Ivresse.

briseis

J'ai vidé les dernières gouttes de whisky. Le liquide ambré a brulé ma gorge et réchauffé mon estomac en m'embrumant un peu plus l'esprit. Le verre vide a rejoint ses six prédécesseurs. Je m'ennuyais à mourir dans ce bar, chose rare pour un samedi soir. Il n'y avait rien ni personne d'intéressant, trop de bruit, trop de monde et pas assez de jolies filles dans toute cette populace. J'ai commandé un nouveau whisky, et malgré sa désapprobation, le serveur m'a servi. Il a suspendu son geste quand la sonnette d'entrée a retenti. On a pu observer une splendide rouquine entrer dans cet endroit miteux, et tout le monde s'est demandé comment elle avait pu se perdre à ce point. J'ai tourné la tête pour la suivre du regard, à peine éméché que j'étais, elle s'est assise à mon côté. Elle m'a regardé et un léger sourire s'est dessiné sur ses lèvres carmines. Incroyable. Elle était magnifique.

« Il est déjà cuit, a-t-elle demandé au barman.
- Pas qu'un peu, a-t-il répondu.
- Il est un peu tôt, pourtant.
- Je ne suis même pas pompette. » ai-je affirmé, d'une voix claire où ne perçait absolument pas le trop plein d'alcool que j'avais ingurgité.

La belle Hélène m'a regardé de haut, une expression amusée sur son joli minois. Et lorsqu'elle a dit au barman « Je veux la même chose que lui » j'ai pris ça comme un défi.
Il a aligné devant la jeune femme six doubles whiskys et elle a paru effrayée. Juste un peu. Amusée par sa mine troublée, j'ai fait monter les enchères.

« Si vous les finissez tous, je vous offre le septième. »

A ma grande surprise, elle ne s'est pas démontée. Elle a empoigné le premier verre et l'a vidé d'un trait, en grimaçant légèrement. Elle a dû attendre que la chaleur qui lui montait à la tête redescende avant de finir le second, puis le troisième, et ainsi de suite pour les suivants. J'étais sincèrement ébahi. Son pari relevé, elle s'est tourné vers moi en essuyant une goutte dorée qui lui coulait sur le menton, en réclamant avec un aplomb incroyable son septième godet. Je le lui ai payé bien volontiers en la voyant tanguer sur son tabouret en me demandant ce qu'elle venait noyer ici. Je n'avais surement pas l'esprit assez clair pour le lui demander, et elle assez de lucidité pour me répondre, de toute façon.
Après l'ultime whisky je lui ai offert, on a refusé de lui servir une seule goutte d'alcool. Alors la belle jeune femme s'est mise à me parler, de tout et surtout n'importe quoi. Elle s'insurgeait tellement contre le monde qu'on a bien sûr fini par parler de politique. Et débattre sur la politique, quand son taux d'alcoolémie est au-delà des deux grammes, c'est formidable. Ce qu'il se passe en Chine et en Corée devient passionnant, et conseiller le Président de la République Française un jeu d'enfant. Je la regarde s'égosiller, comme probablement la moitié des personnes présentes dans la salle - tous des hommes, l'autre moitié étant les conjointes/petites amies des mâles et qui essaient désespérément d'attirer leur attention.
Mais c'est ma rouquine, le centre de tous les regards. Et j'suis plutôt fier, que ce soit à moi qu'elle parle.
Alors on papote comme ça, sans parler ni d'elle ni de moi, absolument rien de personnel, jusqu'à ce que tout le monde la juge cuite et que je lui appelle un taxi. Je suis étonné par ma capacité à la ramener à la sortie du bar - en marchant droit, surtout - et à me servir de mon téléphone. Je tiens mieux l'alcool que ce qu'ils pensent. Titubant devant son carrosse, mademoiselle me retient.

« Rentre avec moi. »

C'est tellement peu raisonnable que je refuse, une première fois. Mais elle insiste, et pour me convaincre de garder cette si bonne résolution, j'imagine tout ce qu'il pourrait se passer entre deux poivrots qui rentrent bras dessus, bras dessous dans l'appartement de la poivrote ... Cela achève de me décider. Je monte avec elle dans la voiture et arrive ce qui devait arriver.
On a fini dans son lit.
Je lui ai demandé son prénom lorsqu'on s'est réveillé.
Angélique. Ma belle Angélique ...


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