Histoire de bousiers

Calame Scribe

Science et vie de la terre : devoir de vacances Bretagne - Août 2017

Promenade matinale et bucolique dans les chemins creux bretons avec enfants et petits-enfants. Descendant n°4, « Tonin » pour ne pas le nommer, traînasse derrière la joyeuse troupe, fixant ses basquets en marchant.

Arrêt brusque, cri de surprise, et galopade pour rejoindre le groupe. Tonin a, au creux de la main, un « scarabée ». Très fier de sa découverte et ravi de pouvoir encore une fois effrayer Descendante n° 5, notre futur entomologiste potentiel examine sa trouvaille sous toutes les faces et la manipule avec soin.

Simultanément, il chipe et ingurgite des mures sur le chemin ; quelque parent rabat-joie lui signale que son scarabée est un bousier et que cet animal, sympathique au demeurant, manie des excréments pour se nourrir, se loger et se reproduire, en conséquence, l'animal n'est pas forcément très aseptisé….

Explication pédagogique est alors donnée au groupe des descendants : le bousier a une fonction très utile dans l'écosystème et c'est un peu grâce à lui que disparaissent de nos chemins les déjections canines (et autres).

Tonin, impressionné et respectueux de la nature, relâche ce chaînon utile à l'environnement.

Retour à la maison et au cri de « Pipi, les mains », signal familial pour dire que c'est l'heure du repas, chacun s'exécute : bruits de verrous, d'eau qui coule, cris et rires et tout le monde passe à table.

Dans l'après-midi, nouvelle exclamation de joie de Descendant n°4, nouvelle peur de Descendante n°5, regard blasé de Descendant n°3, mines de dégoût de Descendantes n°1 et 2 et approche prudente de Descendant n°6 : Tonin a trouvé dans le jardin plusieurs nouveaux amis répondant, aux dires du Patriarche qui a regardé sur Internet, au doux nom d'Onthophagus taurus de la famille des Scarabaeidae ( ! ).

Fort d'une expérience heureuse d'élevage d'escargots, notre biologiste en herbe décide de recréer un biotope à ses attachants compagnons, pour étudier de près leur mode de reproduction. Et voilà l'affaire lancée : un seau en moins pour faire des pâtés de sable, quelques touffes d'herbes prélevées à la pelouse, de la terre d'une taupinière qui a surgi au bon moment, un peu d'excrément dont personne n'a voulu savoir d'où il venait… et voilà un nid douillet pour ses protégés.

Hélas ! Les vacances sont trop courtes pour que l'essai soit concluant et Descendant n° 4 se voit obligé de relâcher son élevage de bousiers. Sans médire, les adieux aux coléoptères seront plus douloureux que les au-revoir prodigués aux humains.

Après-midi rangement et nettoyage de la maison après le passage de la horde barbare familiale. Le lendemain un ami de notre Tonin crapahute sur le sol immaculé du garage. Un petit coup amical de balai repousse l'animal dans le jardin. Quelques heures après, deux autres tentent la traversée (ou le même et un de ses congénères, allez savoir !! Tonin ne les a ni bagués ni pucés). Même refoulement en douceur… Même scénario un peu plus tard.

Après réflexion, et en se mettant dans la peau d'un bousier, une explication logique vient à l'esprit : les bestioles ont été prélevées du côté ouest de la maison et ont été relâchées du côté est de la maison où avait été installé leur nouveau home. Une fois relâchées, ces petites bêtes voulaient simplement retrouver leur domaine, leurs galeries, leurs supermarchés habituels et peut-être les membres de leurs familles… qui sait ?

Il a donc été décidé d'aider les scarabées en les accompagnant gentiment vers la partie ouest du jardin et, depuis, nul bousier ne franchit plus le seuil du garage : tous ont dû regagner leurs pénates.

Si l'on pouvait trouver une morale à cette histoire, ce serait peut-être celle-ci : interférer dans la vie d'autrui n'est pas une bonne idée, même si l'intention est louable !

Signaler ce texte