Histoire d'un stupide sentimental

zelia

Lundi 15 Octobre

Pour l’instant, je suis dans l’impasse. Comment assumer ce besoin soudain de me confier à un cahier parce que je suis obsédé par ma voisine de palier ? Quelle honte, si des gens l’apprenaient !
Tout cela est ridicule : Jusqu’à présent, je n’ai jamais eu BESOIN d’une femme. Comme beaucoup de mecs de ma connaissance, j’ai connu pas mal de filles dans ma courte vie, mais n’ai pas une seule fois expérimenté ce que l’on appelle communément «  L’Amour » avec un grand A
J’ai perdu ma virginité à un âge honorable : 15 ans. Bien sûr, je ne pensais qu’au sexe. J’ai couché après cela  avec une vingtaine de nanas qui s’attachaient parfois à moi, mais que je quittais au bout d’une nuit, d’une semaine, d’un mois grand maximum, faute de quelque chose que je n’arrivais pas bien à définir…
J’ ai cru quelquefois tomber amoureux de certaines, qui n’étaient d’ailleurs pas les plus jolies, ni les plus intelligentes.
Mais à chaque fois, ayant senti mon attachement, et peut-être dans une tentative maladroite de l’éprouver, elles devenaient soudain de vraies chieuses possessives, folles de ménage, ou folle de sexe. Avec d’autres, bien sûr. Et, autant le dire tout de suite, je ne peux accepter chez les autres les défauts que je n’assume pas tout à fait chez moi.

Voilà  pourquoi tout ceci est incompréhensible.

Je suis obsédé par cette fille, Zia.
Son nom est sur la porte, à côté d’un autre nom – bordel ! – Zia Duval & Marco Bricaud
Il est évident que cette fille mérite mieux, et ce n’est pas ici ma jalousie qui parle, seulement mon empathie. Pense-t-elle réellement pouvoir être heureuse en s’appelant un jour Zia Bricaud ?

Elle semble si gracieuse, si douce avec sa silhouette fine, ses yeux couleur de miel, et ses longs cheveux toujours retenus ou entortillés dans un foulard.

Je la croise parfois, sortant de l'immeuble en même temps que j'y rentre,  feuilletant un journal devant le kiosque à journaux du coin ou sortant de la bouche de métro proche de chez nous alors que je m'engouffre dedans. Le plus souvent, elle est seule. Habillée d'un long jupon coloré ou bien d'une de ces combinaisons vaporeuses fleuries, sa grande besace serrée contre elle d'où dépasse parfois des rouleaux de papier blanc et ces énormes écouteurs sur les oreilles. J'ai bien conscience qu'elle ressemble à ces jeunes filles qui ont souvent nourrit mes fantasmes, celles aux longs cheveux lisses et à l'air un peu farouche, un carton à dessins coincés sous leurs aisselles, qui pullulent dans les ecoles d'art parisiennes. Est ce le côté artiste qui m'attire, simplement, ou bien ce côté romantique et cet air de ne pas y toucher qui titillent mon côté macho ?  Mais alors pourquoi ELLE, elle et pas une autre ?

Par un heureux hasard je la croise beaucoup plus souvent que le dénommé Marco qui partage sa vie. La première fois que c'est arrivé, je m'en souviens, je l'ai vu en train d'embrasser Zia alors que je sortais de chez moi. Sa main dans son dos à elle, confiant... Quand ils m'ont dit bonjour et se sont séparés j'ai pu voir son visage, ses yeux très clairs, et ses dreadlocks. Il m'a fait penser à moi, plus jeune, à d'autres garçons de cet  âge que je côtoyais à l'époque, les cheveux longs, le t-shirt Greenpeace, et cette promptitude à rouler des joints où à dégainer une guitare pour jouer du Tryo. Quelque chose m'a empêché de le détester d'emblée, un peu de nostalgie, ou ce sourire doux qu'il arborait, même s'il transpirait le cliché.

Je me suis fait la réflexion que s'il jouait merveilleusement de la gratte, je n'avais aucune chance. S'il n'était pas musicien, j'étais prêt à mettre ma main à couper qu'il exerçait  un job décalé, un peu romantique ou désuet comme luthier ou fleuriste. Le genre de chose qui peut faire rêver une très jeune femme.

