Ils vont tous à l'Ouest.
austylonoir
C'est ici que j'écrirais mon dernier mot. Je sors de la voiture, le soleil brûle à l'horizon, je place ma main en visière et regarde le vent caresser les champs de blé, doux et frais, comme dans les pubs à la télé. C'est drôle, ce calme me donne l'impression d'un désastre retenu par les rennes, il suffirait d'un claquement de doigts, un mot peut-être…Je pose mon carnet contre la vieille ferraille, une voiture d'occasion achetée quatre cents dollars à un revendeur italien à Montréal. Je lui ai dit combien la bleue? Mille dollars. J'ai souris. Ma dai, fammi un buon prezzo che te la pago subito sta macchina! J'ai même fait le truc avec la main droite pour faire genre, il a dit quatre cents, j'ai posé les quatre billets sur le comptoir et j'ai roulé vers l'Ouest. Sur le chemin j'ai appelé John, je lui ai dit John, c'est quoi encore de le nom de ton village? Il m'a donné un nom de village que j'ai écris sur un papier. Quand j'ai dépassé la frontière québécoise pour entrer en Ontario, les nuages ont disparu et ça m'a fait plaisir. À un moment j'ai pris une sortie et j'ai roulé encore deux heures, ensuite je suis arrivé au village. Je suis entré dans une boutique et j'ai dit, John, où est-ce qu'il habite? Elle m'a regardé bizarre, genre c'est qui ce fou. J'ai répété la question en anglais avec mon accent posh des années soixante-dix…c'est pas ma faute, dix ans de BBC world service news à chaque matin en bouffant mes céréales à la cannelle, et ça la dame, je veux dire mon accent, ça l'a fait rire. Elle m'a fait un dessin sur un petit bout de papier alors pour la remercier j'ai acheté un snickers. Ensuite je suis arrivé à la ferme. Le blé, le coucher de soleil, le moulin, les chevaux qui s'ébrouent en claquant le sabot. Je répète à voix haute : en…claquant…le…sabot, point. Je referme mon carnet. John arrive avec sa barbe et sa salopette, l'allure d'un homme viril comme on n'en fait plus dans ma génération. Il m'a foncé dessus et cogné contre la voiture, lâche-moi espèce de fou, lâche-moi! J'ai rigolé, lui aussi. Alors? Il a demandé. J'ai raconté un peu ma vie ensuite il a fait nuit. Les étoiles sont apparues dans le ciel, et j'ai entendu Abraham Lincoln dans ma tête, I can see how it might be possible for a man to look down upon the earth and be an atheist, but I cannot conceive how he could look up into the heavens and say there is no God.
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· Il y a presque 10 ans ·Sophie Marchand