Irradié

loinducoeur

Irradié, voyageur immobile, Je suis le sage, le fou, le débile... et je me souviens d'une chaise vide.

La chaise est vide désormais. Vide. Elle doit être glaciale puisque l'ombre l'a engloutie. Tout s'est passé si vite. Métallique, elle semble hurler sa peur de rester seule. Un corps l'habitait il y a peu. Tu t'en souviens ?

Irradié. Le souvenir brouillé, la mémoire délabrée, comme en état d'urgence, tu restes là. Voir la chaise mais ne rien voir de l'autre. Cruelle agonie. Souviens-toi !

Elle était là, il n'y a pas si longtemps. Enfin. Ce jeu, ces pas perdus à la retrouver dans ce jardin parisien. Comme tu te sentais léger, transporté par l'improbable chaleur d'un soleil de printemps. Ebloui même ! Quelle imprudence ! Tu n'imaginais pas être frappé aussi durement par la lumière. Un rayon si brutal qui t'a touché jusque dans le noyau de tes cellules. Une réaction en chaîne que tu croyais, idiot du village, pouvoir endiguer de ton insolente confiance en l'homme. Ah !

Tes Ray-ban ridicules n'y peuvent rien, tu le sais maintenant. S'approcher de la chaise, était un jeu dangereux, un risque incalculable, une erreur d'analyse dans le modèle prédictif universel. Foudroyé tu es !

Tu ouvres tes yeux, rougis, brulés, salés. Tu ne vois rien, tu es resté aveugle depuis tout ce temps. Tu cherches une lueur salvatrice dans les regards des autres. En vain. Il n'y a plus d'éclair pour zébrer ton visage pâle. Il n'y a plus de tension dans tes circuits. Tu es cramé.

Il te reste la chaise, mais elle est vide ce soir. Irradié, tu as senti la folie courir dans ton corps. Tu t'en souviens et tu poursuis ton voyage. Affolé par l'oubli, tu t'accroches à l'espoir d'un autre mirage atomique. Il te faudrait des siècles pour purifier ton âme. Le souhaites-tu vraiment ?

Immobile.

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