Jack

era-din

Il était une fois, dans un petit village d'Irlande, un homme nommé Jack. Cet homme vivait paisiblement, comme chaque habitant de sa paroisse, au rythme nonchalant de son existence. Mais malgré sa vie heureuse, Jack avait une faiblesse. L'alcool était sa plus grande passion, et il trouvait chaque jour de nouveaux moyens d'assouvir sa soif, allant de pubs en pubs, et de tavernes en tavernes. Il buvait tant et si bien que bientôt tous les tenanciers et tenancières de la région connurent son nom, son visage, et sa consommation coutumière comme l'on connaît une fable ou une comptine enfantine. Cet engouement pour les spiritueux était venu à Jack très tôt, dés sa quatorzième année plus précisément. Il ne cessa dés lors de se faire de nombreux amis, qui l’appréciaient pour sa façon d'être joviale, et sa vision de la vie toujours optimiste.

Mais, quelques jours précédant son anniversaire, l'un de ses amis lui demanda, alors qu'ils étaient tous deux assis dans un pub, bien évidemment :

« - Jack... N'as-tu jamais pensé à te marier ? À faire autre chose de ton existence que de simplement arpenter les tavernes ?

Pourquoi se presser ?! Répondit Jack, Il me reste bien du temps à vivre ! Et il existe suffisamment de jouvencelles en ce pays pour satisfaire tous les hommes ! Ne t'en fais donc pas, viendra le jour où je me marierai, mais ce jour n'est pas encore venu ! »

A ces bonnes paroles, les amis trinquèrent, ce qui fit résonner leur chopes à travers le tumulte environnant du pub, sonnant malicieusement l'heure pour Jack de briser le brouhaha de la salle en proposant une tournée à chacun des buveurs présents ce soir-là.

Plusieurs nuits et plusieurs jours passèrent, et vint le soir des vingt-cinq ans de Jack. Bien évidemment, toujours aussi passionné par les reflets dorés de la bière et la lumière orangée du Whiskey, Jack but encore plus qu'a l'accoutumée, et finit par s'écrouler sur sa table. Alors que la serveuse balayait la salle maintenant désertée, son espace vide occupée par les seuls ronflements de notre buveur, le clocher de l’Église sonna les cinq heures matinales. Le tavernier vint doucement réveiller Jack, le bousculant du coude tout en essuyant une chopine de ses mains. Jack comprit tout à fait la situation, et se leva encore titubant sous l'effet de l'alcool ingéré la veille, pour se diriger vers la porte, qu'il ouvrit tant bien que mal. En ce matin d'automne, le premier novembre, la nuit enveloppait encore le petit hameau dans son linceul ténébreux, tout comme Jack, qui rassemblait tous ses efforts pour retrouver la route de sa chaumière.

Alors qu'il trébuchait paisiblement au milieu des rues, une vive lumière apparue devant Jack, tel un feu de joie spontané, allumé par quelques Leprechauns farceurs. Jack mit d'abord du temps à se rendre compte de la bizarrerie de la situation, et alors qu'il finit par réaliser ce qu'il avait devant les yeux, une silhouette, affublée de deux cornes, à la peau rouge et aux pattes de bouc émergea du feu. Jack conscient que l'alcool coulait toujours dans ses veines commença par balbutier :

« - J-J.... T'es- T'es qui, toi ?!

Du calme, mortel. N'aie pas peur.

J- J'ai pas p-peur, je sais pas qui t'es, c'est t-tout ! *hic*

Oh. Et bien, ma silhouette ne te dit rien ?

G-Gallagher ?! C'est toi Gallagher ? Aaaah, vieux soulard !*hic* On t'a pas vu à mon anniversaire dis moi ! *hips*

Mais non ! Je ne suis pas Gallagher, crétin d'ivrogne ! Je suis le diable !

Oh, o- oui, j'avais vu ! *hips*

…. Certes. Et je suis là pour prendre ton âme.

