Hédimerqse

patrick-eillum

C’était par une magnifique matinée de printemps. Le soleil se levait  sur le village de Ghisallo tandis que les lumières rougeâtres s’apaisaient. Au loin on n’entendait rien à part les rires de deux enfants qui jouaient sur le terrain abandonné à proximité de la grande tour de guet, une de celles qui autrefois annonçait l’arrivée d’un quelconque ennemi. C’était un vestige d’une période difficile pour le monde. La pollution des engins utilisés par les humains d’autrefois persistait encore dans la couche d’ozone. Cependant, cela n’empêchait pas les enfants de s’amuser.
    Marthèlle commençait à se douter de l’idée de son ami, Sahuquet. Non loin du fameux terrain où ils jouaient depuis leurs 5 ans, avait été condamné une partie à quiconque; Malheureusement, Sahuquet aimait un peu trop défier l’interdit et avait fini par avoir le désir d’aller voir de ce côté-là pendant que leurs parents étaient partis à bicyclette au marché de Milhau, le village d’à coté afin d‘échanger la tomme faite ici avec le lait des brebis du bourg.
    Elle attacha ses longs cheveux violets en une queue et scruta les environs de ses yeux jaunorangés pour surveiller d’une quelconque présence dérangeante. Elle avait comme un mauvais pressentiment. Lorsqu’elle compris que personne n’était là, elle se calma en inspirant par le nez et expirant par la bouche.
    Priant pour que ses mains arrêtent de trembler, elle suivit Sahuquet dans l’escalier qu’il venait de trouver. Tout cela ne lui disait rien qui vaille. Un escalier de pierre en ruine, une grotte souterraine sombre, deux braves enfants qui y entrent… cela ressemblait trop au scénario d’un vieil holo-film terrifiant comme ceux que regardaient leurs parents pour se faire peur. Elle chassa ces idées de sa tête et s’enfonça dans la pénombre.
    C’est alors que Sahuquet émis une petite plainte. Il venait de se faire mal à cause de quelque chose de dur ! Il éclaira l’objet avec sa torche tout en déglutissant en silence. Soudain, il laissa tomber son flambeau d’étonnement. Là, sur le sol de granite, reposait une sorte de sarcophage. Les deux enfants hurlèrent. Comme rien ne se produisait, ils se calmèrent, non sans mal. Puis Sahuquet afficha une expression qui fit peur à Marthèlle. Faisant « non » de la tête, elle implora son complice de ne pas ouvrir le tombeau mais il n’en fit qu’à sa tête et fit basculer le couvercle de la tombe.

