IN A PERFECT WORLD...

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Quand mon amie M. et moi avons vu, en devanture d’un kiosque à journaux, un hors-série du magazine Psychologies, intitulé « Comment être un homme », nous nous sommes regardées d’un air entendu. Ni une, ni deux, on dégaine nos porte-monnaie à l’assaut du libraire pakistanais. « Désolée, on n’en a plus ! » De quoi ? Des couilles ? Mais non, des magazines ! A croire que nous ne sommes pas les seules femmes dans cette ville désireuses de mieux comprendre le sexe opposé. Oui, parce que, soyons honnêtes : ce ne sont pas les hommes qui achètent Psychologies Magazine (homosexuels mis à part). Dixit notre ami N. (hétéro notoire), qui se trouvait avec nous au moment des faits, c’est un « ramassis de conneries ». Mais faisant fi de cette voix discordante (et, comme émise par un homme, totalement inapte à faire changer d’avis deux femelles en chaleur), M. et moi repartions en quête du Saint-Graal.

   Quelques kiosques plus loin (et quelques pépettes en moins, parce qu’à 5,90euros le magazine, il faut être vraiment sur les dents ou s’appeler Crésus !), on accède aux réponses tant attendues. Au-delà des propos recueillis de la bouche d’éminents psychologues et des vérités générales pertinentes, ce sont les témoignages d’inconnus qui retiennent mon attention. Celui d’un certain Marc, 42 ans, un « vrai » mâle, sans doute débauché dans la rue ou au sein même de la rédaction pour les besoins de l’article, est édifiant. Ses propos sont les suivants : « […] nous (les hommes, ndlr) nous retrouvons devant une constante évolution de notre amour, avec le sentiment que les femmes ne sont jamais satisfaites. »*.

   Pour un homme, le côté « pratique » prime sur la parlotte. On trouve une solution au problème posé, et on s’y tient, y’a pas à tortiller. Souvenez-vous de cette fameuse pub pour un déodorant efficace 48h (hum, hum !), ou un rasoir six lames breveté : « Quand c’est non, c’est pas peut-être. C’est non. ». (Avec toutes les références, peu élogieuses en plus, que je fais, ce sera un miracle si la ligue des Droits d’Auteurs Syndiqués ne me tombe pas dessus !)

   Mais qu’en est-il pour les femmes ? Notre poursuite incessante de la perfection serait-elle le véritable talon d’Achille du couple, au point de faire perdre la foi à ces messieurs ? Sommes-nous de nocives et éternelles insatisfaites ?

   Quand on parle d’insatisfaction à un homme, la première chose qui lui vient à l’esprit, c’est une réplique de sa copine, de sa femme, de sa maîtresse, ce matin au petit déj’ ou à leur dernier rencard au resto italien. « C’est pas la mauvaise sortie que tu viens de prendre là ? », « Et la poubelle, c’est Ribéry qui va venir nous la descendre à la fin du match ? », « Je t’avais dit allégé, le Bridelight ! », « Ta braguette est ouverte. » (je laisse à mes très chers lecteurs le soin de compléter cette liste non-exhaustive). Plus qu’un tic ou une manie, il semble que la course à la perfection soit plus un gène (ou une psycho-pathologie monomaniaque, développée dès la naissance, selon que l’on est plus ou moins branché hérédité) commun à tous les êtres humains de sexe féminin. Et ma copine M. n’échappait pas à la règle.

   Célibataires depuis quelques temps, M. avait fait la connaissance d’un jeune prof stagiaire/baby-sitter  devant l’école des enfants qu’elle gardait. Ce dernier l’avait progressivement présenté à tous les membres de son groupe de potes. Premier sur le coup (de bite, bien sur, parce que l’homme c’est aussi la bite, dixit Psychologies Magazine), il n’avait pas trouvé grâce aux yeux de la belle, malgré ses avances répétées. Bon joueur, il donna le numéro de M. à l’un de ses ami proche, hypnotisé par le sourire et le regard vert jade (et peut être aussi un peu par la jolie poitrine) de mon amie (et, oui, je fais sa pub, de toute façon, au point où j’en suis, j’en ai déjà pour 20 000 de dommages et intérêts !). L’ensorcelé en question est plein de charme, avec un côté rassurant malgré son « petit » gabarit (comparativement à mon propre gabarit de fille d’1m72 et de 65kg). Mais par-dessus tout, il veut, tout comme M., s’engager émotionnellement. Et là, dans la tête d’une femme,  vous vous dites que ça fait à peu près ça: Ding ! Ding ! Ding ! Jackpot ! Eh ben non. Le hic : physiquement, pas de déclic. Et comment s’engager avec un homme qu’on n’a pas envie d’embrasser, de caresser, de sucer ? Mis à part votre chat Pitou, 12 ans d’âge, gras comme un loukoum et poilu comme un caniche, vous ne voyez pas. Et encore, vous ne lui faites pas de gâteries, vous lui en donnez plutôt, sous forme de Whiskas Premium Senior, goût « poisson de mer », pour pas un pet de remerciements. Alors vous voyez, on s’est sacrifié !

   Pour la sœur de M., laisser filer une telle perle au lieu de l’enfiler était impardonnable. Un seul défaut dans ce beau packaging, et on abandonne ? Oui, parce qu’on veut le grand amour, l’amour fusionnel, l’amour parfait ! Ou parce que le guitariste - à la voix « si spéciale » - d’à côté, qui a la réputation d’être un coureur de jupons, vous fait plus craquer.

   Et si ce souci de la perfection n’était plus alors un trouble de junky psycho-maniaque, mais plutôt un manque de coup de foudre ? Non, la femelle chimpanzé cherche les poux sur la tête de son compagnon mâle par amour, dit-on. Mais ne dit-on pas aussi qu’elle se reproduit avec plusieurs mâles de la tribu ?

   Messieurs, un conseil : si votre ego viril en a effectivement pris un coup depuis Mai 68, ne lisez pas ces lignes. Ou, vu que c’est déjà fait, oubliez-les. Vous risquez d’y laisser encore des plumes. Ou des poux.

     Et descendez cette foutue poubelle. Ribéry marquera pas.

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