Hip hopoésie vol.07

nrik

Ici, l'idée de cette chronique, c'est de vous montrer qu'il y a de véritables poètes dans le rap. Loin des clichés que certains peuvent imaginer. Pour le reste, à vous de juger...

S'il y a bien un groupe de rap pour lequel il est très difficile de dissocier la musique des paroles, c'est bien Hocus Pocus. Et pourtant, c'est peut être celui dont le goût pour la poésie, le rythme et la fonction des mots, est le plus flagrant. 20syl, le chanteur du groupe (désormais plus connu comme l'un des quatre DJ de C2C) est un impressionniste du texte. Il dépeint des scènes de vie aussi bien que des émerveillements, par petites touches, par contrastes et variations de teintes. Le lire sans l'entendre me fait penser à Blaise Cendrars : "L'écriture est un incendie qui embrase un grand remue-ménage d'idées et qui fait flamboyer des associations d'images avant de les réduire en braises crépitantes et en cendres retombantes." (L'Homme foudroyé, 1943)

Ici, je vous propose de découvrir le premier couplet de Voyage immobile, extrait de l'album Place 54 (2007). 20syl y raconte sa découverte de la musique noire américaine et comment celle-ci lui a permis de voyager, aussi bien dans l'espace que dans le temps. 

"J'ai débuté ce long voyage, un matin, dégoûté par mon paysage quotidien. Je ne voyais que des blocs longs de 3 minutes, taillés dans le même roc et dans le même but. On m'avait parlé d'horizons différents, de mélodies inattendues, d'instruments, de cités sans cloison. D'architecture rythmique, d'une civilisation sonore née sur les terres d'Afrique.  J'ai voulu voir ce monde ou plutôt l'entendre, équipé de mon casque et de quelques bandes. J'ai traversé l'océan, dans la brume juste une silhouette, découvrant sur le quai les derniers poètes. J'ai entendu ces rires "assiste au live de Louis, et quelques miles plus loin  tu croisera Miles Davis". Je suis resté scotché, vacillant comme ivre, merde, je dialoguais avec un cuivre. Il m'a parlé des frères de la jungle, dans laquelle vivait une tribu appelée "Quest"... Si j'avais su ! Plus loin, je compris rage et émotion, en découvrant d'étranges fruits et des champs de coton. Je parlais musique et on me parlait couleur, un tableau surréaliste souvent teinté de douleur. J'ai vu mon reflet déformé dans les lunettes noires de Stevie et mon sommeil bercé par Billy."

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