Home Sweet Home

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Ceci est une histoire que je compte faire éditer, et que j'ai pu écrire à cause d'un rêve que j'ai fais...

C’est le jour de la fête de la musique. Chacun est là, qui se prépare à sortir. Il y a Martin, mon meilleur ami, Sophie qui est une copine de vacances et moi-même, Aneesa. De toute la journée, nous n’avons fait que nous baigner et jouer aux cartes, mais à présent que l’après-midi touche à sa fin, nous sommes en train de nous habiller. Martin a déjà fini, qui discute avec mes parents dans le salon, tandis que je me fais belle avec Sophie. L’ambiance dont l’atmosphère est chargée sent le faux, un peu comme si tout le monde était trop joyeux, un peu comme si tout le monde voulait se mentir et se cacher la triste réalité. Mais je n’y prête pas attention ; je suis une paranoïaque de nature, et ne sais que je vais souvent un peu loin dans mes raisonnements ; après tout, c’est l’un des jours les plus festifs de l’année ; il est normal de voir tant de sourires si grands illuminer le visage des gens.

Sophie et moi terminons de nous maquiller en rigolant sur ce que nous allons faire ce soir : il y aura sans doute des cœurs à prendre comme nous à la fête, et nous espérons toutes deux « passer un bon moment » accompagnées par de charmantes personnes. Chacune parle à l’autre de son éternel idéal masculin, et je lui parle de Martin qui est plutôt minion et à qui elle plait sans doute. Nous aidons l’une à l’autre à se maquiller et à se coiffer.

Finalement, nous sommes prêtes. Elle porte de hauts talons compensés assortis à une robe bleue qui lui arrive juste au dessus des genoux, ses beaux cheveux bruns sont attachés en un gros macaron sur l’arrière de la tête ; ses yeux marrons sont surlignés d’un épais trait noir et d’une touche de poudre bleue. Moi, j’ai des bottines plates noires, une longue robe de soirée faite de dégradés noirs et blancs ; bouclés pour l’occasion et noués en deux nattes, mes cheveux roux me tombent sur les épaules et mon regard vert est simplement renforcé par un fin trait noir et j’ai un rouge à lèvre qui donne dans le rouge pétard.

Martin nous aperçoit dès que nous sortons de la salle de bain et regarde surtout, ébahi, Sophie qui se dandine fièrement sous ses yeux. Je rigole ; habillée ainsi, on dirait bien qu’elle lui fait une forte impression.

_ Nous pouvons y aller, dis-je.

Comme si je venais de donner un top départ, chacun s’empare de son sac à dos après avoir souhaité la bonne soirée à mes parents et nous voilà donc tous trois partis à travers la forêt qui sépare ma maison du village le plus proche. Ce village semble loin par la route, mais il n’est qu’à quelques kilomètres à vol d’oiseau. Comme je connais cette forêt depuis que je suis toute petite, je n’ai nul besoin de quoi que ce soit pour me diriger dans cet environnement et, étrangement, cette forêt semble la plus accueillante de la Terre. Elle nous rassure, nous protège de son vert manteau de fin du printemps. Nous savons tous trois qu’il ne peut absolument rien nous arriver ici.

Pendant la traversée, nous parlons tous trois de ce qui se trouve à ce village ; je ne me souviens plus de son nom, mais je sais que c’est un petit village et que, pourtant, il y a une immense fête, plus grande encore qu’à la grande ville la plus proche. Nous parvenons, au bout d’un moment, à un chemin qui termine notre voyage à l’autre village. Nous sortons doucement de la forêt qui disparaît alors derrière nous, ainsi que le soleil. Nous faisons encore les quelques trois cent mètres qui nous séparent des festivités et pressons le pas car en écoutant plus attentivement, nous entendons le bruit de la fête venir plus fort à nos oreilles ; puis nous y parvenons enfin.

A peine sommes-nous arrivés que nous pouvons voir des groupes de musiciens et danseurs droit devant nous. Mais, contrairement à ce que l’on aurait pu penser, il y a peu de spectateurs. En tout cas, bien moins que ce que nous nous imaginions au départ.

