Insomnie

samuela-law

Je n'ai besoin que d'une chose, me dis-je en rentrant chez moi. Me coucher. Lorsque j'enlève ma veste et mes chaussures il est plus de 2h du matin. Le studio à peine éclairé par le réverbère qui se trouve au bout de la rue suffit à me guider vers mon lit. Je m'y allonge à l'aide d'un gros soupir qui évacue la fatigue, le stress de ces 5h dernières heures .

Je ferme enfin les yeux, prête à m'endormir pendant quelques heures avant le lever du soleil. Je planifie déjà mon lendemain. Faire les courses après le boulot et ranger l'appartement. Je planifie la liste de mes courses : du lait, un poulet, des légumes...et puis j'attends.

J'attends le sommeil qui ne vient pas. Fatiguée comme je suis je ne demande qu'à m'endormir. C 'est agaçant à la limite éprouvant. J'essaie de me calmer, je cherche le sommeil dans la pénombre de mes yeux fermés, je n'y arrive pas. Je me mets à compter des moutons, rien. J'ouvre mes yeux dans un soupir dépité. J'attrape mon ipod sur ma table de chevet . Je mets mes écouteurs dans les oreilles pour écouter de la musique, mais je m'aperçois que la batterie est à plat. Je fixe le plafond lâchant un deuxième soupir. Attendant dans le noir, un air me vient en tête, la chanson « Black Kaviar » de Kafmalbar. Je ne suis pas fan de cette musique. A peine si je l'écoute. Je la supporte dans le bus chaque jour, lorsque je vais travailler, lorsque le chauffeur la met à fond. Alors pourquoi cette fanfare dans ma tête. Rien de tel pour faire fuir le sommeil ! Et de plus je ne sais pourquoi elle me ramène systématiquement à... la soirée. Oui ! Je l'ai entendu ce soir mais pas dans le bus. Je l'ai entendu mais où ? Je fixe le plafond, et pour m'amuser le temps que je m'endors, je me remémore la soirée.

Je ferme les yeux et je me laisse guidée...

Assise au bar je sirotais un mojito et fixait l'écran où se jouait les dernières courses de chevaux de la nuit. J'écoutais la foule grondée dans mon dos. Houspillant lorsqu'elle perdait, Jouissante lorsqu'elle gagnait.

Je me plongeai dans cette foule en décortiquant chaque grondement que j'entendis. Mon subconscient se faufila , captant le moindre bruit en sourdine. Car je sentais que j'avais entendu cette musique ici. J'errais ainsi comme une âme perdue. Je voulais retrouver coûte que coûte, comme si ma vie en dépendait... Non pas ma vie...Une vie. Je ne sais pourquoi mais il était devenu vital de retrouver cette musique. Et je sentais que je m'en rapprochais, lentement, sûrement, la foule ne pouvait m'arrêter. Je me dirigeais tel un fantôme voilé d'un drap blanc. Je glissais à travers ce brouhaha et je me laissais absorber par cette cohue étouffante qui m'invitait.

Lorsque j'entendis enfin la musique, elle était très proche, retentissante. Oui juste à côté de moi. Je fronçais les sourcils, cherchant qui cela pouvait bien être . Était-ce quelqu'un assis à mes cotés au bar ? Était-ce dans cette masse humaine ? Je ne comprenais pas ! Mais la musique joua de plus en plus fort !

Lorsque dans un sursaut de panique elle me réveilla ! Je m'assis immédiatement sur mon lit, haletant d'effroi, je transpirais d'angoisse. La musique venait de.. . De mon appartement ? Je me levai, à tâtons je me guidai vers elle, les jambes tremblantes. Je me dirigeai vers mon sac qui était posé par terre prés de mes chaussures . Je ne comprenais plus rien. Je l'ouvris et je pris l'instrument de torture : un téléphone... Son téléphone.

Je restai là abasourdis. Je m'étais occupée de tout depuis ce jour maudit. Depuis un mois déjà j'accours dans tous les sens m'occupant d'une paperasse infernale. N'ayant une seule seconde le temps de comprendre ce qui m'arrivait. Aujourd'hui je croyais avoir tout réglé Mais j'avais oublié une chose. Une seule chose : la résiliation du téléphone mobile.

Et maintenant quelqu'un l'appelait. J'étais complètement effondrée sur le sol comme une abrutie. Et je tenais, en sanglot, son mobile en supportant cette effroyable sonnerie qui ne cessait pas et qui me fit prendre conscience tout d'un coup qu'il ne reviendra jamais. Il est mort.

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