Incommunicanto

Alex De Querzen

PUBLIÉ SUR http://www.alexanderdequerzen.com/texte/incommunicanto/

Bon, ça, c’est fait… J’ai encore l’option là. Ou celle-là (plus banale…) Mais bon…
Pardon ? Vous ne voyez pas ce que je suis en train de dire ? Pas grave. Moi si.
Je me comprends. Et c’est le plus important.
Moi-même personnellement, je suis non seulement d’accord avec moi, mais en plus, je me pose les bonnes questions. Enfin bonnes, je ne sais pas, celles qui m’intéressent en tout cas. Je me trouve super intéressant en fait. Et je me fous (complètement) des gens.

Vrai ? Faux ?
Là est la question.
Encore une.
Faut croire que j’aime çà.
Me branler sur des questions en jouant avec des mots. C’est cool non ?
J’adore ça en fait si ça se trouve. Option 1.
Je joue super bien mon jeu et en fait je ne sais pas m’exprimer. Option 2.
Entre les deux j’hésite et je cite.
Le fond et la forme. Le Yin et le Yang. Le Bien et le Mal.
On en revient toujours aux mêmes trucs basiques et cycliques.

Pour une fois, occupons nous du fond, sans prêter une attention forcenée à la forme.
Prenez ma main et suivez-moi sur les chemins tortueux et sinueux des limbes de mon cerveau embrumé, ‘envappé’, enfumé, torturé et rêveur. Je vous préviens d’entrée : la route est longue, obscure, je ne garantis ni les moyens, ni la fin. Justification comme une autre : si la fin justifie les moyens, les moyens ne justifient pas forcément la fin.

En fait, je ne sais pas où aller et comment y aller et par où commencer. Mais j’y vais. C’est parti. Théorie des Shadocks : ” Quand on ne sait pas où aller, il faut y aller. Et le plus vite possible “.
Voilà.
C’est sympa que vous me suiviez. Si si, je vous assure. Je me sens moins seul d’un coup. De toute façon, je suis plusieurs dans ma tête, je patine à la limite de la schizophrénie déclarée. Ça a au moins un avantage : celui de ne jamais se sentir seul. Mais bon. Pas que je sois avide de compagnie humaine, mais j’aime parler, ça, c’est vrai, j’avoue, mea culpa, mea maxima culpa.
Et pis j’avoue : j’ai peur du noir.
Si ça vous gêne vraiment de rentrer comme ça dans ce qui me sert de cerveau, ne vous inquiétez pas. Il est aussi bordélique que d’habitude. Aussi fuyant et câlin que mon chat. Ce n’est peut-être pas fait pour vous rassurer ? Ne commencez pas, mauvaises graines! J’ai dit que l’important était le fond. Pas la forme. Et puis merde, si vous n’êtes pas content, barrez vous. Foutez ce putain de texte à la poubelle, barrez vous et ne venez pas me donner de leçons.
J’ai la ferme intention de faire ma propre psychanalyse.
Je crois qu’en fait, pour tout vous avouer, c’est Pierre qui m’a glissé l’idée tout à l’heure. J’écoutais son spectacle au Théâtre Grevin (octobre 1986, j’avais quoi, sept ans ?) et il m’a donné la solution dans son ” Intro “. De mémoire : c’était à propos des névrosés et des psychotiques. Son psy lui avait conseillé la thérapie de groupe, et comme ça coûtait cher, le psy lui a filé une astuce pour que ça lui coûte que dalle : se donner en spectacle. Conclusion de Desproges : ” C’est pourquoi, Mesdames et Messieurs, je vous ai priés de venir tous ici ce soir pour me regarder faire mon intéressant. Bonsoir. ”

Toute histoire à un commencement.
Et mon histoire à moi commence il y a longtemps.
Quand j’étais étudiant en fait.
Enfin, non, ça a commencé avant, mais je situe la chute il y a 4 ans environ.
Pour faire court et éviter de me justifier sur tout, les 20 premières années de ma vie ne sont pas signifiantes : ce n’est que l’apprentissage de la vie. Ou de la Vie avec un v majuscule. Je sais pas ce qu’il faut mettre. Je m’en fous.
Pour en revenir à ma justification, la meilleure image, c’est Kassovitz (encore lui, définitivement je l’aime bien) qui me la fournit dans le film ”La Haine“…
C’est l’histoire d’un mec qui chute d’un building de 50 étages et qui a chaque étage ce répète sans cesse … Jusqu’ici tout va bien…
Jusqu’ici tout va bien…
Jusqu’ici tout va bien…
Jusqu’ici tout va bien…
Jusqu’ici tout va bien…
Jusqu’ici tout va bien…
Mais l’important n’est pas la chute…
C’est l’atterrissage.