_ On y va ? Demande Sophie. 

Sans parler, nous la suivons dans la rue qui mène jusqu’à une grande place. Là, un groupe irlandais est venu spécialement pour l’occasion. Il ya même une troupe de danseurs, ils sont au moins une trentaine. Mais pour si peu de spectateurs, c’est presque du gâchis. Non loin se trouve un groupe de percussions africaines, avec deux chanteuses aux voix stridentes magnifiques et nous pouvons entendre le son mélodieux d’une guitare électrique derrière la douce voix braillarde d’un adolescent pré-pubère. Je regarde Sophie et Martin, et devine, sans même leur demander, qu’ils ont pensé exactement la même chose que moi à ce dernier sujet. Je les vois rigoler, mais je ne fais que sourire. Quel dommage, pour une fête de la musique avec si peu de monde… c’est anormal.

Tandis que chacun d’entre eux s’en va de son côté écouter sa musique préférée, pour ma part, je me penche surtout sur le peu de monde qu’il y a. je m’aperçois alors qu’il y a en réalité bien plus de gens que j’avais cru tout d’abord, et qu’ils sont réellement accrochés à ces musique. Notamment cette fameuse musique irlandaise si belle ! Mais en observant tout autour de moi, je vois que certaines maisons ne sont pas fermées, que derrière les volets semi-ouverts pour laisser passer la fraîcheur du soir, il y a de la lumière. Je m’approche d’une maison, et ma nature curieuse me pousse à regarder ce qu’il se passe à l’intérieur. Je vois un couple de gens assis dans un grand canapé rouge qui regardent la télévision. « Quelle bonne idée de regarder la télé alors que dehors, il fait encore bon et qu’il y a une bonne ambiance… » Me dis-je. La femme fait des mots croisés et l’homme semble lire un livre assez épais. La télévision semble donc mettre seulement une ambiance sonore. Que regardent-ils, ces gens ? Les informations. Je reconnais PPDA qui présente le journal de 20h et semble annoncer quelque chose d’important car les deux personnes se sont arrêtées de faire quoi que ce soit. Heureusement, la musique semble se calmer un peu derrière, ce qui fait que je peux entendre :

_ On vient à l’instant de me faire parvenir une annonce capitale. Le tueur aux bonbons a encore frappé, et il rôderait toujours dans la région. Cet homme est surnommé ainsi parce qu’il enlève les yeux de ses victimes pour les remplacer ensuite par des bonbons, notamment des fraises tagadas ou des marshmallows. La victime serait une jeune fille âgée de huit ans prénommée Ancy.

Sans avoir à entendre, je sais que la fille est morte non loin. Un ou deux villages plus loin peut-être. Je n’ai même pas l’envie d’écouter la suite. Si je ne retrouve pas immédiatement Sophie et Martin, l’un d’entre nous pourrait avoir des soucis. Mais à peine ai-je le temps de me retourner que je vois mes deux amis derrière moi ; ils semblent blasés de cette soirée qui était censée bien se passer, et qui ne leur convient apparemment pas. Donc ils ne savent pas pour le tueur fou.

_ Et si on rentrait ? Demande Martin. On s’ennuie, c’est nul.

_ Vous avez raison, on va se faire une soirée films.

Je n’ose pas leur parler de ce que je viens de voir et d’entendre. Ils n’ont pas besoin d’avoir peur, nous rentrerons tous les trois gentiment chez moi, dans le calme et en groupe. Je ne tolèrerai pas que l’un de nous s’éloigne. J’ignore si ce fou furieux qui vient encore de tuer une fillette est près de chez moi, mais soudain, je ne me sens plus si en sécurité que cela ici. J’ai vraiment envie de rentrer. Mais le pas pressant que j’ai ne convient pas à mes amis, qui se doutent de quelque chose. Je n’ose leur cacher la vérité plus longtemps et leur raconte :

_ Il y a un malade dans les environs. Je ne veux pas qu’on se sépare. On sera plus forts à trois.

Martin et Sophie comprennent et acquiescent. Alors nous voilà repartis dans l’autre sens pour rentrer chez moi.

