Ils sont du soleil - Part III

Philippe Cuxac

Biographie et chroniques des albums du groupe YES (écrit en 2011)

Les 70's vieillissent, des nouvelles scènes émergent. D'un côté les gens oublient leurs soucient dans les boîtes de nuit et dansent au son du disco, musique fabriquée à la chaîne débitant tube sur tube pour les dancefloors et les radios. De l'autre, la jeunesse anglaise se rebelle contre l'etablishment avec le mouvement punk et tous ces vieux groupes, qualifiés de dinosaures, font l'objet d'un tir de barrage qui en mettra plus d'un au tapis durant de nombreuses années. Et puis, étrangement, le hard rock qu'on disait moribond, renaît de ses cendres avec la déferlante de la New Wave of British Heavy Metal. Quelle place reste-t-il pour un groupe comme Yes ? 

Going for the One (1977).

Enregistré à Montreux entre l'automne 1976 et le printemps 1977. Sorti chez Atlantic le 22 juillet.

Line-up : Jon Anderson (chant), Steve Howe (guitares), Rick Wakeman (claviers), Chris Squire (basse), Alan White (batterie). 

Première longue période de break pour le groupe, Squire et Anderson en profitant pour mettre en boîte leurs albums solos. Ce nouveau LP marque le retour de Rick Wakeman derrière les claviers. C'est dommage que le méritant Patrick Moraz n'ait pas été invité à aller plus loin dans cette aventure mais le bizness rock reprend ses droits et si l'ambiance est plutôt bonne du côté de Montreux pour l'enregistrement, ce nouveau LP va prendre les fans par surprise. Tout d'abord, Eddie Offord n'assure pas la production du disque, le groupe étant assisté des ingénieurs du son David Richards et John Timperley. Et puis la pochette, pas de Roger Dean à l'horizon pour nous proposer un univers onirique et haut en couleur, le célèbre studio Hipgnosis prenant sa place. Mais le plus important de tout, la musique ! Fini les longues pièces à enchevêtrements multiples, sur 5 créations, 4 sont en dessous des 8 minutes. L'album commence avec le titre qui donne son nom à l'album et tout de suite on entend le changement. Le son est plus compact, plus rock, Steve Howe fait même résonner la slide pour un solo digne du Allman Brothers Band ! Sur Turn of the Century, le climat est à la rêverie, magnifié par une orchestration sans démonstration technique vaine. Avec Parallels, retour au rock basique, annonciateur des Asia à venir et Wonderous Stories ramène aux riches heures du groupe sur ce genre de tempo à la And You And I. Pour finir, le chef-d'œuvre qui écrase tout le reste de l'album, Awaken, plus grand morceau du groupe selon Jon Anderson. Introduit par quelques notes de piano classique, le groupe retrouve la grâce d'antan et fait à nouveau preuve d'une grande inspiration tout au long des 15 minutes de cette pièce miraculeuse. Sorti en pleine tornade punk, l'album se paiera le luxe de grimper en tête des charts anglais et de placer un hit dans le Top Ten avec Wonderous Stories

Tormato (1978). 

Enregistré à Londres entre décembre 1977 et juin 1978, sorti chez Atlantic le 20 septembre 1978. 

Line-up : Jon Anderson (chant), Steve Howe (guitares), Rick Wakeman (claviers), Chris Squire (basse), Alan White (batterie). 

Les 70's finissantes laissent à plat les vieux pachydermes du rock. Ils n'ont plus rien à dire, boursouflés par leurs égos, leurs difficultés à se renouveler et leurs incessantes querelles intestines. Yes n'échappe pas à la règle et cet album sonne le glas de l'âge d'or de la formation. Comme le note Jon Anderson, ce dernier coup d'éclat du groupe pour la décennie est un album difficile à réaliser, chacun étant trop occupé à regarder ailleurs et commence à encaisser difficilement le rythme album-tournée-album etc. Malgré tout, ce nouvel opus propose 8 titres ne dépassant pas les 8 minutes. A nouveau, le groupe tente de faire preuve de plus de concision, de sobriété et d'homogénéité, tant dans la durée des morceaux que dans leur construction mélodique. Malgré la grave crise que traverse Yes, l'album se vendra plutôt bien, devenant même le premier album du combo prog' à être certifié platine et la tournée qui s'ensuivra sera un grand succès. 3 titres majeurs sur ce nouveau LP, Don't Kill the Whale, Future Times ou On the Silent Wings of Freedom font désormais partie des classiques, Jon s'attelant à l'écriture de textes où transpirent ses doutes face à l'avenir. Une page se tourne et une nouvelle ère s'annonce pour Yes. 