Quelle chance ai je donc contre ce jeune rebelle romantique qui doit lui ramener des fleurs le soir en sortant du travail et composer des chansons à sa gloire ?

Samedi 20 Octobre

J'ai croisé plusieurs étudiantes en art aujourd'hui, en groupe, dessinant au pied du sacré cœur. Une d'entre elles lui ressemblait, j'ai d'ailleurs hésité une seconde, l'air bête, sautillant un peu sur place, avant de réaliser que ses cheveux avaient des reflets roux que je n'avais jamais vus chez Zia et que, définitivement elle n’était pas aussi belle. Mais il y avait la même sorte de grâce dans ses gestes, son profil si bien dessiné, jusqu'au foulard négligemment attaché dans les cheveux.
Je me suis dit que la vie serait sans doute plus simple si c'était celle fille là que je voulais. Elle était peut être célibataire, amoureuse de personne, j'aurais pu l'approcher en complimentant son travail, oh rien d'original certes, mais peut être que mon sourire et ma proposition d'aller boire un café dans un des bistrots de Montmartre aurait suffit. On aurait pu disserter sur la vie, la mort, l'art, ou même Dieu.
Elle aurait passé la main dans ses cheveux d'un geste gracieux, j'aurais glissé quelque chose de joli sur son charme et elle aurait rougi. Cela me paraissait tellement simple d'un coup, mais ce n'étais pas ce que je voulais vraiment.
Alors j’ai juste détourné la tête et je me suis éloigné.

Lundi 22 Octobre

Je l’ai aperçue ce matin, en nuisette dans sa cuisine en train de préparer du café. Savoureux réveil...
ELLE et « lui » habitent deux portes plus loin que la mienne, celle située juste devant l’ascenseur, et fort judicieusement, leur appartement est légèrement décalé par rapport aux autres : C’est ainsi que je peux apercevoir leur cuisine de mon salon. C'’est d'ailleurs comme cela que je l’ai connue.

Car oui, il me faut le dire : la première fois que je l’ai aperçue, elle était nue, en train de faire la vaisselle. Et forcément, ça crée des liens.

Ca devait être il y a cinq semaines, environ ? Je savais bien que quelqu’un venait tout juste d’emménager, mais je n’avais encore croisé personne. J’étais  donc positivement ravi que ce soit cette jeune fille si charmante, jusqu’au jour où j’ai vu les noms sur la porte.

Ils étaient écrits à la main, d’une écriture ronde et enfantine, sur un petit bout de carton blanc. On s’attendait presque à voir les contours d'un cœur dessiné tout autour.

Zia Duval et Marco Bricaud. Tout espoir brisé dans l’œuf en quatre petites secondes.

 C’est à partir de là qu’elle à commencé à devenir cette sorte d’obsession. Son visage est devenu la première chose à laquelle je pensais le matin, le cerveau à peine conscient, et la dernière image que mon esprit se représentait avant de sombrer dans le repos.
Maintenant il s’y est ajouté ces nuits ou même mon inconscient la rappelle à moi, dans des rêves tarabiscotés d’où je retiens seulement l’avoir approchée, humée, frôlée. Mais comme cela me semble si évident et si réel !

Au réveil il y a alors toujours cette prise de conscience, rapide, mais tellement douloureuse : Non, elle ne sait toujours pas qui je suis. 

Mardi 23 Octobre, 2 heures du mat’

Pourquoi, mais POURQUOI m’a-t-elle ignoré avec autant de superbe ?
Pour sa défense, certes, je me suis montré on ne peut plus ridicule, mais était-ce une raison pour me réduire à néant, pour briser mon espoir dans l’œuf ?

Notre première vraie rencontre restera donc un des moments les plus humiliants de toute ma vie, vraisemblablement ex-æquo avec cette soirée,  lorsque j’avais seize ans, que j’avais passé, la braguette largement ouverte, sans comprendre pourquoi toutes les filles refusaient de danser avec moi et s’esquivaient en gloussant.

