vous étiez foutu de trouver et de garder une femme tout seul, vous n'auriez pas eu besoin de mes services. Mais vous n'êtes qu'un arrogant macho alors …
- Excusez-moi, j'aurai peut-être dû mettre sur votre stupide questionnaire que j'aimais les pâquerettes, les comédies musicales et les arcs en ciel ! S'écria-t-il en se levant brusquement.
- Si tel avait été le cas, je vous aurais sûrement signalé que vous vous étiez trompé de case en cochant que vous recherchiez une femme ! Répliqua-t-elle en se mettant debout à son tour.
Furieuse, elle aurait pu le tuer sur place quand elle entendit quelqu'un glousser à ses côtés. Elle retrouva alors ses esprits et remarqua que tout le monde les regardait avec stupéfaction. Bon sang, il avait réussi ! Sa mère allait la tuer. Elle avait provoqué un scandale et ça au beau milieu d'un repas d'affaire important pour son père. Elle se rassit aussi dignement que possible tout en fusillant du regard celui qui était à l'origine de ce désastre.
- Ca c'est une surprise ! Ainsi ce bon à rien vous a engagé. Mademoiselle, si vous arrivez à lui trouver une épouse, cela tiendrait du miracle ! Rit Monsieur Crawford Sénior allégeant aussitôt l'atmosphère.
Les conversations reprirent peu à peu mais Amy resta obstinément silencieuse jusqu'au dessert. Elle évita soigneusement le regard de sa mère et s'appliqua à se faire oublier. Elle aurait sa vengeance, c'était certain et pour ça, elle devait mettre son plan B à exécution le plus vite possible.
Chapitre 5 : Creuse encore et encore !
Amy ruminait depuis un moment déjà et décida de mettre son plan à exécution dès que le moment se présenterait. Et justement, c'était maintenant ou jamais. Elle ne devait pas se dégonfler. Pas après tout ce qui s'était passé durant la soirée. Elle profita que les invités étaient occupés à commander des digestifs ou des cafés pour prendre congé de Christopher et de ses parents. Dans le hall, elle patienta quelques minutes qu'on lui apporte son manteau ce qui permit à Katleen de venir lui proposer une virée shopping entre filles le samedi suivant. Amy accepta avec joie. Après tout, elle appréciait vraiment cette jeune femme au caractère enjoué et ce n'était pas de sa faute si son frère était un vrai goujat. On ne choisit pas sa famille, comme le disait si bien l'adage et elle en savait quelque chose.
Après ce petit intermède, elle s'empressa de quitter le restaurant. Elle calcula rapidement et estima qu'il lui restait une bonne heure pour agir en toute discrétion et tranquillité. Elle préféra, malgré son accoutrement un peu trop habillé, de prendre le métro. C'était plus rapide que d'attendre un taxi et elle n'avait pas de temps à perdre. Elle atteignit le quartier de South Park quinze minutes plus tard et n'eut aucun mal à trouver l'immeuble qu'elle cherchait. D'après son dossier, Andrew Crawford avait fait l'acquisition d'un penthouse situé au dernier étage d'un immense gratte-ciel de luxe au beau milieu de ce quartier en plein essor. Son plan était simple sur le papier : faire du charme au concierge (elle priait pour qu'il s'agisse d'un homme) pour qu'il lui permette de monter attendre l'heureux propriétaire chez lui. Mais maintenant qu'elle était devant l'imposante porte à double battant, elle se sentait beaucoup moins sûre d'elle. Elle n'avait jamais été très douée pour séduire les hommes alors pourquoi cela changerait-il ce soir.
Elle trouva néanmoins la force de pénétrer dans l'immeuble. Cela aurait été stupide de faire tout ce chemin pour renoncer à la dernière minute. Alors elle enleva son manteau, qu'elle déposa négligemment sur son avant-bras gauche. Puis posa sa main droite sur sa hanche dans une pose qui se voulait glamour et enfin colla un sourire de prédatrice sur son visage. Un peu crispée, elle pensa qu'elle devait avoir l'air complètement débile à rouler des hanches comme une vulgaire entraîneuse de bas étage mais continua son chemin jusqu'au comptoir de marbre qui trônait dans le grand hall. Une fois arrivée, elle entreprit d'en faire le tour pour attirer l'attention du jeune gardien qui avait, pour le moment, les yeux fixés sur un petit écran où un match de baseball était diffusé. Elle tapota le haut de l'écran pour se faire remarquer.
