Hommage à L.
Sandra Von Keller
Je me souviens de ce maudit garçon boutonneux, un visage en lame de couteau comme le mien. Mince à l'extrême, les os presque translucides... Pâle comme neige. Une allure d'ado mal dans sa peau. Des chaînettes plein le pantalon, des t-shirts de groupes très commerciaux, des pantalons trop larges, mille teintures qui lui bouffait le cuir chevelu. Parce que trop d'ammoniaque. Ses lunettes de vue lui donnaient un côté intello. Son corps était mutilé jusqu'au torse. Pour la provocation, pour donner une allure de rebelle sans doute.
Un ado en crise. Beaucoup plus fourré dans le bureau du proviseur que dans la salle de classe. En crise avec sa mère. De la haine. Jusqu'au point de lui foutre le fer à repasser dans le visage. Sa mère avait profondément peur de lui. Si elle osait lui demander de ranger sa chambre, il se serait fait une joie de la prendre par les cheveux afin de lui coller la joue contre la gazinière. Je détestais ce garçon. Il m'inspirait de la pitié et son apparence d'adolescent trop cliché m'énervait au plus haut point. Jusqu'au jour où j'ai fait de lui mon ami. Mon meilleur ami.
Je n'avais pas peur de lui parce que je savais qu'il était amoureux. Amoureux de moi. Et que si par malheur une crise de colère lui prenait, j'étais hors d'atteinte. Il était un peu fou. Il était plutôt malade à vrai dire. Je me souviens de ce soir où j'ai surpris la mère de ce garnement au pied de la porte. L'arcade en sang, les yeux dégoulinant de mascara.
Je me suis donc accroupie gênée et impuissante surtout. Je lui ai pris la main en lui tendant un paquet de kleenex qui traînait au fond de ma poche. Pour ses larmes. Pour ses plaies. Je n'ai pas osé dire un seul mot. Tout me paraissait bien trop réducteur et déplacé. Jusqu'au moment où je me suis décidée à lui demander ce qu'il s'était passé.
Elle m'avait répondu mais tout était bien trop vague. Je ne comprenais pas. Et puis elle suffoquait beaucoup trop. Elle s'étouffait probablement de peur ou de mille autres sentiments possibles. Je n'entendais que des syllabes. Des petits bouts de mots qui semblait lui écorcher d'avantage le coeur. Cela me faisait du mal de la voir dans un tel état. Même si je ne la connaissais pas beaucoup, j'éprouvais énormément de compassion pour cette mère en détresse.
J'entends encore le son de ma voix, celle que j'utilise lorsque je suis mal à l'aise. Je lui demandais si je pouvais faire quelque-chose pour elle. De ne pas rester là. Si elle voulait que j'appelle un médecin. Ou appeler son fils. Ce genre de choses. Elle avait refusé en hochant la tête très vivement. La panique dans ses gestes lorsque j'ai prononcé le mots "fils" me paraissait bien suspect.
C'est alors qu'elle m'a raconté qu'il s'était énervé une fois de plus. Qu'elle l'avait appelé pour manger mais qu'il ne venait pas. Inquiète, elle s'était permise d'entrer dans la chambre de son fils sans frapper. "Et puis il a des troubles, il a pas pris ses cachets..." Ses paroles bien que décousues, je comprenais qu'il en était venu au mains, que c'était lui qui avait fait tout ça. Tout d'un coup, à peine que je m'en fasse la réflexion, le voilà qui était arrivé au seuil de la porte. Aucune expression sur son visage. Il s'est contenté de lui cracher à la figure qu'elle n'était qu'une mère indigne et qu'elle lui faisait honte...
Assister à une telle scène ? C'est comme se plonger dans un film dramatique. Sauf que vous ne vous sentez pas à votre place de spectateur. Je me souviens de ce violent coup-de-pied qu'il lui avait mit dans les côtes. Ma respiration s'est coupée pour elle... Et puis je n'arrivais pas à réaliser autant de cruauté envers sa propre mère...