Bref.

L’impression d’avoir été un vilain petit canard. Touche pas à ça p’tit con. Ferme ta gueule branleur. Soyons clair : je n’ai pas un complexe avec mon père ni avec ma mère. On oublie d’entrée l’ultra-simpliste complexe d’Œdipe.
Pourquoi ? Au plus profond de moi, je sais et sens que ce n’est pas ça.
De nouveau ma putain de prétention.
Excusez-moi, je vais me branler devant tant de génie, je reviens de suite.
Plus sérieusement, je prends conscience que je me mets à nu, mais ça permettra peut-être de mieux me cerner.
Pour vous (mais je m’en fous au fond, à part pour une élite ‘reconnaissablement’ reconnaissante).
Pour moi (mais je ne sais pas si j’aurais le recul ou si je ne suis pas trop barré déjà pour sauver les meubles).
Alors oui, j’ai du fermer ma gueule pendant un moment. Long, mais cela m’a permis d’être tel que je suis, et en ceci, non, rien de rien, je ne regrette rien, merci Edith pour cet interlude musical.
En tout cas, le fait de fermer ma gueule a eu cet avantage : ciseler les mots, les peaufiner pour qu’ils fassent le plus mal possible. Dans ma tête au moins.
Mais je ne sais pas tenir ma langue.
Je suis limite à penser à haute voix.
Donc ça m’échappe.
Et ce que je pense, qui devait rester mon jardin secret (vous savez, le fameux truc du ” merci patron ” bien lèche couilles pendant que vous pensez à lui fracasser le visage à ce bâtard) devient une mini bombe balancée à la face des gens.
En gros : je suis un terroriste des mots.
Enfin, j’en ai l’impression en tout cas.

Pendant que je me roule un joint et que je relis ce que je viens de marquer, une sorte d’auto-satisfaction fière et prétentieuse semble se dégager. Ce n’est pas ça. Je m’aime bien (voir autobiographik pour s’en convaincre) mais ce n’est qu’une carapace, une armure construite par et contre les autres…
Au final, je forme un mélange bizarre, une sorte d’alchimie improbable.
Tiraillé entre rêve et réalité.
Tiraillé entre envie et devoir.
Tiraillé entre nécessité et besoin.
J’ai toujours ironisé sur le fait que si je devais mourir ce serait pendu, à cause de la mandragore… Je fais toujours le même cauchemar, où je me noie dans un lac glacé tandis que mes potes essayent de me sortir de la flotte… Une clé de ce songe serait que je suis submergé par la pression et l’émotion…. Je suis assez d’accord.
Je vais devoir ajouter l’image (morbide) de mon existence : moi, subissant le supplice de l’écartèlement, avec les chevaux qui tirent mes bras et mes jambes chacun dans son coin. Mes cours d’histoire me reviennent : l’écartèlement est le supplice réservé aux régicides. Ça va pas aider pour ma prétention ça…

Après une longue réflexion mûrement réfléchie, j’en viens à adhérer à la théorie du chaos. Ce fameux ” effet papillon ” : un battement de papillon peut, par ricochets, provoquer un typhon à l’autre bout de la planète… Et si et si et si et si ?
Vous ne voyez pas où je veux en venir ?
Vous êtes perdu ? Choqués ? Tristes ?
Pas grave.
Monsieur Nintendo a tout compris : ” Play 24/24 7 :7 “. La vie n’est qu’un jeu.
Et ce jeu a sa propre notice explicative.
Sauf qu’elle mute en fonction des événements, qu’elle se modifie pour s’adapter aux nouvelles données.
De la théorie du chaos, j’en déduis que ma vie m’appartient, et que je suis ce que je suis suite à un enchaînement involontairement volontaire. Mes choix ont aboutit à ce résultat. Qui sera modifié demain. Et après demain. Et dans une semaine, un mois, un an… La vie offre des millions de possibilités.
J’avais dit que le chemin était sinueux.