Mais cette fois, je n’ai pas l’impression que la forêt est aussi sécurisante que tout à l’heure. Quelques dizaines de mètres avant d’y pénétrer, il y a une grande butte qui semble mélanger les détritus de ferme vieux de vingt ou trente ans et de la terre qui n’est plus très fertile, sauf pour les mauvaises herbes, qui s’installent n’importe où. Nous la dépassons, moi en tête. Je vais pour me retourner et demander si mes amis vont tout de même bien mais je n’ai pas le temps de réellement le faire avec l’air décontracté que je veux montrer que j’entends un hurlement strident derrière :

_ C’est ma sœur ! C’est ma sœur ! Oh ! Mon dieu, c’est ma sœur !

C’est Sophie. Je la vois sur la butte, debout, regardant quelque chose que d’ici, je ne vois pas. Elle se cache la bouche des mains, horrifiée qu’elle est de voir ce je ne sais quoi. Alors je cours d’un même élan avec Martin pour voir ce qui lui arrive, si ce qu’elle paraît voir est réel ou non…

Au creux de la butte, il y a un petit renfoncement ; c’est juste assez pour que personne ne voit ce qui se trouve à l’intérieur du pied de cette butte. Là se trouve une fille, qui baigne dans une mare de son propre sang, les bras en croix, les jambes repliées dans un angle étrange, le visage figé dans une expression de terreur et, comble de l’horreur, à la place de ses yeux se trouve deux marshmallows impeccables d’une couleur rose pâle. Lucie, la sœur de Sophie. Je parviens à peine à réaliser que c’est elle, ici, qui a été aussi victime du tueur aux bonbons, mais la voix de Sophie me reviens dans les oreilles.

_ Ma sœur, oh ! Non ! Je peux pas y croire !

Puis elle se met à pleurer à chaudes larmes. Martin va pour la prendre dans ses bras, mais ce n’est pas le moment de rester ici ; j’ai un très mauvais pressentiment. Je sens qu’on nous guette, qu’on nous épie. Le tueur n’est pas loin, ce crime a été commis il y a peu de temps ; il rôde par ici, je le sais, j’en suis certaine. Alors avant que Martin ne prenne Sophie dans ses bras, je les prends tous deux par la main et leur dis de courir. Nous devons arriver chez moi le plus vite possible.

Alors d’un élan commun, nous nous jetons à travers la forêt, main dans la main tous les trois, et sentons derrière nous quelque chose qui nous suit aussi vite que nous courrons. Je manque de trébucher à chaque enjambée, mais personne ne fait de faux pas, personne ne tombe, nous continuons sans nous retourner, car nous savons  parfaitement ce que nous allons voir derrière nous. Nous courons tous trois ; je ne sens quasiment plus mes jambes, et de peur de perdre la main d’un seul de mes deux amis, je serre leurs mains jusqu’à en avoir mal aux muscles des bras, des poignets et des doigts.

Nous l’entendons parfaitement, l’être nous poursuit toujours, il est sur nos talons comme l’ombre colle son possesseur. La lune pleine nous montre le chemin, mais nous dévoile aussi des mouvements et des formes que nous avons ignoré jusqu’ici, dans les taillis, devant nous, tout autour de nous en fait. Enfin, à travers les broussailles de la forêt, je vois ma maison. Il ne reste plus qu’une dizaine de mètres. Nous arrivons dans le jardin, la maison n’est plus loin. Je vois la fenêtre de ma chambre, au rez-de-chaussée, qui est accessible directement.

Nous arrivons enfin face au mur, et c’est à ce moment là seulement que je lâche la main de Martin et de Sophie. Nous observons autour de nous. Pas un bruit, pas un mouvement. Mais nous avons l’impression d’être surveillés, épiés. Nous soufflons tout de même, soulagés mais certains que nous risquons encore nos vies en restant ici ; j’ouvre doucement les volets entrebâillés qui donnent sur la fenêtre ouverte de ma chambre tandis que mes deux amis font le guet, j’observe. Il n’y a personne. Je leur fais signe et l’un après l’autre, nous entrons dans la petite pièce qui nous soulage d’un lourd fardeau, et fermant la marche, je clos les volets et la fenêtre avant de les rejoindre, réfugiés sous le lit. Les rayons de la lune brillante traversent les trous libres de mes volets qui donnent juste devant nous sur le sol.

