Impulsions...( 34 )
Jean Marc Frelier
La Horde d'or...( dixième mouvement )
Le phrasé devra commencer
dans une amplitude soutenue
mais en aucun cas
sur un mode éthéré ou naïf
par une sorte d'évidence
qui s'installe sans heurter
comme une scène se découvre
peu à peu un rideau amovible
le propos recherché
n'étant pas de choquer
ni de surprendre
mais d'entrer simplement
au plus doux d'un climat
délesté du moindre effet défini
comme attendant quelque part
près d'une porte incapable de savoir avec précision
si elle vient de nous congédier fermement
ou au contraire si elle promet
de s'ouvrir devant notre présence imprévue
le phrasé devra commencer
dans l'instant flottant
où point l'énigme
sans s'attarder sur le cadre qui la contient
ni les émotions multiples
qu'elle pourrait provoquer
à l'instar de ce jour voulu exceptionnel
où nous voguions aveugles vers tel amour décisif
jour sans cesse réécrit par nos mille et un visages
et nos mille et une facettes
il est si important que rien ne se fige
pour nous rendre supportable
ce qui survient toujours
sachant évidemment parce qu'il faut
être honnête envers soi-même
que parfois aussi les volcans pleurent
alors cordes entrantes à l'arrière des hautbois
en lieu et place de choisir
une quelconque direction émotionnelle
l'intensité les empruntera toutes en même temps
comme si elles n'en faisaient qu'une et une seule
à la manière de l'oeil qui s'élève
en progression verticale d'une paroi
dont l'ouverture angulaire
offre à embrasser l'horizon tout entier :
“ Aux gorges noueuses d'Alcantara
nous irons jouer le feu de nos musiques
marchant unis le long du volcan froid
vers le frisson des orgues basaltiques
le sentier sculpté de ravinements
creusera pour nous le lit de nos liens
sous le tambour de nos essoufflements
pulsés dans l'air chaud du soir sicilien
un rien surpris par le mordant glacé
des eaux trop basses acrobates et revêches
nos mains saisies tels des ponts enlacés
s'étendront presque au pied des berges sèches
et dessous l'arche de l'aube à venir
nos lèvres en crue tremblantes et violettes
s'empresseront fort jusqu'à en rougir
d'enflammer l'oeil des murailles indiscrètes
aux gorges noueuses d'Alcantara
affranchies de leur torpeur galactique
par le tempo encordé de nos bras
voudront valser les étoiles impudiques.”
Alors fête-moi l'amour
au plus haut d'une idée
pour un temps
animale
sans noblesse excessive
ni misère efflanquée
que les corps aient des âmes
qu'ils soient vides et perdants
fête-moi l'amour
jusqu'aux ventres des nuits
que le soleil tombé
préfigure les suivants
sous les vagues assassines
sous les haines insatiables
que le ciel y réponde
qu'il se taise échaudé
que nos mains se supplient
qu'elles s'affrontent à tout va
encore plus aujourd'hui
fête-moi l'amour contre vents et marées
Arrête le temps
suspends l'écrire
tiens tout l'espace
dans une apnée
la main glissante
à même ce doux
des soies salées
de bas du dos
n'entends-tu pas
sa folle attente
bouche animée
pressant la tienne
hors tout parler
qui se devine
n'entends-tu pas
ses reins qui dansent
l'humide aux lèvres
la houle aux hanches
tout ce chavirement
de muscs pleins
qui dans l'instant
t'animalisent
respire elle t'aime !
respire elle t'aime !
par l'écriture
du monde
par le mot végétal
et le verbe des roches
par les crinières bavardes
et la suie des moussons
par ce qui n'a pas d'âge
et reste sans raisons
entre vous toutes les heures auront faim
vos langues aimantées
plus agiles que des pieuvres
répandront leurs ivresses
de saveurs en relais
sans qu'aucune parcelle d'épiderme
ni membrane accessible
trouve motif à se plaindre
vous vous connaîtrez d'ongles en ongles
de soupirs en pupilles
jusqu'aux cimes de l'intense
nuit et jour signifiants
Dans votre périmètre immédiat
ce qui semblait piétiner paraîtra se mouvoir
de facto la philosophie
jamais en manque de partage
proclamera à votre intention une trêve des échéances
bon D.(dieu) il ne manquerait plus que
ce limon sanguin des horreurs
vienne éclabousser ce qu'il existe
de plus pur entre deux êtres
forts de cette impunité vous aurez presque tous les droits
dans un présent qui n'en respecte aucun
et la lumière galvaudée
en prendra acte à sa façon
par ses cheminements mystérieux
dont le tracé remonte aux arbres
Hum...sentir ta peau pour oxygène
ne pouvoir vivre qu'à son contact
tenir tes yeux pour des chenaux
Dès leurs premiers clins
verser à l'estuaire de ton cou
“ lipper “ les sucs de tes nids d'aisselles
pleurer de l'intérieur
des sortes de saucées d'été
me synchroniser aux balanciers de tes nages
croître et m'abonnir
dans chacun de tes mots fluides
à longueur d'années
devenir ton meilleur instant...
Oui.....qu'elle m'accorde
sur le long cours un tant soit peu
de cette grâce dont elle abonde...
comme à soleil touchant
la portée d'un haut signe
une rondeur chaleureuse
qui sans voix sans volume
arrondit tous les angles
et permet d'espérer
havre lien nourriture
majesté sans paraître
tout à l'inverse des méfiances
presque Eden au moins halte
sur le chemin sans poussière
purifié des eaux vierges
délivrées de leurs glaces
si longtemps retenues
d'emblée coeur qui s'entête
être fort de nouveau
bien meilleur que jamais
au sillon de sa voile
perpétuelle à s'emplir
pour s'unir à ce monde
sans douter de personne
ni présumer du mal
qu'il pourrait engendrer...
Ô ma horde d'or
qui n'a d'arme
que le ciel exalté
étendu comme un dais...
.../...
jean-marc frelier 31/08/17(ev)
“ à ciel ouvert “
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Dédicace : M. Ivan Tourgueniev