Ivre de ce moment

Soons

Je passais des heures à sculter son corps. Je la regardais, analysais et mémorisais le moindre petit détail de sa chevelure, son visage, ses mains, son torse, son dos.. Je passais des heures à la toucher, à suivre chaque trait, chaque ligne, chaque creux de son corps. Je voulais connaitre dans le moindre détail l'enveloppe de celle que j'aimais. Je voulais la connaitre mieux que quiconque et, oui, mieux qu'elle, certainement pour nourrir mon idée, mon envie, de transcender la seule image qu'elle osait m'exposer. Et, j'ai certainement dû finir par le connaitre mieux qu'elle, ce corps.

Souvent dans la pénombre, au milieu de ces quatres murs délimitant son antre terrestre cadastré section RB numéro 35 et, pendant que mes doigts valsaient sur son corps, elle aimait et demandait à ce que je lui conte une histoire, nourrissant ainsi son imagination, ses rêves et prolongeant la trêve. Oui, cette coupure du monde extérieur pour errer dans un autre, le notre.

Nous étions là, allongés tantôt sur le dos tantôt sur le côté, à nous regarder pupilles face pupilles, vacillant d'un oeil à un autre, le regard outrepassant toutes fines couches optiques, entre instants de sommeil et instants d'éveil, rêvant vivant ces moments hippiques, à notre rythme, à notre temps, arrêtant votre trotteuse à notre heure, lançant la notre, depuis, indéfiniment.

Je savais à ce moment, dans notre monde que notre histoire n'aurait ni point ni fin. Je savais à ce moment, dans votre monde que notre histoire par la votre serait vaine. Mais après tout, notre esprit vit bien plus que notre corps. Je n'aurais dès lors ni regret ni haine, ni amertume ni rancune, puisque là dedans je la vis encore.

Puis, nous ouvrions les yeux, puis nous nous cachions de ce monde. Puis, à sa manière, la société nous réanimait, puis nous nous replongions dans notre monde, à notre façon. Ou, je la regardais partir et, à son retour, à mon tour, je rêvais et, je l'emmenais.

Dans ce tête à tête déstructurant, valsant de cadran en cadran, de toutes les manières, je l'aimais et de tous les temps, elle était et est ma plus noble conquête.

Plongé dans le noir entre quatre murs, j'ai fissuré ta brique de mes caresses en huit. Filant d'ici, allant "ailleurs", j'espère t'avoir emmener ; non pas au vent, mais loin de cette terre, poussant ma folie vers une eclispe annulaire. Valsant sur ton corps de ma corde fleurie, écoute et ressent, la trotteuse ivre de sens. 

Signaler ce texte