Hier encore Charles ses bons moments
Jean Claude Blanc
Hier encore Charles… ses bons moments…
94 ans, vieux troubadour
Malgré son âge pas sourd ni lourd
Ce devait arriver un jour
Plier bagages sans retour
A comparer Serge Gainsbourg
Haut comme trois pommes, Charles Aznavour
Fréquente plus guère les faubourgs
Où se complotent les amours
Malheureusement qui tournent court
De ses personnages, décrit le parcourt
Bien que se fendant d'un brin d'humour
Y'en pour toutes générations
Chacun connait sa dévotion
De lucide attentif précurseur
Envers ceux qui n'ont pas un rond
Finalement, gagnant leur cœur
Non-initiés, retiennent la leçon
Génial auteur compositeur
Doué interprète pas cabotin
Faisant rimer faim et humain
En a subi de ces horreurs
Fidèle à son peuple solidaire
Issu comme lui d'Asie Mineure
Chassé des turcs tortionnaires
Compatriote à jamais
Car il n'a rien oublié
De ces massacres en Arménie
Avertissements pour les nantis
A toutes les causes s'est voué
Logique éloge de ses proches
Lui qui a passé l'arme à gauche
Ayant durant son existence
A dénoncer leurs souffrances
Lui qui a tenté cette chance
D'être du bon côté du manche
Célébrité, juste récompense
Sur le sort a pris sa revanche
Petit coup de pouce, de la providence
Que le début de ses tracas
A déballer dans les médias
Ses états d'âme, d'une chaude voix
« Elle va mourir la Mama »
Un exemplaire de ses « emmerdes »
Souvenirs d'enfance à ne pas perdre
60 années nous en conter
De ses manières d'artiste coquet
Cachant ses peines, ses insuccès
Sous son allure dégagée
Se voyant déjà en haut de l'affiche
Car savamment devenu fortiche
Et par là même le fétiche
De ceux qui bouffent des pois chiches
A fait du chemin cet émigré
Mangeant de la vache enragée
Au commencement pas très gâté
Comme quoi ne faut pas les virer
Ces étrangers, sait-on jamais
On en découvre qu'ont du talent
Plus que nous autres, lettrés savants
Alors sachons raison garder
Ceux qui débarquent sur nos côtes
Ne sont pas tous écervelés
Certains virtuoses croquent les notes
Quel plaisir les accueillir
(Sous-entendu pour leur brio)
Qu'importe leur identité
Et la couleur de leur peau
Du pain béni pour notre empire
Considérés pince sans rire
Comme vedettes à protéger
L'académie se fait pas prier
D'office elle se précipite
Pour s'en offrir de ces élites
(L'hypocrisie n'a pas de limites)
Chez ces galants lèches pompes zélés
Modeste Charles, de sa gloire s'en fout
Sans ambition, fait de jaloux
Couru d'avance, cousu d'or
Se prenant pas pour un ténor
Avec son timbre éraillé
Se sentant indigne d'intérêt
Sacré filou, qui nous la joue
Chanteur de foire, VRP
Ce soir en deuil, nous ses adeptes
Trouvère de charme, ça se respecte
Plus à la mode, on le regrette
Mais me conforte en ma retraite
Se comptent sur les doigts, poètes à textes
Ferrat, Brassens, Ferré, Béart
Brel, Trénet, riches corbillards
Ces disparus, hommes de l'art
Pour le Chef d'Etat, jovial prétexte
Pousse son discours, en a le pouvoir
Pas par hasard, se faire bien voir
Par principe sort son mouchoir
En plus damné au Purgatoire
Devra subir le bon vouloir
De ce chefaillon, pétri de fierté
Pauvre Aznavour, dort pas en paix
Mieux vaut garder les sentiments
A l'intérieur de nos pensées
Si authentique ce serment
S'en souvenir éternellement
Mais sans la gueule d'enterrement
Ne retenir qu'attendrissement
De son public, franc du collier
A le bénir, une dernière fois
Silencieusement signe de croix
Voulant discrètement s'en aller
Evidemment ce coup raté
Déjà déboulent les télés
Repassant en boucles son décès
Et même son corps charcuté
A l'hôpital de la Pitié
(ça s'invente pas, du s'y soumettre)
Le ventre à l'air et ses tripettes
Plus qu'un cadavre à découper
Hélas sinistre réalité
On n'est peu de chose sur cette Terre
Stars applaudis sous les lumières
Se gêne pas médecine légale
Haché menu cet animal
Certes cruelle, cette oraison
Terminerons tous de cette façon
Aux Invalides, pas question
Car ça évoque, la mort au front
Mais Charles attend bien patiemment
Maintenant qu'il n'a plus mal aux dents
Hâte me recevoir…je prends mon temps
Raffolant pas de thé dansant
Bien qu'idolâtre, pas inconscient
Autre chose à faire dès à présent
Vu que l'avenir, n'est pas brillant
Pour mes romans, y'a des clients
Sans Aznavour doivent savourer
De mes vers à pieds, d'ours mal léché
Pour ainsi dire c'est les progrès
« Joue contre joue », ainsi danser
Cul contre cul, meilleur effet
Nouvelle formule d'absurdité
Pour toi défunt, pas consternant
Qu'en viande congelée dorénavant
A plus se faire du mauvais sang
Comme trépassé, encore bandant
Près de marie, putain de mâle
A redevenir enfant de la balle
Bravant puissant les forces du mal
A l'Olympia, se mettre à poil
Car le Madone qui se dévoile
Y'a peu d'espoir qu'elle détale
Vibrant hommage, adieu cher Charles
Pardonne-moi si je déparle
Emmène-moi, en ton beau ciel
Là où les anges font des merveilles
« Misères moins pénibles au soleil »
De toi, pour toi, ces strophes subtiles
Qui ont atteint mes cordes sensibles
Foi de chrétien, fallu que je t'imite
De la même chapelle, la messe est dite
Si je t'emprunte ta culture
Te la rendrai, encore pure
Avec en plus, propres aventures
Me consacrant à l'écriture
Mais humblement je te le jure
Pour pas amocher ta nature
De star qui a de l'envergure
Ayant su soigner ses blessures
Il y a des soirs comme ça blafards
Où on se rappelle, seuls dans le noir
Qu'on a adulé ces anciens
Maitres chanteurs magiciens
A se demander, qui dès demain
Pourront poursuivre leurs refrains
Trop dépassés alors on craint
Que le fric n'attire que les crétins
Voyez la scène, Bruel chevrotant
Pour la cause de ses juifs errants…
« Tu te laisses aller », me le dit franchement
L'étoile qui luit au firmament
Charles Saint d'Esprit, pas décadent
Bien plus grand mort que vivant JC Blanc octobre 2018