Huis-clos

peterpanpan

Son corps allongé dans la longueur du canapé imprimait ses formes dans le moelleux des coussins. Elle pliait une jambe sur l'autre, nonchalamment, avec un je ne sais quoi d'insolent. Elle savait revêtir ses moindres gestes d'une fine provocation, peut-être sans but et sans doute sans en avoir conscience, et cela m'irritait, me fascinait. Pour l'avoir vu chez de très jeunes filles, je sais que de telles attitudes sont parfois innées. Et il y avait chez elle trop de naturel, trop de facilité pour n'y voir que de l'affectation. C'était né avec elle. 

Je refermai mon livre. Elle me regarda et son insolence passa de ses jambes à sa bouche. 

- Toujours sur cette vieillerie ? 

- Oui. 

Elle me regardait avec un faux dédain, le genre affectueux, parce qu'il est plus ironique que méprisant. C'est le dédain que l'on réserve pour ceux avec qui on vit.

Je me levai. Quelque chose devenait irrespirable. Près de la fenêtre, je la regardai de nouveau. Elle avait fermé les yeux dans un léger sourire. Je la désirai.

Il y avait toutes les raisons pour que je la désire. Sa beauté, son insolence. Ma solitude. Elle avait de l'âme et une odeur.

Qu'avait-elle trouvé en moi ? Peut-être que le ranci que je promenais chez moi et qui devait me suivre lui était nécessaire. Mon pot pourri de sentiments, de pensées, d'allures et de gestes, la seule oeuvre de ma vie qui contenait tout ce que j'avais lu, vu, entendu, parfois vécu, devait peut-être, finalement, trouver quelqu'un capable de respirer et de comprendre son odeur. 

Je sentais bien moi aussi, que nous étions semblable sur ce point, qu'elle aussi avait passé sa vie jusqu'ici à se confectionner un pot pourri. Quelque chose marchait bien mais nous ne savions pas démêler quoi.


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