- Excusez-moi de vous déranger dans votre travail, je suis vraiment confuse ! S'exclama-t-elle en rougissant de ce qu'elle s'apprêtait à faire.
Cela fonctionna bien malgré elle et le jeune homme ne la quittait, à présent, plus des yeux. Il cligna des paupières plusieurs fois, visiblement surpris de son apparition puis la déshabilla du regard, l'air d'apprécier ce qu'il voyait. Enfin il se leva de son siège et vint à sa rencontre.
- Vous ne me dérangez pas du tout, répondit-il avec une voix plus fluette qu'elle ne l'aurait crû. Je serais heureux de pouvoir vous aider.
Amy sourit. Peut-être arriverait-elle à ses fins finalement ? Elle baissa les yeux d'un air innocent pour en rajouter une couche puis les releva en battant lentement des cils. Elle avait vu ça dans un film une fois et sur le coup elle avait pensé que c'était vraiment nunuche comme façon de faire mais là, tout de suite, il lui fallait improviser alors …
- En fait, c'est assez gênant. Je devais retrouver un homme dans un restaurant un peu plus tôt dans la soirée mais il a eu un empêchement …
Le regard du concierge se fit compatissant et hocha la tête de haut en bas pour lui signaler qu'il comprenait tout à fait sa situation. Amy, de plus en plus prise dans son rôle, s'amusa de ce comportement et fut troublée de constater avec quelle facilité elle réussissait à embobiner ce garçon.
- Alors j'ai pensé que, peut-être, je pourrais lui faire une petite surprise et venir l'attendre dans son appartement. Vous voyez, quelque chose d'un peu romantique, continua-t-elle avec aplomb.
Amy le vit se mordre la lèvre inférieure. Il avait l'air embêté. D'un côté, il voulait vraiment lui faire plaisir mais d'un autre il avait peur de perdre son travail en faisant monter une personne extérieure à l'immeuble sans le consentement du propriétaire. Amy, le voyant hésiter, décida de jeter son dernier atout dans la partie et prit un air peiné.
- Je suis désolée, je vous demande quelque chose d'impossible. C'est juste que c'est mon anniversaire aujourd'hui et je pensais que …
- Il fallait le dire tout de suite ! S'exclama-t-il le visage soudainement éclairé par la bonne humeur. Personne ne mérite d'être seul le jour de son anniversaire. Donnez-moi simplement le nom de votre ami et je vous appellerai l'ascenseur.
- Merci, vous êtes très gentil ! Il s'agit de Monsieur Crawford, il loge au penthouse du dernier étage, le renseigna-t-elle toute guillerette d'avoir réussi.
Il marqua une pause puis, résigné, lui appela l'ascenseur. Décidemment ce Monsieur Crawford avait bien de la chance. Une vie parfaite aux antipodes de la sienne. De l'argent, une situation professionnelle plaisante et une magnifique petite-amie… Loin de ces considérations, Amy monta vite dans la cabine et lui fit un petit signe de la main avant que les portes ne se referment. Quand le tilt de l'ascenseur résonna, son cœur s'emballa. Elle était entrain de pénétrer chez quelqu'un par effraction ! Cela n'avait rien d'anodin. Et si elle se faisait surprendre et embarquer par la police. Elle imaginait déjà la Une des journaux à scandale : « La double vie de la fille du sénateur Wellington : gentille marraine le jour et cambrioleuse endimanchée la nuit ! ».