En le prenant par le bras, je lui ai demandé d'arrêter. Je tremblais. Il me regardait dans les yeux. Il pleurait en me disant qu'il en avait marre. Tout ce que je trouvais à faire c'est de le serrer dans mes bras. La peur aux tripes. J'essayais de comprendre. Depuis ce jour, je n'ai jamais remis sur le tapis cette histoire de maladie. Je n'osais pas. J'avais bien trop peur qu'il batte à mort sa mère par ma faute.
Elle me faisait de la peine cette dame, je venais toujours lui parler en cachette. Elle aimait se confier. Au fil du temps, une complicité était née. Un jour, alors que je venais faire mes devoirs avec lui, elle a lancé à son fils "Je l'aime beaucoup ton amie" et pour la première fois je l'ai vu exprimer un grand sourire envers sa mère...
Ce garçon, je le voyais tous les jours. Pas seulement par nécessité, mais tout naturellement. Je rejoignais la table de ses amis au self pour l'attendre afin de manger ensemble. A la pause, je restais avec lui, affalé dans le couloir à parler de tout et de rien. Petit à petit je commençais à le connaître pour de bon.
J'oubliais le démon qu'il était envers sa mère. Je ne voyais en lui qu'une personne adorable, remplie de gentillesse, serviable, confiante... Le parfait meilleur ami. Non seulement on se voyait tous les jours au bahut, mais en plus de ça, il fallait qu'à la sortie des cours on fasse nos devoirs ensemble. Et après le repas du soir on se donnait un coup de fil et l'un ou l'autre venait à la maison.
Il m'a fait partager son talent pour le dessin et ses poèmes... Il était vraiment très doué. Il jouait de la guitare, composait tout par lui-même. Il était maniaque aussi. Combien de fois il râlait parce que je déplaçai quelque-chose par mégarde dans sa petite chambre.
Un après-midi j'étais assise sur son pouf en velours. Je le regardais jouer de la guitare. Par curiosité, je lui ai tout à coup demandé en l'interrompant dans son morceau... Si ses parents étaient divorcés... Car depuis tout ce temps, il ne m'était jamais arrivée de croiser son paternel.
"Mon père était un sale con. Ouais, il est mort. Il s'est noyé dans sa merde, dans l'alcool. Et bah... Il est mort dans sa connerie." Je me sentais bien confuse et intimidée d'avoir oser poser une question aussi indiscrète, alors je lui ai fait savoir mes désolations. Il s'est contenté de me répondre que j'étais sa meilleure amie et pas de pitié pour les sales cons. Bien sûr, je trouvais ça cruel de parler des morts comme ça, mais je lui ai offert un sourire béat. Notre regard partagé avec autant de complicité était vite parti en un vif éclat de rire. Il m'adorait quand j'faisais cette tête. Je l'aimais beaucoup aussi... Ce garçon.
Alors que diable, à quel point j'ai pu le détester, le juger, le critiquer... Désormais j'avais beaucoup d'affection à son égard. Peut-être plus que ça. Un meilleur ami. Un frère. Une partie de moi. Et tout un tas d'autres choses possessifs à souhait. Lorsque j'ai eu mon premier chagrin d'amour, c'est le seul qui a osé me prendre dans ses bras au lieu de me regarder comme un animal, il essuyait mes larmes, il arrivait même à me faire rire en me disant que je pouvais me permettre de me moucher où je voulais. Je sentais que ma douleur était comprise et je ne me sentais plus seule, l'espace d'un instant, parce-qu'il était là...
Mais j'avais du mal à m'épanouir dans cette relation, car j'avais toujours au fond de moi cette peur, cette foule de questions à son sujet... J'avais la crainte de ce jour où il oserait peut-être avouer ses sentiments. Peur que le fil se casse trop vite. Il m'avait déjà apporté beaucoup de confessions, sa maladie, son anorexie, sa dépression, sa haine de lui-même, ses pulsions. Il ne manquait plus que la déclaration... Il me disait souvent qu'il avait peur de me faire du mal, qu'il n'avait parfois plus très envie que je l'approche, que s'il lui arrivait d'avoir une crise incontrolable il risquait de tuer quelqu'un. Je réalisais alors à quel point il était un véritable danger pour la populace, mais surtout pour sa mère...
