Histoire de Pôle
saharienne
J'ai souvent rêvé qu'un pic de glace me transperce, Pour réchauffer ma chaire rendue brulante par la fièvre. Une fièvre sans fin, que j'ai toujours connu, Embrassant mon corps, Lui donnant forme et vie. Je suis faite pour des froids polaires : Pour hiberner, Pour l’éternité, Et non pas pour cette seconde brulante qu'on appelle une vie. Je ne souhaites pas la mort. Mais je souhaites le silence. L'absence. La nuance. Les quiproquos. Et tout ce qui est susceptible de ralentir... De prendre du temps... Et de laisser mon corps s'étendre, encore et encore, Sur une plage de glace... Pour savourer une lumière qui ne chauffe pas, ne brule pas, Qui permet de garder les yeux ouverts : Et de fixer le Soleil, comme on fixe un insecte. Regarder, contempler. Prendre le temps entre mes deux mains serrées Et le tordre. En faire un collier. Et le porter au cou : Comme un trophée. Pas de parade. Pas de servant. Pas d'acclamation. Dans cet empire du chuchotement La mégalomanie se vit seul. Et chaque soir la Lune pourra bien venir se moquer, De ce tas de chaire froide qui se contente d'être allongé, Jour après jour elle aussi s'abimera du passage du temps, Et aura beau grossir à nouveau dans le ciel, En subira à nouveau les outrages la semaine suivante. Et voyant son sourire se tordre dans tout les sens Je saurais que j'ai gagné sur les astres eux mêmes. Quand des milliers d'années seront passés, Que le temps se sera dissout, Que les années seront un souvenir, Les mois une légende, Et les jours un mythe, Alors peut être je reviendrais, debout : Marcher vers l'Equateur, quelque part vers Cuba Me cramer au soleil et mourir d'un cancer Sous la déchirure béante de l'ozone. Peut être aurais je des enfants, Peut être mes parents deviendront ils grands parents, Mais ce ne sera pas moi : Ce sera juste un corps en action. Comme dans toute la Physique. J'ai souvent rêvé qu'un pic de glace me transperce Et que je n'en mourrais pas.