Elle devait arrêter de paniquer et se concentrer sur ce qu'elle était venue faire : creuser jusqu'à trouver les informations dont elle avait besoin et en finir avec ce dossier. Elle alluma les lumières et resta bouche bée devant l'immensité des lieux. Un splendide espace ouvert s'offrait à elle. Elle fit quelques pas et se retrouva au milieu d'une pièce élégante et décorée avec bon goût. D'un côté la cuisine et de l'autre la salle à manger. Le magnifique parquet au sol et la peinture couleur taupe qui recouvrait les murs donnaient à l'ensemble une impression chaleureuse et accueillante. Elle passa dans la pièce voisine et découvrit un grand salon blanc avec quelques touches de rouge. Elle s'arrêta un instant devant une toile qu'elle connaissait bien. Pour cause c'était l'une de ses préférées. Elle avait devant elle « Les coquelicots » du fameux peintre impressionniste français Claude Monet. Elle eut vraiment beaucoup de mal à s'arracher à la contemplation de ce tableau mais reprit finalement ses investigations. Elle chercha tout objet pouvant lui fournir des indices sur ses préférences : albums de musique, films … Elle eut l'idée de regarder directement dans le lecteur de DVD qui allait avec l'écran plat pour voir ce qu'elle y dénicherait. Ce fut une bonne pioche car elle en ressortit un petit disque qu'elle retourna avec précipitation pour mieux voir le titre. Elle rit devant l'absurdité de ce qu'elle avait découvert et dans un geste maladroit fit tomber le DVD qui roula derrière le meuble télé. Elle se maudit elle-même avant de s'agenouiller pour aller le récupérer. Elle se contorsionna, poussa sur ses bras et enfin toucha le petit objet du bout des doigts. Elle allait crier victoire lorsqu'un bruit sourd la fit sursauter et se cogner la tête dans le meuble par la même occasion.
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- Loin de moi l'idée de me plaindre de la vue mais pourrais-je savoir ce que vous faîtes dans mon appartement, Mademoiselle Wellington ? Demanda Andrew partagé entre la surprise de la trouver là, l'amusement face à la situation et l'irritation.
Il la regarda se relever tout en se massant le haut du crâne. Elle tenait à la main ce qu'il identifia sans mal comme étant le dernier film qu'il avait regardé la veille au soir. Un peu embarrassé, il récupéra brusquement l'objet et le remit à sa place avant de lui tourner le dos pour retourner dans la cuisine. Il avait grandement besoin d'un verre, voire même deux. Cette femme était cinglée. D'abord elle l'avait humilié devant toute sa famille et d'importants collaborateurs, puis elle s'était pavanée au bras de cet abruti fini et maintenant elle osait venir chez lui sans son accord. Il avait été surpris lorsqu'en rentrant dans son immeuble, il avait trouvé le gardien le regard dans le vague. Celui-ci lui avait annoncé d'une voix morne que sa « petite-amie » l'attendait en haut. Là il avait craint qu'une de ces anciennes maîtresses ne fût parvenue à découvrir son adresse et était venue pour se venger. Mais à la place de cela, il l'avait découverte à quatre pattes dans son salon, offrant une superbe vue sur ses fesses. Il devait arrêter ça tout de suite ! Penser à ses fesses, alors qu'elle était entrain de fouiller dans son intimité ! Lui qui protégeait farouchement cette part de sa vie de toute intrusion extérieure.
Parvenu à son bar, il servit machinalement deux verres de Brandy et en tendit un à la jeune femme. Visiblement étonnée, elle s'en saisit craintivement et le porta à ses lèvres. Elle grimaça lorsque le liquide ambre s'infiltra dans sa gorge ce qui lui donna immédiatement envie de sourire. Qu'il était con ! Il se serait donné des claques s'il avait été seul.
- J'attends toujours votre explication, indiqua-t-il après lui avoir indiqué un tabouret.
- Je … Comment vous expliquer ? Bafouilla-t-elle en rougissant. Disons que j'ai décidé de vous prendre au mot et de trouver les informations vous concernant par moi-même.
- Et vous faîtes ça souvent ? Je veux dire, vous introduire chez vos clients par effraction ?
- D'habitude mes clients ne sont pas aussi réfractaires que vous et me disent tout ce que je souhaite savoir ! Répliqua-t-elle un peu irritée par cet interrogatoire. Mais j'avoue que je suis peut-être allée trop loin …
- Si c'est votre manière de présenter des excuses alors elles sont acceptées, s'entendit-il dire, consterné de lui pardonner aussi facilement. Alors j'espère au moins que vos recherches ont été fructueuses. Qu'avez-vous découvert sur moi ?
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Amy hésita. Pouvait-elle répondre à cette question sans se ridiculiser un peu plus. Mais bon il était légitime qu'il veuille savoir ce qu'elle avait apprit sur lui. Car finalement elle ne regrettait pas vraiment d'être venue. Bon, elle aurait peut-être dû lui demander la permission avant mais si elle n'avait pas pris cette initiative, jamais elle n'aurait eu de chance de remporter son défi. Elle regarda à nouveau autour d'elle et fit quelques pas en direction de l'immense baie vitrée qui donnait sur une grande terrasse en bois verni avec en son centre un espace vert aménagé. Un véritable jardin en plein milieu de la jungle citadine. Poussée par la curiosité, elle ouvrit les portes coulissantes et sortit sous le ciel étoilé pour mieux découvrir la vue que cet appartement offrait. Elle s'arrêta au milieu et se retourna pour lui faire part de ses impressions.