J'en avais la chair de poule. Savoir que j'étais la seule à être épargnée me flattait mais ne me rassurait pas pour autant. J'en avais des frissons dans le dos. Mais c'était mon meilleur ami. Et lorsqu'il me demandait d'avouer ma peur, je me permettais de le regarder en souriant et en disant que je l'adorais comme une grosse patate de crétin de mon coeur, mais que je n'avais pas peur... J'avais menti. Tout compte fait j'avais vraiment peur de lui. Pire que ça, j'étais effrayée.
Des coups, toujours des coups, la rage... les crocs. Ce garçon débordait de rage, de haine. Son corps était toujours prêt à bondir. La violence coulait dans ses veines. Les nerfs, toujours les nerfs. Plusieurs fois arrêté pour avoir cassé les vitres d'une église avec des pierres. Lorsque je lui ai demandé pourquoi il avait fait ça, il m'a répondu qu'il valait mieux rejeter sa haine sur des vitres d'église que sur la tronche de pauvres innocents.
Pendant les vacances d'été, il n'a rien trouvé d'autre à faire que de déménager. Je l'ai détesté. J'ai pleuré une dernière fois sur son épaule. Je suis restée quatre semaines sans nouvelles de sa part. Je m'inquiétais énormément pour lui et pour elle... Un week-end, j'ai pris le train pour le voir. Il m'avait laissé un seul sms pendant cette longue absence en me disant que je lui manquais et qu'il aimerait bien me revoir. Qu'il était désolé. Arrivée à la gare. Il était là. Il avait beaucoup changé en quatre semaines.
Ses joues étaient creuses. Ses pupilles dilatées et des cernes gigantesques tel un insomniaque ou un drogué... Un long manteau noir à col imposant. Les mains dans les poches. Il me paraissait vide, froid et mort. Ce n'était plus le meilleur ami que je connaissais. Mais son sourire m'a rassuré et dès qu'il s'est retrouvé face à moi, il paraissait si heureux. Quelques mots échangés et une étreinte à m'en faire craquer la colonne vertébrale.
Direction le métro pour arriver dans son nouvel habitat...
Lorsque je suis arrivée chez lui. Tout paraissait si spacieux par rapport à sa précédente maison. Sa mère m'avait acceuilie avec plaisir, mais elle me paraissait très passive. Elle était contente de me voir mais son sourire semblait effacé. Et plusieurs bleus à sa nuque... Décidément l'Enfer n'était toujours pas terminé pour elle. Je me souviens qu'elle m'avait proposé du thé. Mais sans aucune envie je lui avais répondu avec politesse que je n'avais besoin de rien.
Mon meilleur ami m'a alors fait signe de monter dans sa chambre. Je pensais qu'il avait besoin de parler avec sa mère seul à seul, mais c'était plutôt des coups qui l'attendait. Je suis montée peu rassurée. Parce que je sentais une drôle d'atmosphère comme si j'avais un pressentiment qu'il allait se passer quelque-chose. Je suis entrée dans sa chambre. L'ambiance était plus chaleureuse ici, je me sentai donc tout de suite à l'aise. J'ôtai ma veste pour l'accrocher au porte manteau. Unforgiven de Metallica passait en boucle. Toujours aussi maniaque, le lit sans un pli, les objets chacun à leur place.
