Humanité solaire (Rouge glace)

Caïn Bates

      Au commencement, il n'y avait rien. Ni lumière ni vie, ni ciel ni sol. Puis, sans crier gare, au plus profond du vide surgit le soleil. 
      Il faut savoir que l'humain ne s'est pas immédiatement agenouillé face à lui, trop occupé de fuir ses prédateurs dans son corps simiesque. Mais, à l'instant où il est devenu Homme, il s'est mis à le vénérer. Marchant à sa lueur, caché dans les ténèbres, l'Homme enviait ses rayons.

        L'Homme a dompté le feu mais le soleil continuait de le brûler aussi loin qu'il semblait paraître. Protégé par ses vêtements encore rudimentaires, femmes et hommes s'aventuraient toujours plus loin dans les plaines sans ombres suivant les premiers rayons et les dernières lueurs tels des phares. Et l'Humanité a prospéré.


         Très vite, les Hommes finirent par conquérir les terres lointaines mais leur obsession pour le grand astre était toujours présente. L'humanité ne s'agenouillait plus, elle s'inclinait pour qu'il puisse briller infiniment. Parfois il disparaissait et la panique se faisait mortelle et, dès qu'il réapparaissait; animaux, femmes et homme (parfois même enfants) étaient sacrifiés à sa gloire. Il ne fallu pas longtemps pour que les plus avides se firent représentants pour amasser luxure, richesse et contrôle tout entier. Malgré des millénaires de tueries, l'Humanité a prospérée.

          Pourtant, le progrès remplaça peu à peu l'obsession des Hommes pour le Soleil et, au fil des siècles qui nous précédent, la fumée se mît à masquer la lumière du jour. Plus les nuages noirs couvraient le ciel, plus les humains s'en imprégnaient par bien des formes. La brise fraiche qui caressaient les peaux rougies les couvraient maintenant de plaques, la pureté de l'air se faisait bien plus rare même au profond des campagnes et les fruits du labeur de la terre n'étaient plus gorgées de lumière mais de pesticides. Le soleil était toujours là, plus chaud et plus proche que jamais mais l'Humanité ne s'en inquiétait plus tandis qu'elle prospérait.  

          Ce qui nous amène à notre ère, celle que nous vivons ou, plutôt celle que nous avons vécu. Une époque si proche et pourtant lointaine puisqu'il est impossible pour nous de l'expliquer aux plus jeunes. Cette époque où nous avons domestiqué le soleil. Certes, nos ancêtres ont appris à le repérer, à l'apprivoisé, à l'utiliser même mais nous l'avons réellement domestiqué. Le mot juste, d'ailleurs, serait plutôt "répliqué". De minuscules soleils qui pouvaient déployés sa force à des endroits déterminés par les élites, des rappels de sa force dévastatrice. Nous avons réappris à craindre le Soleil et c'est à cet instant que l'Humanité a décliné autant en nombre qu'en société.

         Ce n'est pas pour rien que le mot Soleil est attribué aux nouveaux dangers de notre monde: Soleil vert, Soleil noir. Personne ne sait ce que tout cela signifie mais, ça suffit à tenir les gens éloignés de nous.  

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