- C'est féérique ici ! Dit-elle en désignant la terrasse de la main.
Elle marcha jusqu'au petit jardin et observa les fleurs et les plantes qu'il avait choisies et découvrit bien cachée, sous une arcade de fer forgé, une balancelle blanche. Amusée, elle s'y assit et se balança doucement en fermant les yeux. Elle perçut alors un léger mouvement à ses côtés et quand elle les rouvrit, vit qu'Andrew l'avait rejointe. Il avait l'air d'attendre quelque chose et ce fut à ce moment-là qu'elle reprit contact avec la réalité. Elle se souvint alors qu'il lui avait posé une question et qu'elle n'avait toujours pas daigné lui répondre. Elle regarda ses mains une minute puis souffla dessus pour les réchauffer.
- J'ai appris beaucoup de choses en réalité, Monsieur Crawford, commença-t-elle en souriant. D'abord votre couleur préférée est vraiment le rouge. Si j'avais encore un doute après notre rencontre à la boutique cet après-midi, votre salon me l'a confirmé. Je pense aussi que votre film préféré est le « Seigneur des Anneaux » et non « Freddy Krueger » comme vous l'avez prétendu…
- Vous dites cela à cause du DVD que vous avez trouvé ? Parce que si c'est le cas, cela ne veut strictement rien dire …
- En partie uniquement. J'ai remarqué que vous faisiez la collection des figurines. Elles sont jolies par ailleurs ! Mais je suis curieuse maintenant. Vous vous identifiez à quel personnage ? Parce que si vous me répondez Gollum, sachez que je suis totalement d'accord avec vous mon précieux, rit-elle parfaitement à l'aise.
- Je vous trouve hilarante ce soir ! Et ce n'est pas censé être joli, vous êtes bien une femme pour dire ça ! Répliqua-t-il un peu vexé.
- Aurais-je froissé votre orgueil de mâle dominant ? Demanda-t-elle de plus en plus goguenarde. Vu votre humeur massacrante je préfère garder le reste de mes trouvailles pour moi. De toute manière, il est temps que je rentre. Si je tarde encore, je ne trouverai plus de taxi …
- Hors de question de vous laisser repartir seule en taxi à cette heure-ci ! Je vous raccompagne ! Déclara-t-il impérieux.
Amy fut facile à persuader car ses chances de trouver un moyen de transport sûr à cette heure-ci étaient bien minces. Alors elle obtempéra sans faire d'histoire.
Chapitre 6 : Si près !
Une fois dans l'ascenseur, Amy comprit vite qu'elle avait commis une erreur monumentale et regretta aussitôt son impulsivité lorsqu'elle avait accepté sa proposition de la ramener. Confinée, seule avec lui, dans ce petit espace, elle se sentit étouffée. Mal à l'aise, elle se balançait d'un pied sur l'autre, les yeux rivés sur les étages qui défilaient les uns après les autres. 25 … 24 … 23 … Il était si près d'elle qu'elle frémissait à chacune de ses respirations. 19 … 18 … 17 … Elle cherchait à mettre un mot sur ce qu'elle ressentait, c'était tellement déstabilisant et suffocant. Elle avait l'impression qu'il pourrait la prendre dans ses bras à chaque seconde qui s'écoulait. 14 … 13 … 12 … Electrique, voilà comment elle définirait l'atmosphère qui régnait dans la cabine. Etait-ce seulement le fruit de son imagination ? 9 … 8 … 7 … Elle s'attendait presque à voir des étincelles crépiter entre eux. 5 … 4 … 3 …. Elle était au comble de la tension nerveuse et commençait à avoir une sensation de vertige. Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent enfin. Amy vit un sourire suffisant flotter sur les lèvres du jeune homme quand il la dépassa pour sortir de la cabine. Honteuse et furieuse, elle siffla rageusement contre cet arrogant personnage avant de sortir. Et dire qu'elle s'était fait tout un film dans ce foutu ascenseur. Elle se jura intérieurement d'éviter à l'avenir ce genre de situation avec lui. Avant de quitter l'immeuble, elle fit un petit signe de la main en direction du concierge pour le remercier mais s'interrompit lorsqu'Andrew la regarda suspicieusement.
