INNOCENCE
Su Kil Nam
INNOCENCE
- (Deux militaires sont en poste de surveillance aux abords d'une boulangerie. Tout en restant vigilant, ils discutent entre eux)
- Le premier : Pff, il fait froid aujourd'hui …
- Le second : (plus vigilant que le premier, il lui répond par un « mmmh… laconique).
- Le premier : Ça fait combien de temps qu'on est là ? On devrait venir nous relever de notre garde maintenant, non ?
- Le second : Normalement oui, mais ça ne change rien à notre job.
- Le premier : Ouais, comme tu le dis, « c'est notre job », surtout par ces temps qui courent… Dis-moi, sans indiscrétion, qu'est-ce que tu en penses toi ?
- Le second : Ce que j'en pense ? De quoi tu parles ?
- Le premier : Ben de tous ces attentats ? De ces islamistes qui au nom de leur dieu se font péter la carcasse pour terroriser les gens ? Depuis les premières attaques, ma femme me dit que mon fils fait des cauchemars fréquemment et elle, … elle stress à mort. Mais bon, elle savait qu'elle épousait un militaire. J'ai les nerfs contre ces gars-là, rien que pour ça je leur enfoncerais leur livre saint dans … (le second lui coupe la parole)
- Le second : STOP !!! Arrête tes conneries, tu délires et tu commences à me chauffer!!! … Mais bon, depuis que je te connais, je sais que t'aimes déconner et que ta langue va plus vite que ta pensée. - (ptt silence lourd de conséquences)
- Le premier : Excuse-moi, dans mon élan j'avais oublié que tu étais musulman. Faut dire ce n'est pas banal un Asiatique musulman… - (ptt silence avant que le second répond)
- Le second : Pas grave, avec tes 25% de Q.I. c'est normal d'être aussi con. (Dit-il d'un ton sarcastique).
- le premier : Ok, ça va … j'me suis excusé … j'ne voulais pas t'insulter, ni faire un amalgame. Tu sais que mon frère a épousé une Tunisienne et que je m'entends super bien avec elle, alors (pour calmer la discussion, il poursuit en disant) la seule chose … c'est que je suis contre le radicalisme !!!
- le second : Allez, laisse béton … moi aussi je suis contre. La seule chose qui est importante aujourd'hui, c'est que nous sommes la dernière ligne de défense d'un pays démocratique où tout le monde a le droit de s'exprimer. C'est la manière qu'ils utilisent qui me révolte… à cause d'une minorité, ces WAHHABITES foutent la merde dans le monde et donnent une mauvaise image de l'islam… ça me dégoûte…
- le premier : Tu sais, j'ai toujours pensé que la religion n'avait rien à voir avec la politique (lui coupant la parole le second lui dit)
- le second : Ouais c'est ça, je ne vais pas te faire un cours d'histoire (le premier le regarde et lui fais la moue sachant déjà ce que le second va lui dire) mais tu oublies les croisades, les inquisitions, les colonisations et j'en passe et tout cela au nom d'un … (le premier lui coupe la parole)
- le premier : Ouais, ça va … tu me l'as déjà servi cette soupe … Mais tu oublies toujours de préciser qu'il y a eu toutes ces guerres qui ont été fait au nom du prophète, pour le califat et tout cela au nom de l'islam !!!
- le second : (étonné) J'vois qu'on se connait bien ! … après tout t'es pas si con que t'en as l'air… (Dit-il d'un ton amusé tout en souriant au premier).
- le premier : C'est con quand même, on est là pour les mêmes raisons et on se prend la tête pour rien.
- le second : T'inquiète « L'UNION FAIT LA FORCE ET …
- le premier : ET QUOI ? …
- le second : « L'OIGNON FAIT LA SOUPE » (tout en lui faisant un clin d'œil)
- le premier : « L'OIGNON FAIT LA SOUPE » !!! T'as fait l'école du cirque ou t'as trouvé ça tout seul ? (dit-il sur un ton moqueur)
- le second : Ecoute, sincèrement, je crois qu'il y aura toujours des fanatiques au charisme impitoyable pour te faire croire que la terre ne tourne pas rond et qu'il n'y a qu'eux pour la faire tourner dans le bon sens.
- le premier :(après un petit moment de silence) Et toi, pourquoi tu t'es converti?
