Inspiration
Carole H.
J'ai toujours voulu être connecté à un artiste. De préférence un écrivain car j'adore lire. J'ai longtemps attendu le moment où j'aurai la fameuse révélation dont certains m'avaient parlé et où je trouverai ce livre qui changerait ma vie. Chaque nouveau livre entamé, chaque nouvelle page tournée représentait un nouvel espoir. Je m'imaginais expliquer à toute personne voyant l'ouvrage écorné sortir de mon sac que je ne quittais jamais ce livre, qu'il m'avait changé et qu'il me guidait dans toutes mes décisions. Comme ce moment tardait à arriver, j'ai décidé au milieu de mon adolescence de pousser un peu le destin et ai choisi moi-même que le roman que je venais de lire serait celui qui allait tout changer. Je me suis mise à l'offrir autour de moi, espérant que mes proches me confirmeraient que ce livre était spécial. Malheureusement, étant maniaque, je n'ai jamais pu moi-même l'enfouir au fond de mon sac et l'annoter. D'ailleurs maintenant que j'y pense, je ne vois pas vraiment ce que l'on peut annoter dans un livre. Se fait-on des private joke pour la prochaine fois qu'on le feuillètera ? Est-ce un support comme un autre pour notre To Do liste de la semaine ? Ecrivons-nous avec l'espoir secret d'être lu par quelqu'un qui nous trouvera finalement plus intelligent que l'auteur du livre lui-même ? Toujours est-il que ma tentative d'avoir un livre fétiche a été finalement avorté. Aujourd‘hui je ne me souviens plus du titre de cet ouvrage et mes proches se demandent encore en passant devant leur bibliothèque ce qu'il fait là.
J'ai alors entamé des études d'arts appliqués dans lesquelles il était de bon goût de pouvoir expliquer son choix de carrière par l'influence d'un artiste. En sortant du bac il est effectivement difficile d'annoncer que l'on fait principalement ça pour embêter ses parents et parce que, bon, au final, on n'avait pas d'autre idée. De plus, j'ai compris à ce moment-là, ou plutôt cru comprendre, qu'il fallait souffrir pour réussir dans l'art. Ayant moi-même une vie assez banale et heureuse, j'ai tenté de me « connecter » à un artiste maudit afin que son talent se propage jusqu'à moi. J'ai accentué mes soucis de jeune adulte, je me suis appropriée les malheurs des autres et lamentée d'avoir une vie si parfaite. Mais le problème dans les arts appliqués c'est qu'à trop vouloir s'inspirer, on finit par copier. Je me suis alors mise à produire des choses sombres qui ne correspondait ni à mes sujets ni à moi-même. Il n'y avait, en plus de cela, aucune originalité dans ce que je faisais, et c'était même assez mauvais.
Et puis je me suis rendue compte que, plus que l'inspiration, c'était une certaine « validation » que je cherchais. Quelque chose, ou plutôt quelqu'un, qui prouverait ma légitimité, auquel je pourrai me raccrocher, faire référence au moindre besoin. Quelqu'un qui me rassurerait, qui validerait mes choix, que ce soit dans ma vie ou dans mon métier. Certains diront que c'est du à l'absence de frère et sœur dans ma vie mais je suis déjà hors sujet donc je ne vais pas approfondir dans ce sens-là. Je sais juste que, finalement, je n'ai pas besoin d'être connecté à un artiste. Mon inspiration me vient du quotidien, des gens que je croise, des choses que je fais. J'adore toujours lire, je vais toujours voir des expositions, je me perds toujours en explorant le web mais dès que c'est fini, je rouvre les yeux et reprends ma propre vie.
J'aime, tout simplement, instinctivement et sans aucun jugement.
· Il y a plus de 8 ans ·Lorence Bordo