Elle finit de retrouver tous ses esprits à l'air libre et suivit le jeune homme d'un pas plus assuré. Cependant elle s'arrêta net lorsqu'elle aperçut la voiture vers laquelle il se dirigeait. Enfin, « voiture » n'était pas le bon mot. Non, c'était plutôt un véritable bolide. De couleur rouge, bien sûr. Ainsi ce Monsieur Crawford était amateur de vitesse. Elle aurait dû y songer elle-même finalement. Cela collait tellement bien au personnage. Et puis, c'était logique, une voiture tapageuse pour un homme égocentrique.
- Vous avez une véritable Batmobile ma parole ! Enfin je devrais plutôt dire une Andymobile, gloussa-t-elle ravie de sa blague.
- J'aime les belles voitures, c'est vrai. Vous conviendrez qu'il est plus plaisant de posséder ce qu'il y a de plus jouissif dans ce monde, qu'il s'agisse de voitures ou de femmes ! Affirma-t-il sans se démonter.
Amy bouillait intérieurement de cette nouvelle remarque misogyne mais ne répliqua pas, certaine qu'il cherchait uniquement à la provoquer. Agissant en parfaite contradiction avec ses convictions, elle hocha la tête avant de s'installer sur le siège en cuir du côté passager du véhicule de luxe.
- De quel modèle s'agit-il ? Demanda-t-elle au bout de quelques minutes tandis qu'il était occupé à rentrer son adresse dans le GPS intégré.
- C'est une Ferrari 430 Spyder, 570 chevaux sous le capot. Elle peut monter jusqu'à 325 km/h, répondit-il visiblement aussi excité qu'un gamin au pied d'un sapin le jour de Noël.
- Spyder, hein ?! Je me suis trompée de super-héros, toutes mes excuses, le taquina-t-elle à nouveau.
Ils restèrent muets quelques temps et Andrew décida de rompre le silence en allumant son Ipod qui était relié à l'autoradio. Bientôt l'habitacle fut envahi par une myriade de notes toutes plus complexes les unes que les autres. Etonnée, Amy tourna le bouton du volume pour mieux apprécier le morceau. Elle ferma les yeux un instant pour se souvenir où elle l'avait déjà entendu. Soudain la lumière se fit dans son esprit et elle se laissa emporter avec délice dans les images du film qui lui revenaient. Elle s'imagina sans mal au beau milieu de l'Ecosse du XIIIème siècle et de ses paysages uniques à couper le souffle. Elle avait toujours beaucoup aimé ce film, en grande partie à cause de l'histoire d'amour tragique du héros, mais également parce qu'elle adorait les quêtes de liberté et les rebellions contre l'oppression. Ca lui donnait toujours la chaire de poule et un sentiment bizarre mêlé de fureur et de fierté. Elle voulut observer le visage d'Andrew mais fut gênée par l'obscurité à peine rompue par les lumières des lampadaires. Elle nota cependant un léger frémissement de ses doigts sur le volant comme s'il jouait des notes sur un clavier invisible. Se pouvait-il que … ? Non c'était impossible ! Un homme aussi imbu de lui-même ne pouvait pas jouer d'un instrument avec autant de tendresse et d'émotion. Si ?
- J'adore cette bande-son. Braveheart est vraiment un film splendide ! Essaya-t-elle de l'amadouer pour le faire parler.
- Ce n'est pas le film que vous appréciez, mais l'acteur principal ! Rit-il nerveusement. Mais vous avez raison ce morceau est vraiment très beau mais aussi très difficile à exécuter correctement.
- Vous jouez du piano ? Demanda-t-elle presqu'en béant de surprise.
Il hocha la tête en signe de confirmation mais refusa d'en dire davantage. Elle se sentait frustrée par cet homme qui ne laissait jamais entrevoir totalement son univers. C'était tellement énervant de rester avec des questions en suspens.
- Vous seriez capable d'interpréter ce morceau ? Parce que si c'est le cas, je suis tout à fait disposée à vous écouter …
- Aucune chance ! Répliqua-t-il abrupt. Je ne joue jamais en public, je trouve ça trop intime. Seule ma sœur m'a déjà entendu jouer et encore, à l'époque, elle n'était qu'une enfant.