Revenons en à l’incommunicanto. C’est joli ça comme mot. Je viens de l’inventer. Enfin, je crois. Ça me semble signifier l’état d’impossibilité à communiquer.
Parce que de tout ce que j’ai dit avant, j’ai trop l’impression d’être ailleurs pour être ici.
De nouveau ce sentiment de prétention.
Mais en fait non.
Je me débats déjà avec moi-même, pour ne pas vouloir ou ne pas avoir la force de débattre avec les autres.
Mmmmh… Les mots sont des armes, mais là, la phrase précédente est un bazooka. Nuançons.
” Le monde se divise en deux catégories. Ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent. Toi, tu creuse. ”
Pour moi, je dirais que le monde se divise en deux catégories. Ceux qui parlent et ceux qui écoutent. Après c’est plus flou. J’écoute tout le temps mais je ne parle que quand je connais.
Et merde.
De nouveau, la forme peut évacuer le fond. En fonction de l’interprétation du mot ” connaître “. Je l’utilise au sens humain du terme, mais s’il est pris au sens culturel du truc, ça fout le bordel.
Pourtant j’estime que l’écoute est liée et nécessaire à la parole.
” Ne vous lassez pas d’écouter ; parce qu’on apprend à parler en écoutant les autres. ” a dit le sage.
” Parler est un besoin, écouter est un art. ” a dit Goethe.
Ça rend déjà ma position plus tranquille.
Finalement, le problème était mal posé.
On me reproche de ne pas poser de questions, de ne pas m’intéresser parce que je ne parle pas. Ou peu. Ou mal.
C’est tout simplement parce que j’écoute. Ça a en plus l’avantage de me permettre de m’évader plus facilement, j’avoue. Mais aussi parce que si je me sens à l’aise pour faire le con et sortir des conneries, parler de moi est déjà une autre paire de manches.
Alors oui, d’accord, on pourrait dire de nouveau que ma prétention est incroyable : ” moi ” ” moi ” ” moi “…
Tout a fait. Je le revendique. Regardez les gens autour de vous. La majeure partie veut exprimer son point de vue, le faire partager aux autres. Ce qui n’inclue pas forcément une écoute.
Je préfère de loin ma position : fermer ma gueule, écouter tout en pensant à autre chose, poser des questions pour rebondir et pour apprendre à/et connaître… Garder mes rêves, mon intimité pour mes proches, qui seront capable eux de faire le tri.
En plus de mon chat, je devrais me prendre un caméléon pour animal totem, ce serait rigolo et explicite…

La théorie du chaos a entraîné un esprit tortueux et disjoncté peut-être, qui a du mal à communiquer clairement et facilement, les idées se télescopant pour repartir à toutes vitesses chacune à l’opposé. Du coup, je suis tête en l’air, dans les étoiles. Ailleurs. Et le fait d’être à l’écoute n’est pas forcément une marque de désintérêt. Au contraire. C’est simplement un moyen de communication, avec ceux qui ne me connaissent pas et que je pourrais involontairement blesser. Choses que mes ami(e)s peuvent comprendre, atténuer et passer outre car ils me connaissent…

Je crois que je pourrais copier/coller l’intro : ” Vous ne voyez pas ce que je suis en train de dire ? Pas grave. Moi si. Je me comprends. Et c’est le plus important. (…) Et je pose les questions. ”

En fait, je viens de me relire. Deux mots ont sautés entre l’intro et la conclusion. Ça change le sens, l’une est comment on me perçoit, l’autre comment je me perçois :
” Et je me pose les bonnes questions. ” (introduction)
” Et je pose les questions. ” (conclusion)

Pour finir, un mot d’un mec qui n’aimait pas les hommes, mais ce qui les dévorait : ” Il faut de l’esprit pour bien parler, de l’intelligence suffit pour bien écouter. ” (André Gide)

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