Il n'avait pas changé sur ce point. Puis, tout d'un coup, j'ai entendu un bruit sourd. Je suis descendue doucement et discrètement dans les escaliers pour savoir ce qu'il se passait. Il était en train de balancer toutes les chaises par terre. Sa mère était dans un coin contre le meuble du salon et comme toujours en pleurs. Il criait, hurlait contre elle. Lui reprochant la mort de son père. Je tremblais, me sentant incapable d'intervenir. Il lui lançait des lots d'insultes tel que "salope, espéce de grosse pute, tu devrais crever pauvre conne, arrête de chialer où je t'étrangle"
Ces injures résonnaient dans ma tête. J'étais terriblement choquée. Il comptait balancer la tasse de thé chaud en plein visage de sa propre mère, mais elle se fracassa contre le mur. Il était encore plus énervé. Il avait raté sa cible. Il secouait sa mère violemment. Cette fois, s'en était trop je me suis décidée à intervenir en lui disant d'arrêter, ma voix était tremblotante tout comme cette femme adossée contre le mur. "Dégage ! Retourne dans la chambre putain de merde !" Cette parole jaillit encore dans mon esprit, aujourd'hui. C'était la premiére fois qu'il se montrait aussi agressif envers moi.
Je n'en avais pas l'habitude. La peur se manifestait, cette fois, je n'arrivais plus à la dissimuler. Mais j'étais consternée, il me restait un peu de forces pour l'affront. De toute façon, je n'avais pas le choix, personne ne peut se permettre de ne rien faire dans ces situations là. Et c'était donc parti pour le débitage de " Tu es fou - ça ne te regarde pas ! - Si ça me regarde ! - Tu peux pas comprendre ! - Si j'peux comprendre. - Arrête de lui faire du mal. - M'enfous, c'est une merde - Calme toi. Tu n'as pas le droit de faire ça. - Bien sûr que si - Fais-le pour moi. Je ne peux pas te laisser faire ça. Tu me déçois" et Bam.
Je me suis écroulée sur le sol en enserrant ses genoux de mes bras et j'ai pleuré contre lui comme une pauvre fille desespérée. Mais j'étais terrifiée... Il insultait encore sa mère. J'avais terriblement peur qu'il se mette à la frapper de plus bel, alors je me suis mise devant elle. Comme un bouclier. Il m'a affirmé que j'étais ridicule de protéger une telle personne qui ne méritait pas d'être en vie. Tout ce que j'ai trouvé à faire pour le calmer encore une fois c'est de le serrer fort dans mes bras. Comme un petit enfant. C'était la seule chose qui parvenait à l'apaiser.
Il mordait le tissu de ma chemise de douleur, de rage et de je ne sais quoi d'autre encore. Peu après, je lui ai alors demandé d'aller dans sa chambre se calmer un petit peu en lui affirmant que j'allais le rejoindre dans peu de temps. Il partit donc à l'étage. J'en profitai pour aider sa mère à se relever. C'est alors qu'elle me serra fort dans ses bras en vidant toutes les larmes de son corps. Je pleurais avec elle, j'étais si...accablée.
Elle me disait sans cesse merci, que j'étais une gentille personne, qu'elle était terriblement gênée d'imposer cela. J'ai tout fait pour la rassurer, je lui ai demandé de s'allonger sur le divan. J'ai parlé longuement avec elle comme on le faisait il y a quatre semaines. Je l'ai bordé d'une couverture qu'elle s'est aussitôt agrippée et blottie contre celle-ci. Elle noyait ses larmes à l'intérieur. Je l'ai donc laissée dans son intimité, j'ai relevé toutes les chaises, nettoyé le thé encore brûlant sur le sol, ramassé les débris de la tasse. Et j'ai entendu un "merci" éttoufé. Je lui ai alors dit qu'il n'y avait pas de quoi et qu'il fallait qu'elle se repose.
Après tout ceci, en sentant que j'avais accompli ce qu'il fallait...
Je rejoignai mon meilleur ami. En espérant que sa crise était passée. Je suis entrée dans sa chambre sur la pointe des pieds. Il était allongé sur son lit, face au mur. Je me suis assise derrière son dos et j'ai eu à peine le temps de caresser ses cheveux qu'il serrait déjà très fort ma main. Je lui ai alors demandé si ça allait mieux. Il s'est retourné en me faisant signe que oui. Il m'adressait enfin quelques mots en me disant que c'était lui qui ne méritait pas d'être en vie en fin de compte, qu'il faisait du mal autour de lui et qu'il fallait que ça cesse. Je l'ai serré encore une fois dans mes bras et je lui ai dit qu'il fallait qu'il suive son traitement, ainsi ça s'arrangerait.