- le second : Tu dis ça parce que je suis Asiatique ?
- le premier : Non, parce que tu as le nez au milieu du visage… Ben oui.
- le second : Je suis fils d'immigrant et j'ai grandi dans ce pays que j'ai appris à aimer et qui est devenu le mien. Tu sais que je suis Indonésien ? (le premier acquiesce de la tête) Et bien sache qu'il y a trois cent millions d'Arabes musulmans, un cinquième se trouve en Afrique Subsaharienne mais la plus grande population de musulmans se trouve en INDONNESIE et j'en oublie. Tu ne soupçonnes même pas toutes les communautés islamistes existantes dans le monde, … comme en Inde, en Chine et même en ex-Union Soviétique. En fait, on est +/- 20% de la population mondiale.
- le premier : Puuu…rée, je ne me doutais pas qu'il y avait autant de musulmans dans le monde.
- le second : Et oui man… Ça me fait penser aux ‘ aventures de Rabbi Jacob'.
- Le premier : Ah ouais, super ce film, surtout cette tirade quand il dit « Farés, c'est EFFARANT » !
- le second : Vers la fin du film, quand de Funès s'enfuit en moto du quartier juif… ce passage je l'adore.
- le premier : Oui et alors ?
- le second : Rappelle-toi, ils sont sur la moto et de Funès dit en parlant au Juif et à l'arabe : « SALOMON, SLIMANE, SLIMANE, SALOMON … » et il poursuit : « Vous ne seriez pas un peu cousin ? »
- le premier : Et où veux-tu en venir ?
- le second : Dans la scène, tu vois un arabe, un juif et un catholique. Un juif qui aide un arabe et un arabe qui aide un catholique. Cette scène résume toute la définition de la tolérance et de la différence. Ça montre que Chiites, Sunnites, Laïques, Chrétiens et autres peuvent vivre ensemble dans le respect des différences.
- le premier : Y a toujours de l'espoir !!! Savoir qu'il n'y a pas que des insensés dans ta religion, ça rassure. Tu sais dans ma famille on est militaire de père en fils. « LE ROI, LA LOI, LA LIBERTE » Telle est ma devise et celle de notre pays. C'est pour ces valeurs que je me bats.
- le second : Valeurs ? Tu vois nous deux ?
- le premier : Oui et quoi ?
- le second : Nous sommes différents en tout point et pourtant nous sommes là, on se charrie, mais on est là pour : « défendre les valeurs de la démocratie ». J'aime ce pays et je préfère mourir pour des idées comme la Tolérance, la Différence.
- le premier : Ouais, bien dis mon pote.
- (pendant que les militaires discutent, tout en restant vigilant, un papa et sa fille passe devant eux, la petite fille demande à son papa).
- Michelle : Papa ?
- Le papa : Oui, Michelle ?
- Michelle : Pourquoi, il n'y a presque personne en rue ?
- Le papa : Comment ça « Personne », il y a nous ! ... (dit-il pour détendre l'atmosphère).
- Michelle : Ah oui c'est vrai … mais pourquoi ces personnes habillées comme un jour de fête avec des fusils à la main sont là … c'est à cause d'eux qu'il n'y a personne ? Maman et Marie seraient aussi étonnées, quand même. En tout cas, moi, ils me font quand même un peu peur ! (Pour détourner l'attention de Michelle sur les soldats, le papa lui parle d'autre chose)
- Le papa : Tu sais Michelle, avant les Papas et les Mamans voyaient le Monde autrement …
- Michelle : Autrement ? Comment ça ?
- Le papa : Oui, ils sortaient, s'amusaient, allaient au bal. La Paix était un mot qui donnait de la joie aux gens et… (Michelle lui coupant la parole)
- Michelle : Papa, je ne comprends pas ?
- Le papa : Et qu'est-ce que tu ne comprends pas ?
- Michelle : Ben oui Papa, tu parles de paix mais j'aimerais savoir pourquoi Marie et moi nous ne pouvons pas aller à l'école et qu'aujourd'hui vous n'êtes pas partie travailler ? Maman et toi, vous êtes toujours pressés, on dirait que le Monde ne pourrait pas tourner sans vous, on se lève tôt, on s'habille vite, on déjeune vite et souvent vous êtes toujours fatigués le matin et le soir. Maman vient nous chercher à l'école, on rentre vite, on prend un quatre heure et hop on fait nos devoirs et quand tu arrives à la Maison, il est presque tard… Mais aujourd'hui tout est calme et vous n'êtes pas parti travailler, c'est ça la paix ? (d'un ton songeur) C'est drôle la paix quand même … et ce calme… c'est un drôle de calme … tu sais, c'est le même calme comme quand Grand-mère nous a quitté et qu'on l'a enterré au cimetière pour aller au ciel.