Amy fut déçue par sa réponse mais elle pouvait comprendre son refus. Après tout, elle-même était incapable de chanter en public. Quelques personnes assez proches d'elle l'avaient déjà entendu à son insu et lui avaient assuré qu'elle avait une très belle voix. Malgré cela, elle s'obstinait et déclinait toutes propositions qui impliquaient qu'elle doive chanter devant des gens. Elle soupira quand elle repensa à l'issue du pari si jamais elle échouait. Elle se rendit brusquement compte que la voiture était à l'arrêt et qu'ils étaient arrivés devant chez elle. Elle défit sa ceinture et se tourna vers lui en souriant.
- Merci pour la ballade. Je vous propose de nous revoir demain après-midi, je serai en mesure de vous choisir une « prétendante » d'ici là, affirma-t-elle en toute modestie.
- Très bien, dans ce cas, nous pourrions nous rencontrer à mon agence si cela ne vous ennuie pas, vers 15h ?
Elle accepta et sortit de la voiture avant de faire le tour pour rejoindre le trottoir de son immeuble. Après seulement quelques pas, elle entendit le bruit caractéristique d'une vitre électrique qui se baisse. Alors elle le regarda à nouveau avec curiosité.
- Dormez bien, Amy …
Trois petits mots tout simples qui la firent frémir et qui la poussa à rester comme une statue de sel au beau milieu de la rue jusqu'à ce que son véhicule disparaisse complètement de sa vue.
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En repartant chez lui, Andrew était partagé sur ce qu'il avait vécu pendant cette longue soirée. D'abord, le restaurant qui s'était révélé être une très mauvaise idée et qui avait tourné en un véritable fiasco. Tout ça, à cause de cet abruti ! D'ailleurs à ce sujet, il devrait essayer de la questionner pour savoir si elle comptait le revoir. Ensuite, chez lui, quand il avait eu l'agréable surprise de voir son magnifique postérieur au milieu du salon. Il comptait, par ailleurs, l'inviter à renouveler cette expérience. Il avait été à l'aise à ses côtés et lorsqu'ils avaient discuté ensemble. Amy était bien loin de ressembler aux autres femmes qu'il côtoyait habituellement et il trouvait ça charmant. Il avait eu du mal à résister à l'appel de ses lèvres, quand, sous la lumière des étoiles, elle s'était assise sur sa balancelle et n'avait même pas pensé à la chasser de ce qu'il considérait comme son jardin secret. Puis, il y avait eu l'ascenseur ! Cela avait été carrément grisant de sentir qu'il ne lui était pas aussi indifférent qu'elle le prétendait. Il avait poussé le vice jusqu'à se tenir si près d'elle, qu'il n'aurait eu aucun problème à lui mordiller son ravissant lobe d'oreille juste en se penchant un peu. Enfin dans sa voiture, à travers les rues de Los Angeles, il lui avait livré sur un plateau d'argent l'un de ses secrets le mieux gardé. Elle le poussait à en dire toujours davantage sur lui. Cela le fascinait et l'effrayait à la fois. Jamais une femme ne s'était autant approchée de lui. Pas physiquement, bien sûr. Coucher était facile. C'était tout le reste qui était compliqué.
Arrivé chez lui, il composa le numéro de Max. Il savait que c'était plus qu'impoli de téléphoner à quelqu'un à une heure aussi tardive mais il s'en fichait. De toute manière, Max lui pardonnerait sûrement très vite.
- Allô ! Répondit une voix ensommeillée au bout de cinq ou six sonneries.
- Salut, la marmotte ! Je te réveille, dit-il en essayant de faire de l'humour.
- Andrew, tu sais l'heure qu'il est ? Demanda son ami apparemment loin d'être ravi de se faire réveiller au beau milieu de la nuit.
- Je lui ai dit pour le piano, lâcha Andrew d'une voix rauque.
- Je t'écoute, répondit simplement Max après une longue pause silencieuse pleine d'effarement.