Il me confiait également qu'il me devait tellement car non seulement je protégeais sa mère, mais je le protégeait lui aussi. Je lui ai alors déballé un roman comme quoi les meilleures amies c'est fait pour cela. Et patati et patata. Après lui avoir remonté le moral, je m'en souviendrai toujours, il s'est levé doucement en poussant un long soupir comme pour soulager ses nerfs. Puis il a mis un dvd. "Sleepy Hollow". On regardaient donc tranquillement ce film. Jusqu'au moment où il s'est levé pour fermer les volets. Il avait suggèré que le soleil éblouissait l'écran. C'est vrai qu'on ne voyait pas grand-chose... Rien d'alarmant ou de suspicieux. Mais là... Il verrouillait la porte.
Je me souviens encore de mon coeur qui battait à tout rompre.
Allait t-il me faire du mal ? Me frapper ? Un délire ? Mille questions me traversaient la tête. Histoire de me rassurer moi-même, je faisais comme si je n'avais rien remarqué en essayant de parvenir à être toujours autant plongée dans le film. Le coeur n'y était pas. Non, le coeur, il allait exploser de peur. Et voilà qu'il découvrait les draps en sortant de sa poche un petit carré vert qui m'avait tout l'air d'être une capote. Je lui ai alors demandé ce qu'il fabriquait. Ce garçon en face de moi, je ne semblais plus le connaitre.
Il me fixait avec un regard sadique, pire, pervers. Il mettait son doigt devant sa bouche comme pour dire "chut"... Mon coeur battait fort. Très fort. J'étais figée, choquée, que se passait t-il ? Je ne savais même pas comment réagir et je me sentais cruellement bête ! Mon meilleur ami dévoilait une autre part de lui-même que je ne connaissais même pas jusqu'à présent. Que trouver d'autre à dire à part lui demander d'arrêter ses mauvaises blagues et de revenir regarder le film sur un ton plaisantin comme pour détendre la tension oppressante. L'atmosphére... L'ignoble atmosphère. Lourde. Si pesante.
Le coeur serré dans ma poitrine. Il s'approchait. Trop près. M'embrassait à pleine bouche. Je me laissais faire puis je me suis décidée à mettre les points sur les i. Me reculant jusqu'à l'accoudoir en lui disant d'arrêter, que je ne me sentais pas très bien.
Mon coeur de battre la chamade allait finir par s'arrêter... Le voilà qui me tenait les poignets. Je me sentais tellement mal, emprisonnée de force entre les mains de cette personne que j'estimais...
Je me débattais. Tentais d'exagérer pour lui faire peur. Mais tout ça ne faisait que l'inciter à poursuivre son petit jeu. J'ai tout de suite compris qu'il perdait contrôle comme il le disait bien souvent... Il m'avait presque prévenu. J'étais sa proie cette fois. Cette proie qui a tout fait pour le comprendre, l'aider et le protéger, là voilà qui était prise au piége... J'avais peur, terriblement peur, de plus en plus je sentais la panique bouillir dans mes veines. Je n'osais pas crier. J'essayais de garder mon calme, d'arranger la situation avant que cela ne dégénère. Je l'ai regardé dans les yeux, lui suppliant du regard de cesser cela. Mais ce n'étaient plus ses yeux...
Cette lueur m'était inconnue. Le voilà qui aventurait ses lèvres sur mon cou. Puis ses mains à des parties qui ne lui appartenaient pas. Il faisait mal. Griffait. Ses ongles dans ma peau. Me glissait à l'oreille qu'il me voulait toute entière, que ma peau lui appartenait. Tout ça me débectait, il fallait qu'il arrête ça tout de suite. Mais il faisait la sourde oreille... Ces paroles il ne les entendait pas. Il m'avait demandé d'ôter mes vêtements. Cette fois, j'ai pleuré de peur et de mille autres sentiments...
