Histoire d'une mite - h

Les deux petits miteux ne s'étaient jamais sentis chez eux nulle part.

Ils avaient migré des dizaines de fois chacun, d'étoffe en étoffe. Toujours les tissus finissaient par atterrir dans un panier à linge et c'est au contact des autres vêtements et de leur effluve qu'ils pouvaient comprendre que tout cela allait être dirigé vers la grande lessiveuse. Un danger auquel ils étaient formés tout petits par leur ascendants et parfois un grand frère ou une grande sœur hyper bien renseigné(e) prenant un malin plaisir à sidérer un plus petit que soi.

Sur le fauteuil pourtant, le temps put se dérouler sans secousse ni départ soudain vers la buanderie. Ce confort était appréciable mais il maintenait une sorte de stress latent relatif à une échéance non connue et dont la probabilité d'exécution augmentait chaque jour. Un ressenti de menace imminente s'installait tout seul du seul fait de l'absence de menace. Oui c'est un peu compliqué à saisir mais restons dans la peau d'une mite .

 Au bout de 10 jours de trin-trin, la mite principale commença à avoir des palpitations cardiaques. Cela se traduisit par un tremblement régulier de la patte avant gauche. Son compagnon remarqua assez vite le trouble à l'occasion d'un apéro de soie jaune qui avait fini en tâche sur le bois du fauteuil heureusement. Comme ce n'était pas du tout possible que sa mite soit en état de manque, le tremblement de patte était un signe sérieux possiblement d'atteinte du système nerveux pour des raisons endogènes.

L'épisode se reproduisit sous la forme d'une claque intempestive qu'il reçut en plein baiser alors il haussa le ton.

Ma mite ! (dit assez fortement). Qu'est ce qui te prend ???

Oh désolée mon petit miton, je ne sais pas, c'est parti tout seul et je ne me sens pas très bien. Est-ce que tu pourrais reprendre le bouche à bouche ?

C'est en s'exécutant qu'il entendit le battement démesurément rapide du petit cœur de sa grande mite.

Oh la la ton cœur s'emballe, tu me fais un infarctus du mitocarde ! Bon relaxe toi, respire.

Il n'y avait pas de secours, il fallait donc attendre puis ensuite comprendre.

Au bout de quelques minutes, la mite s'assit et se mit à parler.

Mon cher amour, je crois que j'ai un problème d'immensité, ce destin est tellement parfait sur ce fauteuil et avec toi à mes côtés, que j'en perds mon rythme cardiaque, mon rythme interne tout court, je crois que fais un burn out par le vide.

Oui surement dit-il puisqu'il n'y avait rien à redire à cette analyse éclairée.

Peut-être pourrions-nous retourner vivre dans un environnement moins stressant, sur un simple pull, dans un biorythme familier, avec des tas de gens dedans par intermittence, des odeurs et des ennemis, des matières et des hommes.

A ce moment précis de la confidence un pantalon contenant un cul s'écrasa sur eux et elle accoucha.

Mon dieu, que d'événements soudain ! c'est parfait pour toi ma biche tu vas retrouver ton rythme cardiaque normal ! dit il pattes coincées sous le pantalon et le corps à moitié étouffé.

Hah, hah , aide moi, les petits sont en train d'arriver tout seuls !

Ecoute je ne suis pas le mieux placé pour faire ça, je préfèrerai pas.

Bon sang ! c'est le 8eme qui sort, faut les récupérer, moi je ne sais pas comment on fait après, c'est ma première mise bas purée !

Bah moi non plus je sais pas ! C'est ma première aussi, écoute tourne toi vers moi que je les regarde arriver quand même, c'est mes gosses après tout…

La mite effectua une rotation tant bien que mal et perdit un nouveau né au passage.

Les derniers sortirent devant la petite mite coincée qui ne les reconnut pas.

Pardon ? fit la grosse mite en sueur.

Ils ne sont pas de moi j'en reconnais aucun. Répéta-t-il.

Si si c'est les tiens et tu as intérêt à sympathiser dès maintenant parce que c'est toi qui va les nourrir à mes mamelles le temps que je récupère de ce tremblement de terre.

Pour l'instant je ne peux pas faire grand-chose, la sélection naturelle va s'opérer toute seule sur les plus chanceux, c'est aussi bien, plutôt que de perdre son temps à les faire grandir tous.

Hé bé, heureusement que j'en ai préparé 15 et pas 10, belle mentalité …. Elle pleura.

Oh ça va c'est de l'humour.

C'est nul.

Bon quand est ce qu'il dégage ce cul, je vais être invalide encore longtemps ?

On ne peut rien faire, à part récupérer les petits pour qu'ils ne dégringolent pas.

Alors la petite mite fit rouler les bambins en appuyant sur le tissu et il les fit glisser contre lui bien au chaud sous le cul. Cela dura une petite demi-heure, pendant laquelle il prit goût à la paternité. Il les nomma de façon pragmatique 001, 002, jusqu'à 006 vu que les 9 premiers étaient déjà perdus pour la postérité. Cela ferait un complément alimentaire pour sa gazelle dès qu'elle se réveillerait.

Suite au réveil