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Seule, perdue devant ces montagnes verdoyantes, elle ne comprenait pas comment elle était parvenue jusque là. Au loin, sous une brume épaisse, elle discernait les ruines de ce qui avait dû être jadis un magnifique château-fort. Autour d'elle, il n'y avait rien ni personne. Rien que le silence et la nature. L'ensemble respirait le calme et la sérénité. Elle aperçut, dans le contrebas d'une vallée, un lac majestueux que seul le souffle du vent arrivait de temps en temps à faire frémir. Un bruit profond et sourd, comme le claquement d'un fouet, retentit tout autour d'elle. Elle se couvrit les oreilles de ses mains et fut stupéfaite de découvrir le ciel si bleu se recouvrir de nuages gris et menaçants. Le tonnerre se fit de nouveau entendre avec plus de force encore et des éclairs commencèrent à apparaître. Elle chercha autour d'elle un lieu pour se mettre à l'abri mais il n'y avait rien à proximité à part des arbres et ces fameuses ruines. Alors sans hésiter, elle courut en espérant atteindre les vieilles pierres avant que la pluie ne se mette à tomber. C'était peine perdue. Elle parvint au château, toute trempée, les cheveux dégoulinants et plaqués contre son front. Elle s'adossa une minute au mur le plus proche afin de retrouver son souffle. Les battements de son cœur résonnaient à ses oreilles et la poussèrent à poser une main sur sa poitrine pour l'inciter à se calmer.
Alors comme sorti d'un conte, elle vit un homme s'approcher d'elle à pas mesuré. A travers les trombes d'eau qui s'abattaient sur lui, il avançait comme si rien ne le perturbait. Amy avait dû mal à voir les traits de son visage mais elle était certaine qu'il était de grande stature. A quelques pas d'elle, il s'arrêta comme s'il attendait sa permission pour aller plus loin. Alors elle tendit une de ses mains dans le but de l'encourager. Brusquement il s'en empara et l'attira à lui pour capturer ses lèvres dans un baiser passionné. Abasourdie, elle eut quelques difficultés à retrouver l'usage de sa tête, tant elle était emportée dans cette tempête de sensations. Elle parvint néanmoins à rompre leur étreinte et ouvrit les yeux pour découvrir le visage de l'inconnu.
Amy se réveilla en sursaut. Encore sous le choc, elle caressa machinalement ses lèvres en se demandant ce que tout cela pouvait signifier. Jamais au grand jamais, elle n'aurait pensé rêver de lui un jour. Enfin si ! Mais pas dans ce contexte. Elle aurait plutôt imaginé une scène dans laquelle elle lui brisait la nuque pour faire disparaître son sourire narquois. Pas dans une scène d'amour passionnée et sauvage. Décidemment elle devait être encore plus traumatisée par leur soirée passée ensemble qu'elle ne le croyait. Elle choisit d'oublier ce rêve sensuel avec en vedette principale Andrew Crawford et se leva pour se préparer à aller au bureau. Reprenant sa routine quotidienne, elle déjeuna son bol de céréales avec son verre de jus d'orange puis se rendit dans la salle de bain. Là, sous la douche, elle laissa son esprit divaguer à nouveau vers le fabuleux paysage dont elle avait rêvé. Elle était certaine à présent qu'il s'agissait de l'Ecosse. Sans doute était-ce la conséquence de leur conversation sur Braveheart. Tout ceci ne voulait strictement rien dire. Du moins elle l'espérait. Elle fut dérangée dans son raisonnement par la sonnerie du téléphone et dut courir, encore mouillée, pour l'atteindre tout en jurant contre celui ou celle qui osait l'appeler à cette heure-ci.
- Amy Wellington ! Répondit-elle un peu essoufflée.
- Amy, c'est Christopher ! Je suis navré si je vous dérange mais je me suis permis de demander à votre mère votre numéro. J'aimerai beaucoup vous revoir, finit-il plus bas.
Interloquée, Amy hésitait. Elle avait totalement oublié ce gars avec tout ce qui s'était passé après le restaurant. Dire que sa mère voulait vraiment la caser, était un doux euphémisme apparemment. Elle leva les yeux au ciel mais répondit tout de même d'une voix aimable.
- Que proposez-vous ?
- Un diner au country club, si ça vous va ? Disons, ce soir par exemple ? Hasarda-t-il l'air embarrassé.
- Super, feignit-elle d'être emballée par cette idée. On s'y rejoint pour 19h30 ?
A suivre...
c'est magnifique je te felicite vivement la suite
· Il y a plus de 9 ans ·Marie Dominique Philibert
Whaou, je veux la suite ! :)
· Il y a plus de 9 ans ·Adrien Laversin
Superbe histoire ! Continue comme ça !
· Il y a plus de 9 ans ·skywild
Quelques fautes ici et là, mais l'histoire est agréable à lire.
· Il y a plus de 9 ans ·chloe-n