Harmoniac

mangouste

Il est de ces instants qui ont un goût d'éternité. 

Lorsque la nuit, dehors, a tiré son amer rideau de pleurs et gifle violemment les façades nues. Quand les rois de la sylve, dépouillés de leurs fastueuses robes gémissent en implorant le ciel de leurs bras décharnés et que, plus haut, au fond de leurs halliers, s'équipent hardiment les jeunes chasseurs de rêves. Que dans l'âtre crépite une flamme drue et claire et qu'en sourdine s'agite avec maestria quelques harmonieux musiciens et qu'enfin, assis aux côtés de mon admirable épouse, je puis poser là le poids du jour au creux d'un vieux Chesterfield craquelé.

O douce quiétude, ô bienheureux moment que celui-ci où, dans un fin gobelet de Venise ou de Bohême, je libère légèrement cet élégant trésor ambré qui cascade et murmure ses promesses de doux émerveillements. Instant solennel de ce diamant liquide qui danse et virevolte arrachant des larmes très pures au plus dur cristal et charme de sa musique, le nez et son palais. 

Brûlure d'un amoureux baiser qui échauffe les sens, qui affole le cœur et drape l'esprit d'une acuité nouvelle, mère de toutes les audaces. Chaleur bienfaisante d'un heureux héritage qui tisse du passé la trame de demain.

Assurément, il est de ces instants qui ont un goût d'éternité.

Signaler ce texte