Histoire d'une mite - u

Laure Cassus

suite des complications


Après une bonne nuit de sommeil, la fratrie en était toujours au trouble soulevé par « l'absence de local ».

-          On comprend vraiment rien , maman, fit 004

-          J'ai beau chercher sur le web, il n'y a aucun lien actif sur cette question, fit 003

-          Ah la la, je n'aurais jamais du vous raconter ça les enfants. C'est beaucoup trop anxiogène pour votre âge, dit la mite mère.

-          D'autant que local ça peut autant être un lieu qu'un placard, alors pour nous les mites, dans notre référentiel d'avenir… hum, c'est limite, fit le miton à moitié abattu.

-          Oui bon, écoutez, on oublie tout d'accord ? « Il y a du local », « Il y a du local », « Il y a du local »… Çà va mieux tout de suite non ?

-          Non

-          Bon alors si on allait plutôt voir le message du papier plié qui est tombé par terre ? Ça nous débranchera de cette problématique.

-          Oui d'accord, allons-y, fit le miton

 

 

001, 002 et 006 refusèrent de descendre au prétexte que la philosophie de l'espèce n'était pas au programme et que cela suffisait comme ça les délires de la mite.

 

-          Comme vous voudrez, de toute façon on revient dans 5 minutes.

-          Prenez votre temps, firent les 3 lâcheurs, on n'a pas l'intention de finir en HP nous.

 

Les autres décollèrent et atterrirent près du papier plié. Cette fois, la mite laissa les garçons effectuer une approche. 003, 004 et 005 prirent chacun un angle en direction de la chose écrite. A pas de velours ils atteignirent le bord déchiré du papier à carreaux. Puis ils montèrent dessus.

-          Ha mince, on sait pas lire le langage des proprios, dit 004.

-          Je prends une photo, fit 003 toujours équipé.

-          C'est écrit en bleu, précisa 005

-          Allez c'est bon, on peut pas faire mieux, partons avant qu'il ne s'envole à nouveau.

-          Maman, regarde le message ! fit 003 derrière son écran tendu

La mite se pencha.

-          Oui c'est bien ça : Mite mi ate ze corneur, et c'est pas signé.

-          Maman, je suis d'accord pour faire la garde du papier jusqu'à ce qu'un proprio le trouve.

-          Oh très bonne idée 005 ! On viendra te relayer de temps à autre… oui c'est ce qu'il y a de mieux à faire…

Et ils redécollèrent, laissant 005 au sol.

Du haut du fauteuil, il lui firent un signe de la patte et affichèrent un grand sourire qu'il ne pouvait distinguer depuis sa place, mais qui témoignait d'un soulagement perceptible.

 

Dans l'après-midi arriva une femme équipée d'un aspirateur noir. Elle brancha quelque chose dans le mur et se plia vers la machine qui émit un énorme bruit continu.

Les mites se planquèrent sous le galon du fauteuil en ne laissant dépasser que leurs yeux .

C'était vraiment pas pépère en ce moment, on aurait pu espérer mieux de la magie de Noël.

La bête mécanique fut passée le long des plinthes puis elle passa de l'état de tube à celui de « porte-avion » transformeur.

005 courut à défaut d'oser voler en direction du pied de fauteuil et il grimpa de toutes ses forces tandis que le miton lui lançait un fil de pêche qui n'avait jamais servi et qu'il se réservait en cas de coup dur.

La machine arriva sur le papier plié, les mites firent un grand oh, et le bruit tonitruant redescendit d'un coup. La dame se courba encore davantage et saisit l'objet privé.

« Madre dios . Un message personnel. ».

Elle le plongea dans sa poche sans le lire, ce qui scandalisa les 7 mites dissimulées, d'autant que c'était leur dernier espoir de contact avec le secret.

Puis la dame finit son travail et sortit de la pièce.

 

-          Bon sang ! mais quel dommage !

-          On ne saura jamais ce qui est arrivé à l'auteur.

-          Ni ce qui arrivera au destinataire.

-          Ni qui c'était.

-          Ni pourquoi c'est arrivé sur notre fauteuil.

-          C'est horrible cette histoire.

 

Et ils partirent en crise de nerfs, emplis qu'ils étaient de toute la frustration de la curiosité non assouvie, de la peur surmontée pour peau de balle et de l'impression pressante de n'être que des figurants dans un scenario de salon plus grand qu'eux.

002, 005, le miton et 003 se mirent à pleurer en déformant leurs visages de propos amers sur l'injustice et le rejet.

001, 003 et 004 partirent d'un rire nerveux et se mirent à effectuer des régressions à base de prouts et de touche pipi.

Seule la mite restait impassible devant le départ en vrille de sa dynastie. Décidément, on était dans une mauvaise passe. Entre la maxime incompréhensible à deux balles et le foutage de gueule du message d'amour non abouti non observé, c'était la crise des cerveaux assurée.

Elle se mit en position du lotus pour apaiser ses sentiments non partagés et imprimer un effet de masse sur sa compagnie en déroute.

« Il y a du local », « il y a du local », chuchotait elle à elle-même.

Les enfants essuyèrent leurs larmes ou leurs contrepèteries, le miton rangea les affaires éparpillées et tous regardèrent la mite.

 

-          Maman est devenue spirituelle, dit 004

-          C'est à cause de la maxime, fit 005

-          On n'en sait rien, dit 003

-          Peu importe, fit le miton. Allez, tous en tailleur ! C'est encore la meilleure façon d'évoluer pour des mites laissées sur le carreau.

-          Du temple, fit 006

-          Tout à fait ma biche.

 

Et ils s'assoupirent en famille, bercés par une maxime de relocalisation.



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