- Le papa : Eh bien mon Bébé d'amour, je suis surpris par toutes ces questions ?
- Michelle : Pourquoi ?
- Le papa : Ben euh, … c'est vrai qu'il n'y a presque personne et qu'il y a beaucoup de militaires mais c'est pour nous aider à nous sentir en sécurité.
- Michelle : En sécurité ? Pourquoi en sécurité si on est en paix ? Je ne comprends pas très bien.
- Le papa : (prenant son temps pour répondre le papa continu en se disant que c'est compliqué de lui expliquer mais qu'il va essayer) Dans le monde, il y a beaucoup de pays et certains pays ne sont pas d'accord avec d'autres pays. Et pour montrer qu'ils ne sont pas d'accord, ils font des choses qui font du mal aux gens.
- Michelle : « Du mal aux gens ? » Mais Papa, tu nous as toujours dit, à moi et à Marie, que quand nous n'étions pas d'accord, il fallait que nous parlions ensemble pour trouver une solution. Et quand nous faisions une grosse bêtise, maman ou toi, vous nous donniez une bonne fessée. Tu sais, comme quand la fois où j'ai joué avec des allumettes et que j'ai mis le feu à la poubelle et que j'ai dit que c'était la faute à Marie. Tu m'as donné une fessée et puis tu m'as envoyé dans ma chambre pour réfléchir à ce que j'avais fait.
- Le papa : Euh, oui c'est vrai…
- Michelle : Alors pourquoi tous ces pays ne parlent-il pas entre eux pour trouver une solution ? (Avant que le papa ne réponde, une dame âgée qui n'avait rien perdu de la scène, lui dit)
- Madeleine : Bonjour ma petite, comment t-appelles-tu ?
- Michelle : Michelle, madame (le papa respire)
- Madeleine : C'est un joli prénom Michelle.
- Michelle : Et vous madame, comment vous appelez-vous ?
- Madeleine : Madeleine ma chérie et bien Michelle, si ton papa est d'accord je vais te raconter comment c'était il y a très longtemps (le papa acquiesça de la tête, espérant que la dame puisse apporter les réponses à Michelle).
- Michelle : Il y a très longtemps ? Vous voulez dire quand mon papa n'était pas encore né ?
- Madeleine : Oui, quand ton papa n'était pas encore né. A mon époque aussi il y avait de méchants hommes qui voulaient prendre tous les pays du monde en faisant du mal aux autres.
- Michelle : Tous les pays du monde, madame ? Et comment ils ont fait ?
- Madeleine : Ils ont utilisés la force en faisant peur à tout le monde. Mais nous nous sommes défendu et avec l'aide d'autre pays nous avons repoussé les méchants. Tu sais comme quand tu es malade et que le docteur te fait prendre des médicaments pour t'aider à retrouver ta santé. (le papa reprend)
- Le papa : Comme Madame l'a dit ces personnes sont malades et s'ils ne guérissent pas, c'est parce que dans leur pays, ils ont de mauvais docteurs. (la dame regarde le papa et lui dit en aparté, pendant ce temps Michelle réfléchit).
- Madeleine : Vous savez, je n'ai jamais vraiment bien compris pourquoi à l'église, le prêtre encourageait nos jeunes à s'enrôler à l'armée et que les Allemands avaient sur leur ceinture « GOTT MIT UNS» !!!
- Michelle : (sur cette phrase, étonnée des derniers mots de la dame, Michelle demande en regardant son papa) ça veut dire quoi ce que madame dit ?
- Le papa : Quoi mon ange ?
- Michelle : Ce « kot mit ouns »
- Le papa : Euh, ça veut dire « dieu est avec nous »
- Michelle : Dieu ? Mais qu'est-ce que dieu à avoir à faire avec tout ça ? Je ne comprends pas !?!? A l'école on nous dit que dieu est bon, qu'il est comme un père pour ces enfants, qu'il nous écoute et nous regarde depuis le ciel dans sa grande Maison planté sur des nuages entourés d'anges.