Pour être honnête, tout ceci n’est qu’un imbécile concours de circonstances, et a commencé alors que je terminais enfin ma journée de travail. Il faut dire que je ne tiens pas mon travail en haute estime et que je n'en saisis pas bien la véritable utilité. En bref je suis payé pour vendre des encyclopédies aux clients d’un club de livres.
En pratique, je dois traîner dans le magasin, tel un animal à l'affût, repérer les pigeons éventuels, les renseigner, leur poser des questions pour gagner leur confiance, puis les entraîner jusqu’à une austère petite table ronde au fond du magasin. Là, je me dois d’entamer le petit speech du parfait vendeur d’encyclopédies, qui peut parfois, durer jusqu’à deux heures, sans aucun résultat.
Plus particulièrement en ce moment, car et c’est ironique, je n’ai pas le cœur à convaincre d’innocentes personnes à tout prix, et j’abandonne à présent au moindre signe d'hésitation du potentiel client.

Ajouté à cela le fait que je n'ai aucun contact avec des collègues éventuels, et des relations très superficielles avec les vendeurs de la boutique où j’exerce, et il est facile de comprendre que mes journées de travail ne sont pas véritablement joyeuses. Pire, il y a toujours cette fichue impression de vacuité, d'inutilité, qui me colle à la peau et finit par m'imprégner tout entier.

Aussi, à peine suis je rentré chez moi, que le gros coup de blues, le vrai m’est tombé dessus. Les épaules qui s’affaissent, cette sensation d’étau qui enserre la poitrine, une boule dure et tenace dans la gorge, ce besoin irrésistible de faire quelque chose, n'importe quoi, pour faire cesser ce « rien »
Car, pour couronner le tout, je venais d'entendre Zoé rire, en passant devant sa porte. Fermée.
J’ai donc décidé qu’il me fallait rapidement une oreille attentive, comme celle de mon meilleur pote Stéphane, qui – et je l’en remercie, c'est une de ses qualités non négligeables– n’a pas posé de question et s’est résolu à passer la soirée chez moi en quelques secondes, armé d'un « petit cadeau »

Je n’avais pas fumé depuis plus de deux ans, j’étais donc nostalgique et presque excité à l’idée de me replonger dans l’état de l’adolescent attardé toujours défoncé que j’étais. A 23 heures, nous en étions déjà au troisième joint roulé par Stephane, les yeux explosés, scotchés devant l’écran qui diffusait une de ses innombrables séries policières impossible à différencier les unes des autres. La fringale typique est venue nous tenailler et je me suis bravement résolu à aller faire quelques achats chez mon ami l’épicier à deux pas de chez moi.
Evidemment, j’étais dans un sale état : j’avais la bouche pâteuse et le verbe lent, le fou rire facile et une démarche mal assurée.

Pourquoi a-t-il fallu que je puisse enfin parler à cette fille ce soir-là ?
Pourquoi n’ai-je pas pensé à me recoiffer sommairement, où a mettre autre chose que ce vieux bermuda en jean datant de mon adolescence, troué aux genoux ?

Parce que j’étais défoncé. Parce que c’est ce bermuda qui m’est tombé sous la main en premier, et pas autre chose. Ou peut être simplement que quelque part, quelqu'un m'en veut, et a entrepris de faire de la magie noire à mon encontre ?

J’espérais donc être le seul dans l’épicerie ce soir-là, faire des achats rapides, et qu’on ne m’adresse surtout pas la parole. Mais bien évidemment dans la vie, rien ne se fait aussi simplement que l'on peut l'espérer...
Et c’est lorsque je jaugeais les trois baguettes restantes dans le panier à pain qu’elle est entrée. Emmitouflée. Essoufflée. Adorable, évidemment, avec les joues un peu rosies par le froid piquant de la nuit.
J’ai eu un petit coup au cœur et j’ai essayé de me ressaisir, bien évidemment. Même si mon temps de réaction m'a semblé incroyablement lent.
Je lui ai adressée un sourire du type irrésistible – du moins j’ai essayé d’esquisser ce qui me semblait être un sourire irrésistible – alors qu’elle passait devant moi sans me voir.

