Hospices (5)

laura-lanthrax

paroles de Pépi

Au revoir brigadier, portez-vous bien, revenez, oui, quand l'envie d'un dernier verre resurgira, du tréfond de mon âme, je vous en conjure, pauvre petite âme, si abimée, si muette, si exaspérante, me cachez ces douleurs, à moi, votre aimante, votre jalousie, quel partage après tout, restez encore, approchez-vous de ma gloire, quelle extase, quelle charmante nuit à deviser sur l'oreiller, quel courage aussi, ces vilaines choses que l'on dit sur vous, et votre entourage, je me les raconte à l'envie, je ne peux pas y croire, ces sordides histoires chevaleresques, au prix fort, exténuée pas éternuée, comment faut-il vous le crier mangez ce melon, je plains cet entourage qui accueille sans vergogne vos misérables reflux d'oripeaux, et qu'on me les cache une bonne fois pour toute ces couleurs sépia, pour la bagatelle de plusieurs milliers d'euros dites-vous, grand bien m'en a pris et phanphan comme au premier jour dictera mes dernières volontés, je ne transigerai pas sur la couleur de la robe de cette Marissa, ou Meredith je ne sais plus, qui voudrait de ce corps enlaidi par les chatoyantes chaleurs de l'été, mon pantalon à défaut d'ourlet, si démoulant, si rocambolesque, et ces senteurs de jasmin qui parfument toute la maison, Meredith dites -vous, va pour Marissa, cette petite traverse la lumière comme personne, elle parcourt la pièce et voilà que s'illumine le parterre de roses, j'ai connu ça autrefois, ce magnétisme puissant si global, si perclus d'artifice, je fus jeune moi aussi, jusqu'à ce que phanphan, une bonne fois pour toute, me prive de mon ardeur farandole, j'ose l'avouer aujourd'hui, vous n'êtes pas mon premier brigadier, ni mon dernier verre, j'absorbe l'humidité du poison puis je la recrache en fines particules sur mon canapé, ainsi la vie reprend son cours, plus libre et plus ardente, venez plus près de moi, oui sur mon canapé empoisonné, cette Maridssa va nous resservir encore une fois de cet excellent whisky, sans vous il y a fort à parier, que la nuit serait sévèrement ravagée, et quel sentiment si au matin mon cœur chavire de ne plus vous voir, après tout il n'est pas trop tard pour crier la vie meredith c'est du chocolat, et moi qui grignote tant et plus, la silice et la houle abreuvent mon patrimoine encore vierge d'un éreintant sacrilège, j'avale une bouffée, je respire plus fort, mais voilà qu'au matin je m'allonge sur le canapé, à vos côtés brigadier, vous êtes fidèle et phanphan dans un dernier effort me porte jusqu'à la chambre, où je contemple cette Marissa devenue femme cette nuit, blafarde mais captivante, rayonne sa superbe, avale me dis-je, disparais satané récif, reviens petit chien, et renifle encore l'aube naissante, simule ce parfait mélange de bravoure et d'artifice, comme au premier jour, me voilà moi aussi, contrainte à regarder bien en face l'avenir maléfique qui m'attend, ce chemin plutôt qu'un autre, cette académie de la marche funèbre, et flanquée d'un merle moqueur j'achève le parcours par une confondante aspiration au bonheur… Je me tais maintenant, non je n'ai plus rien à vous dire, disparaissez et savourez encore ce plaisir d'être seul.

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