    Sahuquet ouvrit la bouche pour pousser un cri mais aucun son n’en sortit. Il tourna son visage vers Marthèlle. Celle-ci constata que son ami était blanc comme un linge mais elle ne compris pas pourquoi. Pour voir ce qui le terrifiait, elle s’avança vers la sépulture et compris. Dans la tombe reposait une momie. Seulement, celle-là n’était pas comme celles des holo-films effrayants des parents. Elle ne ressemblait à rien que Marthèlle ou Sahuquet connaissaient.
    Ne supportant plus les bruits de dents de Sahuquet qui claquaient, elle fit volte face et secoua son ami de toutes ses forces. Celui-ci hocha de la tête lorsqu’il fut remis pour faire comprendre à Marthèlle d’arrêter.
    Ils entreprirent d’examiner la momie. Elle n’était pas humaine ! C’était certain. Elle avait une tête et un tronc avec des bras comme vous et moi, mais avec des roues de vélo à la place des jambes.
    Sahuquet possédait un autre défaut que celui de désobéir aux ordres, il détestait ne pas comprendre. Et comme il ne comprenait pas ce qu’était cette chose embaumée, il s’approcha pour défaire les bandages. Marthèlle le regarda comme s’il eût été fou mais était trop terrifiée pour l’en empêcher.
    Sahuquet défit donc les tissus et souffla lorsqu’il s’aperçut que la chose était faite de métal. Cependant, ni lui ni Marthèlle ne savaient de quoi il s’agissait et fouillèrent dans leur esprit pour savoir quoique ce soit sur ce truc. Puis Marthèlle eut un éclair de génie. Elle reconnut l’objet comme étant une sorte de minotaure, comme celui d’une histoire de Dippe qu’avait raconté la vieille Aléthéia, la siquolog de Ghisallo.
    Un petit crissement provenant de la chose obligea les enfants à reculer. Ils virent avec horreur la créature prendre vie et se lever sur ses roues. C’est alors qu’une voie rauque parvenant de nulle part s’adressa à Sahuquet et Marthèlle.
- Merci de m’avoir libéré jeune gens, je vous en serais reconnaissant pendant le reste de ma vie… qui sera longue ! annonça la voix. Tout d’abord, pouvez-vous m’indiquer quel jour nous sommes aujourd’hui et dans quelle ville nous nous trouvons ?
- … Nous sommes à Ghisallo … le deuxième jour de messidor de l’an 830 du nouveau millénaire ! Dit Sahuquet d’une voix un peu tremblante.
- Et vous qui êtes vous et pourquoi êtes-vous là ? Demanda Marthèlle, peu assurée.
-… Je suis Hédimerqse. Et c’est une longue histoire. Puis la créature fit une pause comme si elle réfléchissait à ce qu’elle allait dire.
- Il y a mille ans environ les humains sont devenus désespérés lorsqu’ils se sont aperçus qu’il n’y allait plus avoir de pétrole sur la planète. Ils se sont mis à faire n’importe quoi et à écouter n’importe qui. Un type qui s’appelait Nicolas Tanghe est arrivé, plus malin, un peu bricoleur et surtout très manipulateur. Il a réussi à leur a fait croire qu’en lui faisant des offrandes, il allait trouver une autre énergie aussi simple à utiliser. Ils sont tous tombés dans le panneau, ces idiots ! Les Éloïs, c’est comme cela qu’ils se nommaient, lui ramenaient nourriture, vêtements, bijoux, certains lui ont même présenté leurs filles nubiles pour qu‘il les épouse, ce qu‘il a toujours refusé. Cela a duré assez longtemps car il a vécu presque centenaire. Tout ce qu’il avait réussi à faire durant tout ce temps, c’est construire une machine mi-humaine, mi-vélo qui établissait des oracles.
- Vous ? Demanda Sahuquet.
- Oui, moi ! Rétorqua Hédimerqse. Mais c’est son fils qui m’a donné ce nom en référence à un héros cycliste des temps anciens. A la mort du père Tanghe, Edison, son rejeton a voulu passer à la vitesse supérieure. Il a commencé à demander des jeunes filles vierges puis des sacrifices humains. Il disait qu’il allait obtenir de meilleurs résultats. Les habitants du village se sont révoltés au moment où un couple de bûcherons crédules et pauvres lui conduisaient leurs 2
enfants, Hansel et Gretel.
- Et alors ? Interrogea Marthèlle.
- Pour résumer, le nouveau et jeune chef du village, Adolfo Gonzàlez est arrivé pour siffler la fin de la partie ! Il a mis une rouste au jouvenceau, l’a chassé des environs et m’a reprogrammé afin d’être activé à chaque fois que des petits malins de votre genre viennent fouiller dans le coin. Pour terminer, il a interdit le site à quiconque en invoquant une malédiction et en mettant au point ce petit simulacre de tombeau.

- Alors, c’est pour cela que tout les vieux du village disent qu’il ne
faut pas venir ici ? Répliqua Marthèlle.
- Oui car en fait, Edison avait presque mis au point un nouveau moteur à explosion à base d’une plante qui ne pousse que dans la région, la cardabelle et Adolfo avait compris que si ces travaux n’étaient pas gardés secrets, tout allait recommencer comme avant.
- Qu’est-ce qui allait recommencer comme avant ? Questionnèrent les 2 enfants.
- Les guerres, la pollution, les dictatures, les riches, les pauvres,…Que sais-je encore ? Tout ce qui a causé la chute de la précédente civilisation humaine à cause du pétrole. Et moi, je suis là depuis tout ce temps pour m’assurer que personne ne continue ces études. Mais jusqu’à ce jour, personne n’avait encore osé braver l’interdit des lieux.
- Nous vivons en paix depuis près de mille ans, annoncèrent en chœur le garçon et la fille, comme s’ils récitaient une leçon apprise par cœur. Nos ancêtres ont trouvé le point d’équilibre; Nous nous habillons avec la laine de nos brebis et nous nourrissons avec leur lait, nos ruches procurent le miel en abondance, nos vergers et nos champs produisent quantité de fruits et légumes, faisons des échanges pour ce que nous n’arrivons pas à fabriquer, nos panneaux solaires et nos éoliennes nous fournissent une énergie inépuisable et plus puissante que tout. Et surtout, nous nous déplaçons à vélo.
- Visiblement, je n’ai plus qu’à retourner à mon veille éternel ! Dit Hédimerqse
- Alors avant cela, puis-je vous poser une question, puisque vous étiez oracle précédemment ? Osa Marthèlle. Est-ce que nous aurons une nouvelle bicyclette, lors de la prochaine ducasse du solstice d’hiver ?
 - De mon temps, on appelait cela Noël répondit Hédimerqse en s‘enveloppant de bandelettes. Et c’était un certain père Noël qui s’occupait de tout cela. Voyez avec lui !

Lady Cixi 5012- Patrick Eillum
Montredon du Larzac- Marsac Bas
août 2009

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