Imagerie
Bahija Smidi
Les jambes croisées sur la table basse du salon. Elle repose sa tête tranquillement sur un oreiller écrasé contre le mur. Sa main droite s'exécute sur cette télécommande, la gauche étant occupée à défaire mollement des mèches de cheveux. Une longue chevelure mal peignée, coloriée à plusieurs reprises au point de se perdre…cela ne diminue pas de son charme, surtout à ses yeux, lui. Il ne la regarde jamais le soir, mais il est toujours présent à quelques centimètres de sa jambe gauche. Il somnole, et quand il somnole, il a cette manie de sourire. Comme un nourrisson qui croit aux astres terrestres. Prodige…il croise les mains sur la poitrine, position solennelle pour qui dispose d'une soirée simpliste comme celle-ci. Elle s'attarde quelques instants sur une scène d'un film en blanc et noir, où le personnage empreinte un long chemin silencieux et sans espoir. Un sac au dos, des haillons sur la peau, une expression vide sur le visage…elle réalise au bout de quelques minutes que ce chemin ne croisera pas un autre d'un autre venu d'ailleurs. Elle change de chaîne.il ouvre parfois les yeux pour suivre ce qu'elle regarde, sans pour autant y attacher de l'importance. Prodige…il se met sur le côté droit, l'œil droit à moitié fermée maintenant. Il regarde bêtement d'un seul œil, elle ne lui offre que le spectacle de cette femme allongée sur le divan. Elle crispe sans le vouloir, quand elle s'ennuie tard le soir. Le petit grain de beauté qu'elle a sur la lèvre inférieure semble stable, incapable de suivre le mouvement de son visage, même modique. C'est bien ce grain de beauté qui a crée toute la scène, celui-ci et un deuxième, placé sur son cou à lui. Un grain de beauté sur la surface, un autre dissipé derrière. Prodigieuse trame, conjoncture hasardeuse, particulaire, simple et sans aucune envie de se compliquer. Sur un divan moelleux, décoloré par des instants raccommodés, des programmes venus d'ailleurs, une berceuse fredonnée ici.