Huis Clos

starlight

Ce texte m'est venu à l'esprit en pensant à cette fameuse pièce de J.P. SARTRE. Image : Le désespéré, autoportrait de Gustave Courbet.

18h39, dans une petite maison.

Deux ennemis ont été réunis chez leur ami commun, et sont actuellement enfermés dans une pièce, seuls, prêts à en découdre. En découdre l'un contre l'autre ou contre leur ami commun et tous ceux qui l'ont aidé, personne ne le sait réellement, mais le fait est qu'ils ont la rage. Une rage sourde et muette.

19h, et toujours aucun mot échangé. Ils ont compris qu'ils ne pourraient pas sortir avant de s'être parlés, et de s'être écoutés et réconciliés. Plan utopiste dont les chances de réussites ne dépassent pas la barre des 3 %. Ils ont beaucoup plus à y perdre qu'à y gagner.

L'un à trahis la confiance de l'autre, et l'autre s'est vengé du double. Pardonner pour mieux régner parmi l'ennemi. Ennemi qui, aujourd'hui, est à nouveau sur le même champ de bataille, face à lui. Les yeux dans les yeux, c'est à celui qui s'y noiera en premier. Silence. Il faut écouter chaque son, voir chaque détail, et déceler chaque goût ainsi que sentir chaque mouvement et chaque odeur.

19h06, toujours rien de changé, et pourtant rien de commun. Les aiguilles de l'horloge n'avancent pas rapidement mais le poison répandu par leurs extrémités est fatal. Un regard brisé, un pas sur le côté, un sourire en coin dissimulé, et un regard de biais. Le tout servit dans un espace temps réduit et de préférence, à consommer directement. Le temps n'attend pas. Les réactions en chaîne non plus. Mais que peut bien entraîner le néant comme réaction en chaîne ?

19h15. Le temps n'est pas pressé, il s'est installé confortablement pour les regarder, presque impatient de voir le dénouement alors que rien n'a commencé. Pourtant tout est déjà terminé. Ils se sont jugés en silence, et tout est passé dans le regard, dans les gestes, dans l'implicite et l'habitude.

19h16. Le temps est cruel, et très peu motivé à avancer rapidement. Aujourd'hui il a la flemme, et ça tombe à pique, car tout ce dont il à besoin est sous ses yeux, pourquoi donc aurait-il besoin d'avancer ?

19h16, toujours. Le temps n'est pas figé, mais l'espace semble l'être, lui. Mécontent, indigné ou bien mélancolique, qui sait. Peut-être même moqueur. On l'entendrait presque rire si le temps ne ralentissait pas. On l'imagine bien le faire en tout cas.

19h17. Rien.

19h17.

19h17. La conclusion après une impatience mesurée.

19h17. Après avoir été enfermés si longtemps dans une pièce, où ils ont été piégés pour faire la paix, ils ont parlés. Les événements ont parlés, plutôt. Ils parlent beaucoup. Ils ne disent pas toujours des choses très importantes, souvent des ragots, mais ils sont toujours là lorsque l'on a besoin d'eux. Même quand ce n'est pas le cas d'ailleurs.

19h17. Vous voulez savoir ce qu'il s'est passé ? 19h17… Cherchons… 19h17… Ah. Là. Vous voyez ? Non ? C'est pourtant évident. Juste devant vous. N'avez-vous pas sentit la brise ? Vu les yeux moqueurs ? Entendu un bruit de bouche ? Sentit un arrière goût amère ? Un parfum s'estomper ? Non ? Bien. C'est mieux comme ça. Ce qu'il s'est passé dans cette pièce doit rester secret, cela vaut mieux.

Mais je vais vous partager le secret. Juste une fois. Alors soyez attentifs. L'un et l'autre ont été enfermés dans cette pièce. L'autre s'est retrouvé désarçonné par le temps, et secoué par ses crimes. L'un en a profité pour lui porter le coup fatale. L'achever. L'un à réussit à entrer dans la tête de l'autre, et l'autre à dû se fier à lui. L'un à démonter l'autre, et traîne désormais mentalement sa tête contre un sol carrelé en damier. L'un et l'autre ont joués l'un contre l'autre. L'un et l'autre étaient en faite la même personne. L'un est un complexe, l'autre est une conscience. Les amis qui les ont réunis dans ce palet mental, dans cette pièce de la maison, sont les émotions. Amis des deux, et ennemies entre elles.


©Starlight

Signaler ce texte