M- mon âme ? Mais je suis pas mort !

Justement, si. Ton heure est venue.

Mais c'est pas p-possible, je viens d'avoir vingt-cinq ans.

Ta vie d'alcoolique t'a valu une cirrhose, pauvre âme. Je dois donc te ramener en Enfer, et ce dés à présent.

L-Lucifer, y- ya aucun moyen que je puisse éviter ça ?

Et bien.. On pourrait passer un pacte !

Ah, ah oui, oui oui oui, très bien ça, le p... le p... le p-

Pacte. Très bien, que désires-tu ?

Je veuuux... Une chance de refaire ma vie. Encore cinq années ! Après, tu pourras revenir me chercher ! Le temps de connaître les plaisirs offerts par une femme ! Tu me dois bien de connaître tous les plaisirs, avant de m'infliger tous les supplices !

Soit. Je suis joueur, et je suis bon. Accordé. Je te laisse cinq ans. Mais le jour-même de tes 30 ans, je viendrai prendre ton âme, quoiqu'il advienne.

V- vendu ! *hips* »

Ainsi, Jack parcouru l'Irlande et se trouva une femme, une des plus belles d’Irlande, son visage était le plus fin qu'un homme ait connu, sa démarche gracieuse, et sa douceur digne des légendes. Jack était comblé par sa femme, aussi douée pour aimer que pour le devoir conjugal, et qui acceptait les plaisirs liquides de Jack. Pendant cinq ans, Jack vécut parfaitement heureux, puis vint le jour de son trentième anniversaire. Il n'avait parlé du pacte a personne, pas même à sa femme, mais lorsque l'un de ses amis vint le voir un matin qu'il s'en allait au pub, pour lui souhaiter un bon anniversaire, Jack se souvint brutalement du sort funeste qui l'attendait. Il se rua donc au pub, et s'assit à une table. Le plus troublant d'après les habitants du village fut qu'il ne quitta pas la table un seul instant. Personne ne comprit vraiment pourquoi, et ils crurent tous à la folie d'un alcoolique pour son anniversaire, son cerveau légèrement atteint par les litres qu'il avait ingurgité au fil des années. Cela n'empêcha en aucun cas la fête en l'honneur de son anniversaire, qui connu une issue relativement semblable à celle qui avait eu lieu cinq ans auparavant, ainsi que l'année d'avant, et l'année précédente, et l'année précédente, et ainsi de suite. Alors que Jack luttait pour ne pas s'écrouler sur la table, encore une fois harassé par les spiritueux, il demanda l'heure au tavernier, qui jeta un vif regard par la fenêtre en direction de l’Église et qui répondit qu'il était vingt-trois heures et cinquante neuf minutes. Jack était à la fois soulagé et confus. Le diable avait-il oublié le pacte ? N'en voulait-il plus à Jack ?

Mais, le Diable n'oublie jamais, et il apparu dans son plus bel habit d'apparat, un chapeau melon vissé sur la tête et une montre-gousset en main, tout en stoppant le temps autour de lui. Tous les poivrots et l'intégralité du personnel de la taverne étaient à présent figés, tous, sauf Jack, qui fixa pendant un temps le démon qui se tenait devant lui, tout en lui faisant signe de s'avancer vers une porte qui se tenait en plein milieu du pub, une porte sans gond ni mur, la porte qui menait aux enfers. Jack se leva, puis monta sur la table. Lucifer, surpris d'abord, le fixa d'un air drôle, puis lassé, commença à le rappeler à l'ordre :

« - Jack. Nous avions un contrat. Viens-là immédiatement. Tout le monde t'attend en bas.

J-J'ai pas envie ! Dit-il, en remuant sa pinte.

Viens immédiatement, ivrogne !

Viens me chercher, l'cornu !