- Le papa : Heu …, (en aparté il se dit : « comment je vais lui expliquer que ces attentats sont le fait des hommes et non de Dieu et que ces fanatiques justifient leurs actes au nom de dieu ? ») Eh bien, euh c'est que ce n'est pas … (lui coupant la parole Michelle continue)
- Michelle : Mais si ce n'est pas le même dieu, pourquoi on nous dit que dieu est unique ? C'est que dieu est un menteur ou c'est qu'il y a d'autres dieux? Mais si ce n'est pas le même dieu, est-ce-que Dieu existe ? Et s'il n'existe pas, c'est que l'on nous a menti ? Dis papa, tu ne nous as pas menti hein ?
- (Avant de répondre et de s'en rende compte, la petite fille se dirige vers le premier militaire alors que le papa regarde d'un air ennuyé la dame âgée)
- Michelle : Bonjour Monsieur, que faites-vous s'il vous plaît ? (s'adressant au premier militaire)
- Le premier militaire : (Desserrant les fesses, esquissa un petit sourire et lui dit) : « Je surveille ma petite »
- Michelle : Et vous surveillez quoi ? (le papa cherche sa fille des yeux, la dame âgée et lui la voit et ils la rejoignent).
- Le premier militaire : « je surveille s'ils n'y a pas des méchants hommes qui voudraient te faire du mal à toi et ta famille »
- Michelle : Ah bon ! Mais moi je ne les connais pas ces gens-là et mon papa et ma maman sont très gentilles avec moi et ma sœur. Si je les rencontre, je pourrais leur dire que mon papa et ma maman sont gentilles avec moi et ma sœur ?
- (Le papa comme le militaire, interloqués se croisent d'un regard pantois).
- Michelle : (Comme le militaire ne sachant pas quoi répondre, la petite fille reprend) « si je les vois, je leur dirais de faire comme mon papa m'a dit. Parler entre eux pour trouver une solution ». Qu'en pensez-vous monsieur ?
- (le militaire ne sachant toujours pas quoi répondre, le papa la reprend et lui dit) « viens Michelle, n'embêtons pas le monsieur qui travaille »
- Michelle : « ah si vous travaillez, je vais vous laisser pour que vous ne vous fassiez pas attraper et que vous ne vous fassiez pas grondé ».
- (Sur ces mots, Michelle et son papa font demi-tour, pendant que le papa et Michelle s'éloigne, la dame âgée dit aux militaires)
- Madeleine : Je vois que vous êtes des bérets verts, mon mari l'était aussi. Il a donné sa vie pour son pays, pour la liberté, pour la patrie et moi je faisais partie du réseau ‘ATTILA'. On leur en a fait voir de toutes les couleurs aux Boches ! Mais bon quand je vous vois je me demande à quoi cela a servi… Enfin, heureusement que vous êtes là et qu'avec votre présence on se sent quand même plus en sécurité. (Après avoir dit cela, Madeleine regarde le papa et Michelle et termine en disant) Au revoir messieurs, au revoir Michelle.
- Michelle : Tu sais papa, j'ai bien réfléchi, si tu ne sais pas me répondre comme le monsieur, ce n'est pas grave. Je crois qu'un jour tous les pays du monde, comme l'a dit la dame âgée, feront quelques choses pour arrêter ces méchants hommes.
- Le papa : (le papa sourit avec amertume et serra sa petite Michelle dans ses bras et lui dit) « JE T'AIME MON TRESOR ».
- Michelle : « moi aussi papa je t'aime très fort et je voudrais que tu aimes tous les enfants du monde ».
- Le papa : (Toujours dans ces bras, une petite larme coula le long de sa joue et se dit en lui-même, en aparté « Où DONC EST PASSE NOTRE INNOCENCE ? ».)
- (Ils arrivèrent chez eux, le papa ouvra la porte, ils rentrèrent et la porte se referma. Quant à la dame âgée elle continua sa route).
- le second militaire : (Le second militaire regarda le premier et lui dit) Tu vois, c'est pour ça que je porte les armes et que je fais ce métier.
- Le premier militaire : Ouais et comme tu l'as dit, « pour défendre la Démocratie et tout ce qui va avec ».
FIN