Nous savons qu’il n’y a personne à l’intérieur, mais pour être certains de ne pas être découverts, nous décidons de ne pas dire u seul mot avant d’entendre le moindre bruit. Non loin de nous, sur notre gauche se trouve la porte de ma chambre. La lumière du couloir s’allume, laissant alors un rai de lumière filtrer sous la porte : notre entrée précipitée et sans doute bruyante semble avoir réveillé mes parents. Dans un sens, c’est même mieux que ce que nous pensions, cela veut dire que nous pourrons nous défendre. Des pas se font entendre dans le couloir, se dirigeant vers nous et formant des bandes noires dans l’espace lumineux. La porte s’ouvre, dévoilant l’ombre entière qui s’étire sur les affaires éparpillées de mon bureau. De la chaleur se dégage de cette ombre, je la connais : c’est celle de mon père.

_ Est-ce que tout va bien ?

La voix me prouve que c’est bien lui. Soulagée, je sors en même temps que mes amis la tête de dessous le lit, et souris à ce visage fatigué qui nous observe.

_ Tim ! S’écrie Martin. Il nous est arrivé quelque chose de terrible !

Comme des enfants effrayés par l’orage ne bougent pas de leur lit la nuit, nous n’osons sortir de notre cachette, et chacun de nous dévoile sa version des faits mais la peur et l’excitation, en plus du besoin de tout raconter, soit si encrées en nous que nos paroles s’emmêlent et forment au final un ramassis informe de bruits que l’on dirait issus de trois radios posées côte à côte.

Mon père voit l’état de choc dans lequel nous sommes tous trois plongés mais il n’imagine même pas à quel point Martin, Sophie et mois sommes heureux de voir quelqu’un qui peut enfin nous protéger contre ce tueur aux bonbons et qui peut au moins nous écouter. Il ne comprend pas grand chose à cause du brouhaha que nous créons, mais il voit que sa venue est une bénédiction pour nous. Il s’accroupie près de moi et me tapote l’épaule de la main avant de dire :

_ Calmez-vous, ici, il ne vous arrivera rien. Nous sommes en sécurité.

Rien qu’à ces mots, la chaleur bienfaitrice qui se dégage de lui m’enveloppe et me réconforte. Je sais que mes amis l’ont sentie aussi.

_ Vous allez me raconter ça, mais tout effort mérite réconfort. Vous devriez manger quelque chose.

Il nous tend un paquet dan lequel nous plongeons tous trois la main. Soudain, mes yeux s’ouvrent grand, mes doigts se figent sur l’aliment, je ressens une forte décharge glacée de douleur dans tout le corps, comme si je venais de saisir était chargé d’une forte électricité. C’est là que je comprends que nous avions été poursuivis dans la forêt par une chimère : dans le paquet, ce sont des Marshmallows.

Je me réveille en sueur. Je n’ai pas hurlé ni bondi sur mon lit, mais les yeux grand ouverts ont encore le souvenir atroce de cette vision d’horreur de mon père qui était lui-même le tueur aux bonbons… heureusement, ce n’était qu’un rêve. Je cligne encore quelques fois des yeux, puis je vois enfin mes repères. Ma chambre, la fenêtre ouverte sur le volet mi-clos qui donne sur la lumière vive du jour.

Une sonnerie. Mon téléphone portable. Réveillée d’un seul coup par ce cauchemar, je décroche de suite et le poste à mon oreille.

_ Oui ?

_ Aneesa ? C’est Martin.

_ Ah ! Salut. Tu va bien ?

_ Pour le mieux ! N’oublie pas qu’aujourd’hui, c’est un jour exceptionnel !

Je réfléchis un instant. Aurais-je oublié un anniversaire ?

_ Quel jour ?

_ La fête de la musique !

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