Très bien... »

Et à ses mots, Lucifer entreprit de prendre le pauvre Jack sur ses épaules et le ramener dans les enfers par lui même. Cependant, au moment même où Lucifer voulu monter lui aussi sur la table, il ne put s’exécuter, ni même poser ne serait-ce que sa main sur l'objet. Jack riait et dansait de bon cœur tout en se moquant du démon, qui excédé, cria :

« - Jack ! Qu'as-tu fait misérable ?!

Et baaaaah, j'ai été plus malin que toi héhé... Après une longue pause, laissant presque croire à son endormissement, il reprit, Regarde ça ! Héhé ! Ajouta-t-il, montrant du doigt une croix qu'il avait taillé sur la table, c'est bête hein ! Héhé !

Gah ! Très bien ! Que veux-tu encore cette fois, que dois-je faire pour acquérir ton âme ?!

Laisse moi vivre encore cinq ans, le temps de connaître le plaisir de voir mes enfants grandir. Tu me dois bien ça ! *hips*

Je ne te dois rien. Mais je dois prendre ton âme. Soit. Alors le jour de tes trente-cinq ans, le jour-même, à cette heure précise, je viendrai prendre ton âme pour l’emmener avec moi. A jamais.

Ç- ça roule ma poule ! »

Le diable disparut, et Jack finit sa soirée à boire et à trinquer tout au son des rires de ses camarades, heureux qu'ils étaient de fêter l'anniversaire de ce bon vieux Jack, qui, ils étaient sûrs, allait tous les enterrer.

Cinq années s'écoulèrent, et comme Jack l'avait dit au Démon, il vit son fils grandir, jusqu'à l'âge de 5 ans, et pendant ces 5 années, Jack vécu encore plus heureux que les 5 précédentes, sa famille qui le comblait totalement lui éclairait chaque jour un peu plus son existence, sa femme était toujours aussi belle, et il était plus que jamais fier de son fils. Mais vint le jour du trente-et-un octobre. Aussi, ce jour, personne ne vit Jack à la taverne, ce qui était à la fois rassurant et inquiétant. La seule personne, outre sa famille, qui l'aperçut était l'épicier, à qui, paraît-il, Jack avait acheté une dizaine de bouteilles de whiskey. La journée s'écoula paisiblement dans le petit village toujours tranquille, et puis vint l'heure fatidique de vingt-trois heures et cinquante neuf minutes. Le temps se figea, exactement de la même façon que cinq ans auparavant, et Jack était là, assis dans l'arbre de la place du village. Le même feu ardent que la décennie précédente apparut, et encore une fois en sortit le diable l'air lassé.

« - Bon Jack, ça y est. Ton sursis est terminé. Tu viens avec moi aujourd'hui. Puisque que comme chacun sait, je suis bon, je t'autorise à dire au revoir à tes amis et ta famille.

Ah, ah nan je crois pas ! Répondit l'acrobate, faisant tomber 3 bouteilles de whiskey vides.

Tiens donc ? Ta vie ne t'aurait donc pas combler, tu préfères partir en silence ?

N- nan, corniaud de bouc, je crois pas que je vais venir avec toi ! »

Un air à la fois désespéré et blasé s'empara du visage de Lucifer. Il leva les yeux au ciel, jeta un coup d’œil au stock de bouteilles habilement maintenu dans l'arbre, puis dans un grand soupir reprit :

« - Ah ? Et pourquoi cela ?

V- viens me chercher ! Répondit Jack d'un air malicieux et fier. »

Le diable s’exécuta, encore plus las qu'auparavant, et au moment de grimper sur l'arbre, il ne put poser la moindre partie de son corps sur le vieux chêne. Il en fit le tour, et remarqua une croix taillée sur le tronc, une croix taillée à la hâte, et maladroitement. Une croix taillée par Jack.

« - Très bien, quoi encore cette fois ?! Le diable paraissait cette fois plus énervé que lassé, ce qui ne dérouta pas Jack.

