Il dessine des voitures pour la Mafia.

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Marc a un vélo. En titane rouge rubis. Quand il pédale, ses roues en polycarbonate renvoient des soleils jaune dans les champs de coquelicots. Quand il stoppe ses sprints, aux croisements de routes, ce n'est pas pour laisser passer un quelconque véhicule, mais pour reprendre un peu de son souffle.

Marc, gros fumeur, 'décrasse ses poumons' les week-ends à la campagne chez sa mère.

La semaine il travaille dans un studio de retouche image. Il rajoute des poitrines, enlève des poils, liposuce des culottes de cheval, de manière électronique sur des fichiers images à haute- résolution.

Son doigté est reconnu de part le monde entier. Des Majors américaines, asiatiques, sous-traitent son talent. Sa main glisse sur la tablette graphique comme des caresses. Elle en devient presque indécente à l'approche des corps pixelisés.

La conduction de sa pensée se transcrit sur l'écran de son ordinateur. Il magnifie la femme, à s' en tirer la langue.

Il préfère les 'filles' de peu d'ambition, celles de catalogues de vente à distance, aux Stars du showbiz de la presse people. Les premières dit-il « A trois euros par cliché, elles ont juste de quoi bouffer, pas le pognon pour se faire fourer du silicone ou se faire redresser le nez, moi j'suis juste là pour leur donner une seconde chance sans qu'elles déboursent un rond et que peut-être qui sait, finiront au mieux sur un calendrier Pirelli ! C'est la Redoute ou les 3 suisses qui payent la note! »

Son métier, le goût du travail bien fait, lui a donné un petit cancer. Faut dire avec tout ce qu'il fume! Un paquet de cigarettes par mammoplastie électronique, à raison de trois interventions/jour, plus quelques petites retouches pour faire plaisir, au widget Botox sur des lèvres essoufflées de photos de familles... vers 20 heures, son stock de nicotine pourrait alimenter les cendriers propres des terrasses de salons de thé de Cannes.

L'idée de faire du vélo lui est venue quand son cancérologue lui annonça: - Marc... il vous reste 6 mois si vous changez pas vos habitudes !

Ce jour là, à la sortie du bureau médical, il se senti comme dans le tableau de Jérôme Bosch, "Le char de foin". Il voyait sa vanité terrestre regagner l'enfer.

Lui qui durant toutes ces années avait modifié la génétique, implanté les plus belles poitrines sans P.I.P, son addiction au tabac venait de lui injecter la mauvaise cellule qui trainait en lui, issue d' un héritage patrimonial qu' il ne pouvait refuser.

Sur le parking de l'hôpital en direction de sa voiture, son envie était de vomir ou de mourir. Il ne savait plus trop qu'elle décision prendre. Dans l' habitacle de son véhicule il éjectait d'un geste brusque la plaquette désodorisante anti-tabac qui fout la nausée à tout le monde. Il aurait voulu à ce moment précis, monter dans une Porsche cayman où tout semble neuf et sent bon à l'intérieur, d'origine. L'état de celui de son Toyata laissait transparaître le dedans de lui.

Aujourd'hui il ne fume plus et a éteint son écran de travail. Il est en bonne santé et ses plaisirs sont ailleurs. Dans la rémission de ses péchés de chair, dans une élection de Miss Tahiti sur Youtube ou dans un bol de soupe Royco.

Il dessine sur du papier des voitures de luxe, participe à des programmes humanitaires et à des criteriums de villages. Il a rajeuni de dix ans dit-on autour de lui.

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