Illustres provinces pour tant de vestiges

Jean Claude Blanc

faute d'architectes de génie comme autrefois, on n'admire que leurs chefs d'œuvre, la bonne école que voilà, mais impuissants de poursuivre leur talent

           Illustres provinces pour tant de vestiges

Pourquoi chercher très loin, ce bonheur d'être né

Dans un patelin paumé, du grand monde ignoré

Cependant si paisible, pour touriste fauché

Plaideur acculé à la ruralité

Ce qu'on peut être blasés, enfants gâtés français

Délaisser nos terroirs, reniant notre passé

Perdre ainsi la mémoire, on risque le regretter

 

Vacances à l'étranger, juste pour s'en glorifier

Voyage organisé, de suite sans intérêt

D'abord et avant tout, apprendre notre Histoire

Celle de ses forteresses, flambants châteaux de la Loire

 

Suffit pas compulser nos manuels scolaires…

Mais de mettre en pratiques, ces leçons de nos maitres

Car il y a le choix en ce pays des lumières

Des guerres et des conquêtes, audacieux nos ancêtres

 

Trop timides nos régions, pour affronter l'Etat

Nous plume de tas d'impôts, qu'on s'en aperçoit pas

Atteints par ce progrès, on crèche à l'étroit

En cités HLM, où règne l'interdit

Empilés soigneusement, à en crever d'ennui

 

Comme la pollution inquiète la République

Malheureusement idem, monuments historiques

Chefs d'œuvres en péril, à sauver à tout prix

Mais sans un sou vaillant, nos pauvres politiques

Réduits tourner la roue de la fortunée loterie

 

Pour cette mise en scène, fallait un type zélé

Convoqué Stéphane Bern, vedette de la télé

Lui qui encense les nobles, et toute leur couvée

Ça tombe à point nommé, la gueule d l'emploi

Ce Monsieur policé, ne cache pas sa joie

Genre marquis des courbettes, s'en va tirer les rois

 

Seulement big problème, pas d'accord sur le rôle

Qu'on veut lui affliger, faire de la pub pas drôle

VRP de service, juste pour faire guignol

Pourvu que le Président aussi fasse le mariol

Profitant du succès, de l'autre qui s'en désole

Mais à ces coups foireux, en a vraiment ras le bol

Le populo fourbu s'enivre de ses paraboles

 

France mère des arts, des libertés, des droits

Punie pour ses vertus, vouée à porter sa croix

Rebâtir pierre à pierre, manoirs de ses anciens

Honorés ces vestiges, datant gallo-romain

Versailles nous est conté, Le Nôtre en ses jardins

 

Alors mélancoliques, on campe sur nos ruines

Tellement profondément, enfoncées nos racines

Car « science sans conscience », l'humanité se débine

Retour en arrière, à vivre de rapine

 

On sait pas notre chance, des trésors à la pelle

Dans le moindre trou perdu se dresse une citadelle

Mais pour les gens du coin, curiosité naturelle

S'en moquent éperdument, peu fidèle leur cervelle

A ces sites merveilleux, de splendeur éternelle

« Ils ont noms Valençay, Saint Aignan et Angers

Chenonceau et Chambord, Azay, Le Lude, Amboise »

Poème du 16ème siècle de l'Anjevin Du Bellay

Ambassadeur à Rome, qui à jamais pavoise

 

En cette période de crise, où manque le pognon

On devrait se consacrer à ce péché mignon

Visiter à loisir, nos opulents châteaux

Au silence rompu, que par le flot des ruisseaux

 

Ne s'y intéressent guère que les sages érudits

Connaisseurs, passionnés de ces archaïques contrées

Qui recèlent pourtant nombres secrets cachés

Remontant au Moyen-Age, à découvrir sans bruit

Tapis dans les feuillages, oubliettes écroulées

 

Car le plus souvent pour fuir le présent

Qui nous tourmente le cœur et nous ronge les sangs

On part en balade, respirer le bon air

Pour se ragaillardir, faire fi de nos misères

Altier sur ma monture, je file comme l'éclair

Quand je sens monter ma haine, envers mes congénères

 

Le temps se mesure plus, sur ces vastes déserts

Parvenues nos régions, qu'espaces communautaires

Disparaissent les communes et leurs laborieux maires

En faire l'économie, alors qu'ils ne coûtent pas cher

Faut pas exagérer, y'a plus de volontaires

 

Régresse notre sens moral, reçu de nos ainés

Ainsi le mot « plaisir », signifie « profiter »

Dans le langage osé, des boutiquiers gavés

Alors ça gâche le charme, de ces bastides rêvées

A m'en imaginer, princesses, preux chevaliers

 

Le royaume de seigneurs, aujourd'hui concédé

Aux singes du CAC 40, qui vivent de leur rente

Résident à moindre frais, en demeures rutilantes

Dans des quartiers huppés, surveillés sans danger

 

Quel pot pour cette élite (le premier de cordée)

Va passer ses congés sur la Côte d'Azur

A Fort Brégançon, foldingue emprisonné

Sorte de Monte Christo, ayant le droit d'usure

 

Apporte quelques changements à sa piscine dorée

Mal configurée s'agit vite en changer

Y va une fois l'an, mais y'a pas de malaise

Tout ce chambardement sur notre propre pèze

 

Pourquoi pas musarder, en Bretagne, en Auvergne

Alsace et la Lorraine, Bourgogne, l'Aquitaine

Hélas ça sent le fumier, de ces paysans sans dents

A éviter la Corse, ses crimes et châtiments

 

Préfère être à ma place, sur ma tour délabrée

Que l'on surnomme « La Roue », pour moudre les grains de blé

Jadis, naguère, qu'importe, pourvu que ça me délasse

Vieux bougna pour toujours je marche sur les traces

Des braves roturiers, qui nullement se tracassent

Que tombe sur leur tête cet énarque de sa race

Manu jamais assez, taxe la populace

Même pas très gêné, habite dans un palace

Par contre autorisé, visiter l'Elysée

Condition à l'entrée, prié se déchausser

Gaulois pas bienvenu, relique au musée  

 

La Fayette où es-tu, qu'a donné un coup de main

Pour chasser les anglais chez les américains

Cependant triste Sire, à la révolution

Du côté des plus fort, alors parfaite union

Ta prise de la Bastille, juste pour faire semblant

Craignant la guillotine, n'étant pas un manant  

 

Mais nullement étonné, le futur citoyen

Déjà à cette époque, roulé dans la farine

Y'avait qu'une syllabe, suzerain, souverain

Copinage à gogo, entre requins intimes

 

Alors on vante les restes, de cette noblesse oblige

A n'y comprendre plus rien, haut de mes 65 piges

Ouverts à tout public, ces orgueilleux palais

Car pour les restaurer, faut prendre son billet

On se fend d'une obole, pour ces châtelains ruinés

Vengeance sur l'allégeance, pour faire l'égalité

Quant à fraterniser, c'est pas encore gagné

Echaudé craint l'eau froide, le prolo pas benêt

 

Des nouveaux aristos, n'en reste que le titre

Avec la particule, ça classe son gentilhomme

Tandis que le plébéien, n'a pas voix au chapitre

De ses servilités, se doit en faire la somme

 

On a coupé cabèche au serrurier Louis XVI

Mais on garde ses clés, pour filer à l'anglaise

En ses domaines somptueux, qui plantent le décor

Donjons d'ardoise, coursives, et qu'à cela nous plaise

Symboles subsistent encore, monarques sont pas morts JCB octobre 2018

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