Laisse-moi vivre ma vie. Toute ma vie ! Tu viendras me chercher une fois mon existence finie !

Soit. »

Et le diable disparut sans en dire plus. Ces adieux froids par le maître des enfers n'ébranla pas Jack, qui cria au cœur de la nuit un vibrant, mais puissant « J'boirai à ta santé Lulu ! ».

Et c'est ainsi que la vie de Jack s'écoula doucement, et paisiblement. Il vit son fils grandir et devenir un homme. Il continua à boire chaque jour au pub. Et malgré l'âge, sa femme restait sublime, et ils vieillirent tous les deux, heureux. Comme ses amis le pensaient, Jack enterra presque toute sa génération, et il put voir ses amis partir, un par un, ainsi que sa femme. Mais ces morts ne l'attristait guère, car il savait très bien que chacun de ces bons ivrognes avaient vécu heureux, et que sa femme avait apprécié sa vie également. De plus, il savait qu'après la mort, une plus belle vie encore les attendait dans l'au-delà, de là, aucune peine n'emplissait son âme. Et, comme le bon vin, avec l'âge, Jack se bonifia, et il arrêta de boire en grande quantité, et finit de vivre paisiblement, mourant de vieillesse dans son lit, son fils à ses côtés. Son âme quitta son corps, et sa vie terminée, Jack traîna sa silhouette fantomatique aux portes de Lucifer, sachant précisément que c'était là qu'il était attendu. Il frappa vigoureusement à la porte, qui s'ouvrit sans une seconde d'attente, sur le diable, une pipe à la bouche, une robe de chambre sur les épaules, qui s'exclama, tout en crachant de la fumée au visage de la pauvre âme :

« - Ah ! Jack ! Tiens donc ! Ça faisait longtemps dis moi !

Hé oui mon cher Lucifer ! Mais comme promis, me voilà !

Hm... Et bien...

Oui ?

Et bien non. Tu ne rentres pas. Tu t'es joué de moi durant toute ton existence. Tu t'es targué d'être plus malin que moi. Maintenant, comprends que l'on ne joue pas avec moi.

Mais--

Retournes d'où tu viens. Tu n'es plus le bienvenu ici. Oh, et n'essaye même pas là-haut. Il te rirait au nez.

Mais alors, que vais-je faire ?

Errer. Tu n'as pas le choix, rien d'autre ne s'offre à toi. Le repos éternel n'est plus pour toi. Adieu Jack. Et passe une bonne vie à errer sur terre. »

Et le dernier bruit que Jack entendit de la part du Diable fut un claquement de porte sec et autoritaire. Le pauvre Jack trimbalait son âme de village en village, la nuit exclusivement, et les villageois l'entendait se plaindre, ses quelques geignements pouvant effrayer les moins valeureux. Après une année entière à errer, Jack fut lasser de l'obscurité de sa vie d'âme errante, et il prit la décision de s'éclairer par une lanterne. Le seul problème fut qu'il n'avait aucune lanterne à disposition. Il se dirigea alors vers le potager le plus proche, et arracha un navet, qu'il creusa à l'aide du couteau qui l'avait permis de graver la croix sur la table et l'arbre qui moquèrent le Diable, et il déposa une bougie à l'intérieur, afin qu'elle ne s’éteignit pas par la cause de la pluie. Les habitants, d'abord effrayés par cette vision se prirent d'affection pour Jack, puis de pitié. Depuis ce jour, chacun éclaire une ou plusieurs citrouilles pour guider le chemin du pauvre ivrogne, et ces citrouilles, nommées ainsi les Jack'O'Lantern, affublées de visages effrayants et torturés, repousse la mauvaise influence de Lucifer, espérant qu'ainsi Jack puisse parcourir le monde et finalement trouver le repos éternel, quelque part sur notre petite planète. Un jour, peut-être...

Signaler ce texte