Je ne saurais vous dire pourquoi, il n’empêche que je me suis approchée d’elle, et que je lui ai bloqué le passage, là, pile entre les yaourts et le rayon des biscuits.
-« Bonsoir » lui ai-je dit, d’une voix qui se voulait maîtrisée.
-« Bonsoir … On se connaît ? » a-t-elle répondu, d’une voix qui se voulait méprisante.
C’était déjà mal parti. Alors, bon sang, pourquoi ai-je insisté ? C’était si pathétique !
J’ai soudain ressenti le besoin de tout lui dire, qu’on se connaissait très bien, du moins JE la connaissais, moi, Romain,  je l’avais entendue rire tout à l’heure – d’ailleurs pourquoi riait-elle ? – et puis je la voyais souvent se promener chez elle de mon salon ! (Et est ce qu'elle ne se rappelait pas comme elle avait semblé m'apprécier au point de me laisser caresser ses cheveux dans mon rêve de la nuit précédente ?)

Elle m’a écouté en me regardant comme si j’étais un malade qu’il fallait absolument approuver pour ne pas le rendre encore plus fou, et, à la fin de mon discours, elle a eu un geste qui m'a surpris.

Elle s’est avancée pour renifler mon haleine – j’ai pu  voir son joli petit nez se plisser – puis elle a détourné sa tête en esquissant une grimace.
J’avais juste bu une bière une demi heure plus tôt, mais elle a semblé croire que j'étais complètement saoul, un pauvre naze qui buvait du whisky tout seul chez lui, pour oublier sa triste condition.
Je l’ai vu payer sa bouteille de jus d’orange en faisant une moue dépitée qui s’adressait directement à moi, je suppose, et sortir.

Alors j’ai couru chercher des pistaches et un pack de bières – puisqu’elle me croyait bourré, autant abonder dans son sens, finalement, non ? – et me suis approché du comptoir avec mes petites affaires sans oser regarder mon épicier dans les yeux.
J’ai mis trois plombes à déplier mon billet de 10 euros, et à me rendre compte que je n’avais pas assez pour régler.
Mon épicier m’a alors lancé un regard compatissant. Je suppose qu’il avait du voir une partie de la triste scène qui s’était déroulée là, une tranche de vie dans son épicerie, ouverte 20h/24  même le dimanche. Je suppose que je lui faisais pitié, moi le con amoureux en bermuda qui n’avait que 10 euros en poche. Donc il m’a dit :

-« Allez, c’est bon, va, d’puis le temps, j’te fais crédit. Tu me dois 8 euros, ok ? »

Jeudi 25 Octobre – 23 heures

Cette fille est un démon.

Depuis qu’elle a compris mon voyeurisme inhérent à l’intérêt que je lui porte, elle en profite pour me jeter sa beauté et sa vie joyeuse-et sans moi- à la figure. J’ai eu droit au pire : voir la fille que je convoite se faire sauter par un autre mec. Tout ça, de chez moi. Tranquillement installé dans mon salon. Ca a commencé il y a quelques heures, alors que, m’ennuyant prodigieusement, je me suis risqué à tirer les rideaux pour jeter un coup d’œil à la cuisine de ma chère voisine. Bingo ! Elle était là, en culotte et t-shirt, son casque sur les oreilles, vraisemblablement en train de cuisiner un gâteau.
Je l’ai observée sous toutes les coutures pendant qu’elle cassait des œufs, pétrissait la pate tout en remuant un peu des hanches, allant et venant dans sa petite cuisine en bougeant gracieusement

Je la trouvais tellement fascinante, il me semblait impossible de détourner mon regard de ce spectacle ! Et, bien évidemment, j’ai perdu la notion du temps, et ce qui devait arriver arriva, elle m’a vu en train de la mater.
Je me suis fait prendre comme un bleu.
Nous sommes restés pétrifiés sans bouger pendant quelques secondes, jusqu’à ce moment fugace ou elle m’a fait un salut de la main en souriant exagérément, avant de sortir de la pièce.
J’ai songé un instant à faire barricader cette maudite fenêtre, pour ne plus être tenté de la regarder, de l'observer...

Et juste quand j’allais tirer les rideaux, je l’ai revue dans mon champ de vision. Elle était nue. Son Marco aussi. Elle m’a fait un autre geste de la main pendant qu’il l’asseyait sur la table au fond de la pièce. Enfin, que dire de plus, ils ont baisé, là, devant moi qui les épiais, et qui l’enviait, lui. Je me suis détourné au bout de quelques instants, je ne tenais pas spécialement à avoir l’abandon final. Ensuite j’ai eu un haut le cœur, comme si je voulais vomir la scène qui restait devant mes yeux, tenace.

