IL PLEURE DANS MON SAC

ismahan

La vie pas toujours rose....

Ma vie, elle n'existe plus. Le jour d'automne où je suis née, elle était déjà barrée. «Fuck la life, sinon elle te fuckera ». Ces mots, je m'en souviens, ils étaient imprimés sur le sac que je voulais acheter. Oui, je crois que c'est vrai, il vaut mieux enculer la vie que de se faire enculer par elle. Je n'ai pas eu le temps d'essayer des postures. Je joue à faire semblant depuis que j'ai dix ans. J'erre sans être. J'aurais aimé faire comme tout le monde : étudier pour travailler, aimer, acheter. J'aurais voulu acheter des jouets, puis des fringues, des chaussures, des sacs. Mais je l'ai rencontré et il m'a dit :  «Prends ce sac». Ce sac, c'est ma tête que j'ai d'abord glissée dedans. Il a continué à me remplir mon sac d'éther. Et depuis, je me terre pour ne pas être enterrée.

Je vide mon sac. Tout craque. Toute ma vie a glissé dans ce sac plastique, transparente et vide. Mon sac, je glisse toute ma vie dedans. Dedans, il y a ma dose. Ma dose de vie invivable. Celle dont les adultes disent qu'ils n'en peuvent plus. Il m'a dit «Respire » et tu te sentiras revivre. Moi je veux juste vivre, je n'ai pas besoin de résurrection. Mais j'ai fait comme il a dit. Manque de bol, quand t'as plus de blé, t'as pas de sac. Et ta vie, faut pas rêver, tu la récupères jamais ! Il coûte cher, putain de sac ! Ce sac de crack qui me croque toute crue. Je n'ai plus le choix, si je veux un sac, je dois me défroquer. Alors, je le laisse me transpercer ; cet enfoiré de maquereau mène le bateau, il me tient par l'anse du sac. Je ne suis plus qu'une sardine sans arrête et sans tête. Mes secrets les plus secrets sont enfouis au fond du sac pour ne pas être déterrés.

Mais où est il passé ? J'ai mal à en crever. Je sens le sang qui veut se barrer, le souffle qui s'essouffle. Toute ma vie, je la glisse dedans. Et lui le sac, il me remplit d'illusions. J'ai beau glisser ma vie dedans, tout s'échappe. Je n'ai plus de rêves, je n'ai plus d'envies. Je veux juste sniffer et humer l'air du rien, l'air du manque. Le sac me vide, le sac me nique, le sac me baise. Mais c'est plus fort que moi, avec lui, je suis vivante.

Je suis atterrée, je croyais que le sac me raconterait l'histoire d'une vie cool, qu'il ferait vivre mes espoirs. Il est pas beau le sac, il n'a plus de trésors, il ne reste plus que mes torts qui me tordent le ventre. Je suis dans un cul de sac, sans sortie de secours. Et dire qu'on disait de moi « Elle a un cul d'enfer ». Plus personne ne se retourne vers moi. Je suis l'enfer. Mon sac me tue, je ne peux plus le porter, je n'ai plus de forces. J'ai envie de pleurer. Cherche dans ton sac un mouchoir. Je n'ai plus de larmes, mon cœur est aride. Cherche une clope dans ton sac, çà va te calmer. Hey, trou du cul, avec quoi tu veux que je l'achète la clope ? J'ai plus de ronds, je n'ai plus d'oseille. Je n'ai plus de bordel à mettre dans mon sac poubelle, je suis le bordel et la poubelle.

Aujourd'hui, il m'a dit : « T'es plus de première fraîcheur, ma poulette ! Estime-toi heureuse que je m'occupe encore de toi ! Allez, dis-moi, t'as envie de quoi ? Il y a un bail qu'on n'a pas fêté ton anniversaire. C'est peut-être aujourd'hui, non ?". Je le regarde. Ouais, c'est clair, il se fout de ma gueule ! Tous les jours, il me fait ma fête, me suce ma vie sans compter. Je dois le remercier de s'occuper de moi ? Et il veut me faire un cadeau ? Il s'est énervé car ma réponse a tardé. Je ne sais plus quel âge j'ai, mais je sais que je n'ai pas encore vingt ans. Je me suis alors levée. Je me suis dirigée vers lui. Je lui ai craché à la figure et, avec l'inconscience de la jeunesse, je lui ai répondu en éclatant de rire : «Nique ta mère !».

Je n'ai pas entendu la réponse. Toute ma vie, je l'ai glissée dans son sac. Du coup, je n'ai rien vu passer…

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