À l'automne 1979, une réunion est organisée à Paris avec le groupe et le producteur Roy Thomas Baker (que du lourd : Nazareth, Queen, The Cars, Journey). C'est le début de la scission du groupe. Jon Anderson et Rick Wakeman rentrent en conflit avec Squire, White et Howe pour divergences de points de vue sur l'évolution du groupe. Jon et Rick veulent redonner au groupe leurs atours d'antan et conserver son caractère mystique tandis que l'autre clan souhaite durcir le ton pour gagner de nouveaux fans. Les tentatives d'enregistrement se soldent par des échecs, en mai 1980, la tension est à son comble lorsque Jon Anderson annonce son départ du groupe, immédiatement suivi par Wakeman qui n'envisage pas de futur pour le groupe sans sa voix. Jon Anderson part enregistrer un album solo, tandis que Squire, Howe et White continuent à bosser en studio sur de nouvelles maquettes. Pas loin d'eux, le duo pop en vogue du moment, The Buggles, composé du multi instrumentiste et chanteur Trevor Horn et du clavier Geoff Downes, qui surfe sur la vague de leur hit Video Killed the Radio Stars. Grands fans de Yes, les deux musiciens assistent à leurs répétitions et le manager de Yes propose à ses protégés en rupture de faire un essai avec le duo et à la surprise générale, profitant de la torpeur estivale, Yes sort un nouvel album, Drama, fusion contre nature de Yes et des Buggles. Bienvenue dans les années '80 ! 

Drama (1980). 

Enregistré entre avril et juin 1980, sorti chez Atlantic le 22 août.

Line-up : Trevor Horn (chant), Steve Howe (guitares), Geoff Downes (claviers), Chris Squire (basse), Alan White (batterie). 

Yes + Buggles !!!! Vous avez beau tourner le problème dans tous les sens, le fan de base du groupe ne voit pas d'un bon œil cet accouplement contre nature et le fait savoir. Boycott de l'album, sifflets et sarcasmes sur la tournée qui se transforme en cauchemar. Et pourtant, malgré le tir de barrage de la presse et du public contre ce LP, le temps a fait son œuvre et nombreux sont ceux qui analysent autrement cet opus à part dans la carrière du groupe. Faisons le point des forces en présence. Pour rassurer les fans, Roger Dean est de retour côté artwork tandis que le légendaire Eddie Offord vient donner un coup de main derrière la console. Chez les p'tits nouveaux, il faut bien avouer que Trevor Horn est un piètre chanteur et s'il s'avère aisé de masquer ses carences en studio, l'épreuve de la scène sera un des grands traumatismes de sa carrière d'artiste. Downes, quant à lui, joue honnêtement mais lui aussi sait bien qu'il est à des années lumières des virtuoses que furent Kaye, Wakeman et Moraz. Les historiques du groupe sont plutôt heureux et réussissent enfin à donner une couleur plus rock au groupe qui n'a jamais sonné aussi heavy sur certains titres. Machine Messiah, qui ouvre l'album est une tuerie lourde avec un riff digne de Sabbath, Does it Really Happen est un manifeste heavy prog où la section rythmique très en avant montre un Squire requinqué ; ce morceau est définitivement un des plus grands titres du groupe toutes époques confondues, écoutez l'outro où le groupe est totalement déchaîné avec la Rickenbacker de Chris qui fracasse tout. Into the Lens, à l'origine composition bugglesienne (I am a Camera qui figure sur le second LP) est passé à la moulinette prog' ou surnage la guitare de Howe en apesanteur. Pour finir, Tempus Fugit, est cuisiné à la sauce 70's et montre que le groupe a encore une belle énergie à revendre. Les anecdotiques White Car et Run through the Light gâchent un peu l'ensemble mais, au final, cet album tant critiqué à l'origine a su trouver son public et est aujourd'hui mieux considéré. 

Yesshows (1980) 

Sorti le 19 décembre 1980. 

La tournée Drama aux USA est de l'avis de tous catastrophique. Vocalement, Horn est ultra limité et ils ne peuvent se permettre de jouer beaucoup d'anciens morceaux. De retour pour une tournée anglaise, le quintet se prend une volée de bois vert du public et des médias. Peut-être dans un souci de calmer les critiques, Squire supervise la sortie d'un album live, Yesshows, suite de Yessongs qui couvre les périodes Tales, Relayer, Going for the One et Tormato. Même si la magie n'opère plus, cet album a le mérite de faire oublier le « triste » épisode Buggles et de rappeler aux fans le grand groupe progressif que fut Yes. Le tracklisting fait donc la part belle aux titres jamais encore sortis live mais l'auditeur ne retrouve jamais le climat tout particulier dans lequel on pouvait s'immerger avec Yessongs.

 

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