Heureux qui comme Quignard
Clémentine Garnier
Pascal Quignard a eu le prix Goncourt. En 2002. Pour son roman « Les Ombres Errantes », paru chez Grasset. Vous le saviez ? Moi pas. En 2002, j'étais trop occupée à danser en boîte de nuit sur l'inoubliable « Stach stach » des Bratisla Boys pour m'intéresser à un vague prix littéraire.
Depuis l'écriture a repris ses droits, et le besoin d'explorer le travail d'autres auteurs a supplanté ma passion pour la techno de basse extraction. Un jour, au détour d'un rayon de la bibliothèque, je suis tombée sur Pascal Quignard. Jamais entendu parler. Mais comme il y avait plus de dix ouvrages à son nom, j'ai pris la peine d'en ouvrir un. Le hasard a voulu que je choisisse « Villa Amalia » parce que je trouvais que le titre sonnait bien.
« Villa Amalia », c'est l'histoire d'une pianiste et compositrice de renom qui découvre la liaison de son compagnon au travers d'une haie de banlieue. Cette trahison l'amène à remettre en question toute sa vie. Je n'en dirai pas plus, et ne ferai pas l'affront à M. Quignard d'insérer ici des citations du roman pour rehausser la qualité de mon texte. Je préfère vous encourager à courir à la bibliothèque ou à la librairie et à vous plonger dans ce livre comme dans une piscine d'eau fraîche un jour de canicule.
« Villa Amalia », c'est une leçon d'écriture de la première à la dernière phrase. Elles sont courtes, ces phrases, ciselées, percutantes comme des cailloux sur une vitre. Il y a des mots très beaux, d'autres que l'on ne reconnaît pas tout de suite, des associations merveilleuses qui ouvrent la porte à des recoins ignorés de notre imagination. Dans une économie de mots et d'effets, Pascal Quignard nous ouvre les portes de l'esprit d'une femme, de son passé, de ses amours, de ses désirs. Tel un torrent de montagne qui creuse son sillon avec une assurance sans failles, le récit suit un cours irrégulier, tantôt abondant, tantôt semé de paragraphes plus courts qu'une mini jupe Courrèges, laissant le lecteur glacé après un passage heurté au milieu des rapides, ou ému de la description d'une caresse.
Ce livre est un voyage au pays des mots, des émotions, de la recherche sans affectation. La langue déliée de Pascal Quignard est une merveille vers laquelle chaque auteur en devenir peut tendre sans craindre de l'atteindre trop vite ni d'en faire trop dans la simplicité.
PS : Ayant décidé de ne pas mourir idiote, j'ai ensuite emprunté « Les Ombres Errantes » du même Pascal Quignard. Ne parlant pas latin couramment, ayant préféré l'école de la vie à Normale Sup, ses évocations mystérieuses et errances de pensée à l'apparence désordonnée m'ont perdu en route, et j'ai renoncé à me sentir bête après une centaine de pages de labeur.