IDEES NOIRES

Pascal Coquet

Bien. Voyons maintenant les choses en face.
Suis-je donc devenu un phénomène de foire ? Affaibli à l’extrême, difforme et sans consistance, annihilé, diminué à peu de chose, mon destin à plus ou moins court terme serait-il de finir exposé dans un jéroboam de formol éthéré posé sur l’étagère vermoulue au fin-fond de la roulotte sordide et glauque d’un saltimbanque avide, cynique mais néanmoins fier de sa nouvelle attraction ?

A l’heure où je n’étais plus que l’ombre d’un matelot usé, dégoûté par les relents de la cale encrassée d’un vieux caboteur de contrebande, frêle esquif en dérive, en galère, tel un vaisseau fantôme égaré dans l’immensité glaciale de la mer de la Tranquillité, je sombrais dans un puits sombre et abyssal, un immonde marais abandonné de Poséidon, une fosse à l’obscur tumulte.
Tel Ulysse cherchant refuge dans la fuite, j’entendais des mélopées, les appels lancinants émis par de chimériques sirènes.

Mais je ne m’accrochai qu’à une illusion perdue.

Il régnait dans mon esprit endormi bien que tourmenté une tornade, un maëlstrom. La violence de cette terrible tempête semblait être à 10000 lieues du calme siégeant dans l’œil du cyclone...

C’est alors que je connus la peur.
Celle, bestiale, qui vous ronge et vous dévore,
Celle qui vous étripe et vous bouffe les entrailles.
Elle est comme un cri et jamais ne s’échappe,
Comme un implacable effroi,
Cette douleur qui ne se contente pas d’être en vous,
Mais qui plane tout autour et ricane… ricane…
Cette peur, je l’ai apprise.

J’avais atteint un abattement absolu, une plate lassitude.
L’ombre assombrit mon front, une horreur glacée provoqua un frisson dans tout mon être.
Le crâne en ébullition, je ne réagissais plus.
La violente tempête qui avait investi mon esprit ne serait certainement pas prête de se calmer :
Son puissant souffle déferla avec la fureur sauvage d’un immonde raz de marée.
Cette énorme vague en une folie ravageuse, balaya toutes les balises de ma raison vacillante.
Le soleil se voilât, il cessa de dispenser sa chaleur et l’univers dépérissait autour de moi.
Privée des rayons de l’astre du jour, la surface de la terre durcit, les mers, les fleuves,
les rivières, les ruisseaux… Tout gelait, se figeait. En un court instant elle se dénuda, devint stérile.
Spectacle désolé et affligeant, tout n’était que ténèbres.

Alors je sus que plus jamais je ne connaîtrais la quiétude...

Pascal Coquet

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