Il y a l'envol, puis la retombée.

Toujours une cigarette, toujours le même appartement. Mais c'est à un autre, d'appartement, qu'elle pense. Un peu crasseux, les pieds nus n'en sortent jamais indemnes. Elle parlerait presque d'une garçonnière. Le terme suranné et l'évocation des courtisanes aux parfums forcément capiteux l'en dissuadent.

Un appartement de jeune homme vieillissant. Une colocation de mecs : la table basse banale éventrée par trop de soirées, les consoles étalées dans le salon et le lavabo parsemé de vieux dentifrice. Et toujours la question : rester nue pour aller aux toilettes ?

De chez elle, on aperçoit (qu'un p à apercevoir) l'autre immeuble. Les quatre minutes et trente secondes qui la séparent de la fenêtre éteinte. Ce trou béant lui rappelle une odeur. L'arrivée. Sms « suis là », quelques secondes face à la porte de l'immeuble, ai-je bien remis du déodorant ?

Compter le nombre de secondes avant de se sentir bien. Parce que les bras qui entourent. Le faux sentiment de sécurité. L'addiction à un certain type de caresses, la main dans la nuque qui serre, qui rappelle qu'on est avec plus puissant. Le faux sentiment de sécurité. La main dans le cou qui serre, qui effleure. Qui choisit. Temps de suspension absolu. Le faux sentiment de sécurité. Le besoin de se sentir emplie. Le faux sentiment de sécurité. Le sperme qui s'écoule : rester nue pour aller aux toilettes ?

La bouteille d'eau à côté du lit n'est pas la compagne la plus attentive, mais saurait restituer les discussions jusqu'au chant des oiseaux. Les doigts qui trahissent son odeur le lendemain. La poêle pourrait raconter le repas préparé à deux. Le canapé sous le cul du coloc son « à demain ». La culotte oubliée sous le lit en débat avec le chargeur en double.

Et puis il y a les dissonances, la belote de comptoir, le babyfoot, l'ancienne, le faux sentiment de sécurité, le trou noir de la fenêtre.

J'attends la retombée.