J'ai pensé à me faire discret, dorénavant, me faire oublier, l’OUBLIER. Ou bien guetter les absences de son Marco et aller la voir, m’excuser, tout lui expliquer …En espérant quoi ? Qu’elle me trouve attendrissant comme un petit chiot et qu’elle m’épouse ?

Samedi 27 Octobre

Elle. Dès le réveil, je n'ai vu qu’elle.  Elle : ses yeux, sa bouche, ses seins, l’odeur de son parfum. Pour tromper l’ennemi -mon cerveau – j’ai mis un jeu de stratégie sur ma vieille mais fidèle console de jeu. Elle était quand même là, elle s’immisçait entre les noms des villes que je créais, elle apparaissait alors que je faisais la guerre à d’autres pays.

C’est là que j’ai compris, qu'il me fallait la voir, lui parler, avant de devenir fou. Mû par je ne sais trop quoi, je me suis approché de la fenêtre et je l’ai vue, deux secondes avant qu’elle ne me voit elle aussi et qu'elle ne m'adresse un petit signe de la main presque joyeux. Je dois piteusement avouer que mon cœur a manqué un battement.

J'ai choisi de croire que c'était le moment ou jamais, qu’il y avait un signe. Je me suis un peu observé dans le miroir de ma salle de bains, avant, j’ai noté mes yeux gris sombre un peu trop cernés, ma barbe de trois jours, et j’en ai déduis que cela pouvait bien être plus sexy pour une fille que ce qu’il me semblait. J’ai attrapé mes clés, claqué la porte derrière moi et, enfin, j'ai frappé à sa porte. J’ai attendu qu’elle m’ouvre en essuyant la paume de mes mains moites sur mon jean. Elle portait un pantalon large, avec un chemisier qui laissait deviner par transparence son soutien gorge. Ensuite, tout m’a semblé étrange et trop beau pour être vrai.
Elle m’a caressé la joue, m’a dit qu’elle savait que j’allais venir la voir, qu’elle m’attendait.
Bien sûr, j’ai osé un : « Mais …  euh, ton petit copain ? ! » car à mes heures perdues, j'aime bien être pathétique.
Elle m’a fixé de ses yeux gris verts noisette indéfinissables, et, avec un petit sourire mystérieux, elle m’a répondu : « Ca ne le dérange pas vraiment… »
Bien évidemment, j'ai un peu tiqué. Mais je n’avais pas vraiment envie de réfléchir à tout ce que ça impliquait

Elle s’offrait à moi, c'était clair. Alors, je l’ai suivie dans sa chambre sans me poser d'autres questions. J’ai bien remarqué le miroir immense se trouvant à la tête de leur lit, je dois dire que pendant une seconde je me suis senti vaguement choqué (quoi ? Cette douce créature innocente se regardait faire l'amour avec son homme ?) avant de réaliser que cette fois, c'était moi qui allait en profiter, et que l'excitation ne prenne le dessus.
Elle s’est allongée sur sa housse de couette blanche, a enlevé sa chemise. Moulés par le soutien gorge fleuri, ses seins me sont apparus comme je les avais imaginés, à la fois petits et ronds. J'ai trouvé le grain de sa peau sublime, mes mains semblaient irrésistiblement attirées, comme voulant vérifier par elle mêmes si cette fille était  aussi douce qu'elle en avait l'air.
Elle m’a attiré près d’elle, m’a murmuré qu’elle aimait se sentir observée. Qu’elle avait voulu tester ma motivation, ma résistance.
Je n’ai rien répondu. Ce n'était pas le moment de parler, clairement. Plus que tout, je la voulais. Et je l’ai EUE.

Enfin, j’ai pu toucher, sentir, mordiller chaque endroit de son corps. Nous avons fait l’amour devant cette gigantesque glace, et j’ai entendu son cri d’orgasme. A ce moment-là, elle était à moi, rien qu’à moi.
C’est la première fois que je ressentais un tel plaisir, une telle symbiose, comme si ses courbes, son corps, sa peau, son être tout entier avait été créé pour moi, façonnés pour s'accorder avec mon corps et mes mains.
J’en suis sorti vidé, courbaturé, satisfait et exténué. J’ai souri en effleurant son visage, elle a souri aussi, et ensuite j’ai sombré, piteusement.