La tristesse en faisait partie. J'avais l'impression d'échouer. J'arrivais à peine à crier. J'allais m'éttouffer. Je me suis demandée comment j'allais bien pouvoir faire pour me sortir de là avant que le monstre obtienne ce qu'il désire Il n'éprouvait aucune pitié. J'essayai de repousser ses mains, mais il était brutal, dans ses gestes et dans ses yeux. Il mordait la chair de mon cou, la douleur était vive. Tout d'un coup je fûs prise de vertiges, comme la sensation que j'allais m'évanouir, l'angoisse montait. Un court instant j'aurai bien voulu que ce soit bel et bien le cas et ne pas assister à cette scène horrifiante qui hante encore ma mémoire. J'aurai aimé oublier son souffle chaud et rauque contre mon visage crispé de terreur et de chagrin.
Ces mains jonchées de brutalité et de force, celles qui m'emprisonnaient, celles qui déchiraient mes vêtements atteignant mon extrême pudeur. Je me suis alors "réveillée" et je l'ai poussé violemment hors du divan. Je me suis rapidement relevée tentant d'accéder à la porte. Idiote que j'étais, j'avais complètement oublié qu'elle était verrouillée. La clé était dans la poche de son pantalon... Je paniquai, criai, frappai de toutes mes forces contre la porte en espérant que sa mère allait finir par l'ouvrir.
Et hop... Je me suis senti projetée en arrière, ses mains s'agrippaient à ma taille. Il était en colère. Mes mains étaient devant mes yeux comme pour attendre les coups. Mais il n'en fît rien.
J'ai hurlé à en perdre la voix. Il a mit sa main devant ma bouche en me disant qu'au contraire il n'allait pas me faire de mal mais qu'il allait plutôt prendre soin de moi. Rebelote, il enfoncait à nouveau ses ongles dans ma chair. Déboutonnait son pantalon. Je criais. Plaquée contre la porte, j'étais impuissante, les poignets emprisonnés dans les mains de mon meilleur ami devenu monstre. Il me soufflait à l'oreille des obscénités. Il me dégoûtait.
Sans savoir comment, je suis tout de même parvenue à lui donner un violent coup de genou dans le ventre. Puis à me saisir de cette clé salvatrice. Les mains éprises d'une mollesse horrifiante, j'ai eu tant de mal à viser la serrure. Aussitôt fait, je détalais dans les escaliers, oubliant mon manteau à l'étage. J'ai fermé ma veste tentant de cacher du mieux que je le pouvais ce qu'il avait bien pu réduire en lambeaux. J'ai couru à en perdre haleine dans la rue, les yeux dégoulinant de mascara comme sa mère qui devait sans doute avoir des remords à l'idée de m'avoir laissé hurler de la sorte...
Enfin dans le métro. Je cachais mon cou jonché de bleus violacés par ses morsures. Tout le monde me regardait avec beaucoup de curiosité malsaine. Du regard, je les envoyais se faire foutre.
Cette histoire m'a fait froid dans le dos ... C'est horrible. J'en ai même versé quelques larmes. Ce témoignage est poignant.
· Il y a environ 11 ans ·deborah_marisa
Oui, c'est effectivement un témoignage qui date de 2007/2008. Une histoire personnelle datant de 2004/2005. Un an plus tard environ, au mois de Septembre, L s'est suicidé. Je ne suis jamais parvenue à avoir des nouvelles de cette femme. Mes pensées vont souvent vers elle.
· Il y a plus de 11 ans ·Sandra Von Keller
Des mots d'une tristesse infini. Est ce que je peux demander si c'est tiré d'une histoire personnelle ? Je me suis sentie triste pour lui, pour la mère et pour la jeune fille. Je reste sur ma faim, que s'est-il donc passé ensuite ?
· Il y a plus de 11 ans ·enumaelish