Inénarrable péquenot Jannot
Jean Claude Blanc
Inénarrable, péquenot Jannot
Paysan de la plaine, ce vieux garçon pépère
A hérité de son père des hectares de terre
60 ans bien sonnés, n'en peut plus, éreinté
Pour une maigre retraite, ne peut pas s'arrêter
Garde encore quelques vaches, juste pour pas crever
Fait partie des costauds, les rares qui résistent
Péquenot pour la gloire, acharné, réaliste
Sachant bien que pour faire bouillir la marmite
Faut un vaste territoire, sans poser de limites
Il n'est pas étranger aux actualités
L'Europe à ce qui parait, elle n'en fait qu'à sa tête
Refile des subventions, (en fait, fait la quête)
C'est la moindre des choses, à voir le prix du lait
Y va de sa fierté, vivre de son métier
Mais rapporte plus rien d'élever des bêtes à cornes
Vendues pour quelques sous, sans aucun intérêt
Selon la CEE, faut respecter les normes
Qu'en retour se fendra d'une frugale aumône
Certes pas malheureux, en sa ferme solitaire
Engraisse des cochons pour sa consommation
Même si c'est interdit, s'arrange à sa manière
Voulant pas dépérir devant ses saucissons
En fait tout est bon, jambons et chèvretons
Par chance lui est permis, d'avoir un bout de jardin
Pour planter ses carottes, salades, et haricots
En plus garde en réserve une portée de lapins
Fais sa gnole lui-même, a sa propre source en eau
Ainsi achalandé, risque pas mourir de faim
Vivant de 3 fois rien, ça lui coûte pas cher
N'achète que son tabac, son pinard ordinaire
Une tourte de pain, qui date d'avant-hier
S'en porte pas plus mal, une santé de fer
Lui manque qu'une payse, une simple bergère
Y'en a peu par ici, de ces femmes à tout faire
Car celles de la ville craignent trop la misère
Alors a préféré, rester célibataire
Aussi il se consacre qu'à lire les échos
Des nouvelles de son coin et de la météo
Rubriques condoléances et avis de décès
Y'en a des pleines pages, de ces vieux ratatinés
Alors échaudé, s'en va sur les sentiers
Ramasser des airelles, des framboises, des bolets
Comme dans son hameau, ne voit jamais personne
Pas peur des gendarmes, en douce il braconne
Des grives sur la neige, qu'ont plus rien à bouffer
Les guette de son abri, à portée des sorbiers
On l'appelle Jannot, mais c'est pas son vrai nom
Des gens comme sa pomme, y'en a à profusion
Pas de la même famille, alors on les confond
Pour être reconnu, suffit boire des canons
Lui ne s'en prive pas, tous les soirs en bordée
Logique pour ce gaillard, qui ne pense qu'à bosser
Pas de femme pour l'attendre, pourquoi se faire chier
Ce serait cornichon pleurer sur ses lauriers
Seulement petit défaut, un rat dans son gousset
N'est jamais le premier, pour payer sa tournée
Se rince bien la dalle, sur le dos des copains
Mais tellement impayables, ses mimiques sans fin
Amuse la galerie, comme c'est pas permis
Est toujours invité pour jouer la comédie
Une brassée de bière, crachoir reparti
Singeant même ses voisins, leurs tics, leurs inepties
C'est sûr en a un grain, cependant pas méchant
On ne lui en veut pas, c'est son tempérament
Notre sacré Jannot, on ne le changera pas
Malgré ses maniaqueries, pour nous c'est un brave gars
On peut dire ce qu'on veut, ne manque pas de courage
S'en va couper son bois, qu'il pleuve, qu'il fasse orage
Passe toutes ses saintes journées, sans cesse à l'ouvrage
Même si on se moque de lui, de n'être plus à la page
Dernier emmerdement, a reçu un courrier
Venant de la Préfecture, ça signifie danger
On voudrait lui piquer une part de son terrain
Pour une autoroute, qui ne servira à rien
Gâchant son paysage, plus pénard dans son coin
Pas encore décidé, alors reste serein
Va remuer ciel et terre avec ses voisins
Comme lui désabusés de la modernité
C'est sûr qu'à St E, ils vont manifester
On peut plus vivre tranquille, pourtant pas exigeants
Se suffire à nous-mêmes, déjà c'est un exploit
Faut qu'on vienne nous faire suer, pour un ouvrage branlant
Amocher nos forêts, même qu'on est plus chez soi
Ainsi on se réconforte, entre nous villageois
Ainsi se termine là, mon histoire de Jannot
Pour lui c'est pas fini, il en a le cœur gros
N'ayant que demandé, qu'on lui foute la paix
Voilà que par l'Etat, en plus des impôts
Il doit obligeamment se faire pigeonner
Comparant nos régions, c'est du copié-collé
L'Etat fait qu'a sa loi, il en a tous les droits
En chassant de leur terre, ses misérables fermiers
C'est la France que l'on blesse, ses prairies et ses bois
Héros de cette fable, du même populo
Chasseur et buveur, en a tous les défauts
Mais va plier boutique, travaillant pour zéro
Si tout tombe en morceaux, c'est à cause de l'euro
Jannot a de la mémoire, pas celle d'un étourneau
Va pas se suicider, pour une parcelle pré
Par contre va voter, Marine comme il se doit
D'être pris pour un nigaud, il en a plus qu'assez
Saigné aux 4 veines, en a perdu la foi
Témoignages de ce type, y'en a plein les journaux
S'en distraient les nantis, de gauche ces bobos
Se ramènent en touristes seulement quand il fait beau
Mais face aux asservis, risquent d'être cueillis à chaud
Jannot marne par instinct, (qui rime avec destin)
Mais grâce aux anciens, qui lui tiennent la main
Pour lui, se lever tôt, c'est pas la mer à boire
Mais ne veut surtout pas être pris pour bonne poire
Alors se cache en vain dans son chiche terroir
Sait pas que ceux d'en haut profitent de leur pouvoir
Il n'est plus maitre chez lui, que gibier de potence
Sauvage que l'on chasse, avec impertinence
Ayant autre chose à faire, que prier, supplier
S'adonne avec passion, semer et récolter
Sûrement cet illettré, un philosophe manqué
Savante intelligence, celle de faire pousser le blé
Chaque jour, j'en rencontre de ces ours mal léchés
En fait à l'intérieur, moroses, tourmentés
Ce monde perd la boule, nous menant la vie dure
Pourtant y'a rien de plus pur, que notre fidèle nature
Merci brave Jannot, je te dédie ces vers
Tu m'en as bien appris, sur la race fermière
Qu'en bave pour planter, choux raves et pommes de terre
Chef-d'œuvre mal reconnu, par nos belles lumières JC Blanc avril 2020(pour les miens)