hors la vie
Yves René Bonjour
Hors la vie…
Et reprendre la plume, caresser le papier d’un revers de la main.
Reprendre le train de mes idées, le wagon nommé désir qui m’emmène au loin, dans les méandres de ma mémoire, sur les mil lacs où glissent mes pensées.
Hors le temps, loin du bruit, avec seulement le grignotement des deux pendules de la maison…vide.
Hors la vie, je me regarde poser des mots, tente de leurs rendre cohérence et respect de ma pensée. Mais ils se bousculent dans ma tête, dévalent mon épaule, courent le long de mon bras et fusent comme des balles d’encre sur une cible de parchemin.
Alors je prends le temps d’un café, tiède, cigarette, légère, voilà, je suis prêt.
Me forcerais-je à châtier mon langage ou alors ces mots si vulgaires mais si vrais émergeront de sous le papier ?
Ma main se bloque. De quoi pourrais-je parler ? De moi ? Pourquoi pas toi ? Parce que je ne sais rien de toi… Nous ? C’est une histoire qui se termine…
Explique-moi pourquoi ma plume ne glisse plus aussi bien lorsque tu es loin de moi. Es-tu ma muse ?
La douleur est, paraît-il, créatrice et les chants désespérés souvent les plus beaux mais que de souffrances pour quelques phrases, quelques mots.
Et je me taris, me recroqueville dans mon petit terrier, passe des journées entières dans mon lit, avale des cafetières entières sans souci ni pour mon estomac ni pour mon cœur bien que celui-ci se serre de plus en plus brutalement lorsque je pense à toi. Je n’ai plus de but, ne sais ce que je vais faire dans les cinq prochaines minutes, déboussolé complet, je me mets à la cape en attendant une accalmie.