Insensé
leeman
Savoir sans savoir : ils ne savaient rien. Pour toutes les choses que leur puissance englobait, ils étaient aptes à surpasser tous les obstacles que la vie présente usuellement à l'homme. Mais que leur être puisse être sans encombrements, ils ne le savaient pas. Et de toutes ces choses, il n'y avait en eux qu'ignorance et mépris ; c'est de cette façon qu'ils comprenaient le monde autant qu'eux-mêmes :
"Je ne sais pas ; rien."
C'est ainsi qu'ils exposaient leur pensée en même temps, le son de leurs voix s'unissait, et fondait presque une harmonie exprimant l'ignorance la plus certaine.
Et des choses que l'existence paraît inclure en elle, il y a la vérité et la fausseté : choses dont on ne peut jamais se défaire. Ils ne savaient donc rien, sinon qu'ils se savaient ne pas savoir, et, au moins, ce savoir-là apparaît comme le plus véritable pour l'homme, qu'il soit bête ou intelligent : il a conscience de sa propre déchéance intérieure et inévitable. Néanmoins ce savoir n'implique en eux jamais la lutte pour la connaissance. Ils s'effondrent, et sont satisfaits de tout ce qu'ils paraissent connaître unanimement : la conscience d'un rien.