Quand je me suis réveillé, j’étais seul dans l’appartement. Dans SON lit. Dans LEUR lit. Elle avait laissé un mot sur la porte de la chambre. Un mot que j'ai toujours, froissé, dans la poche de mon jean, un mot qui dit :

« Obligée de te laisser, j’avais un rendez-vous. Rentre chez toi, et ferme bien la porte. Je te ferai signe demain.

Zia »


Voilà où j’en suis.

Ce que j'attendais désespérément s'est produit, et c'est tellement déroutant d'être enfin passé « de l'autre côté »
Je ressens de l’euphorie, oui. Une espèce de sentiment pitoyable d'espoir aussi, après tout pourquoi ne serait elle pas la femme de ma vie, même si je n'ai jamais cru à ça auparavant ?

Voilà le côté pernicieux de l'histoire. Maintenant que j'ai pu la gouter, comment ne pas en vouloir plus, encore et toujours plus ? Comment me contenter de lui avoir fait l'amour une seule et unique fois alors que je la voudrais entière et rien qu'à moi, pour...toujours ?

Dimanche 28 Octobre. Tôt le matin.

J’ai passé la nuit à tenter de repousser toutes ces questions qui affluaient sans que je n’arrive à les ignorer. Ces questions puériles sans début ni fin qui me font regretter d’être devenu sentimental.

Qu’est-ce que ce moment passé ensemble peut signifier pour elle ? me suis je demandé Compte t elle quitter son Marco pour moi ? Après tout ce n'est qu'un adolescent attardé et Zia mériterait bien un homme non ? Suis-je seulement un « extra » dans sa vie, un coup vite fait bien fait ? Vers 3 h du matin, épuisé, je me suis brillamment convaincu que ça ne pouvait être le cas : si je ne comptais pas, elle n'aurait pas pu s'abandonner autant dans mes bras, n’est ce pas ?

 Je ne comprends pas quand et pourquoi ça a basculé. 

Comment tous mes désirs enfouis peuvent ressurgir et ses cristalliser sur elle, en elle, à ce point.
Oui, j'ai envie de croire qu'avec Zia, cette fille douce, à la fois romantique et culottée, quelque chose d'autre est possible. Je pourrais me moquer de moi-même, si je n’étais pas à ma place, mais j'ai cette fille dans la peau, voilà tout.

Aussi bête que ça puisse paraître, et alors que j'ai dit cette phrase des dizaines de fois sans la penser, je la pense aujourd'hui sans la dire : Cette fille n'est pas comme les autres. Cette fille est pour moi. Je la veux, je la veux, elle ne peut décemment pas m'avoir offert ça pour me tourner le dos ensuite, impossible !

Peu importe le reste, j’arrive à me souvenir de sa peau sur ma peau, et ça fait patienter.

16H


Zia n'a pas menti : elle m'a bien recontacté, comme promis. 

Quand je suis revenu du tabac du quartier, j'ai trouvé, glissé sous ma porte et gisant sur le parquet de mon entrée, une pochette de Cd sur lequel était collé un mot. Bien sûr, j'ai glissé le disque dans mon ordinateur, et pendant qu'il se chargeait, j'ai admiré le petit dessin de deux corps nus enlacés griffonné dans un coin. J’ai pensé : Zia nous a dessiné, nous. Le bonheur dégagés par ces deux corps dessinés paraissait flagrant, vraiment, comme un dessin fait par une fille amoureuse.

Et puis j'ai lu, pendant que des gémissements sortaient de mon ordinateur.

« Gentil petit Romain,
J’ai eu beaucoup de plaisir avec toi hier soir (Ca a pas mal excité mon mec aussi ) Je suis sûre que tu te doutais que ce miroir n’est pas "« juste » un miroir, n'est ce pas ?
Ne sois pas gêné vis-à-vis de Marco, pour tout dire c'est même lui qui est à l’origine de cette idée, et j’avoue que je ne l’ai pas regretté.
Etant donné que l’on a beaucoup apprécié ta performance, tu es le bienvenu chez nous, quand ça te tente. Voici un petit souvenir.
C’est cadeau.

Zia »

FIN

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