J’AI MON JULES

suemai

Pour tous les horribles dîners de tante Gertrude, là où je dois supporter les tapes sur les fesses de l'oncle Georges, l'odeur pestiférée du parfum de ma sœur aînée Juliette, la verve intarissable du cousin Henri, qui se répète constamment, de la petite Clarence qui s'amuse à nous inonder de bulles de savons, des flatulences de l'oncle Félix, des rires gras et grossiers de mon père, la liste est longue :

HEUREUSEMENT, J'AI MON JULES.

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Pour tous ces noëls insoutenables, où le déballage de cadeaux n'en finit plus, les mousseux, les amuse-gueules, puis le repas, la dinde farcie et sa sauce, le chapon, le boudin blanc, la poularde aux marrons, cailles truffées, les pâtés de toutes sortes, la purée de pommes de terre, les atocas, la canneberge en aspic, en gelée, en salade. La célèbre buche mystérieuse... on ne sait jamais avec quels ingrédients elle est fabriquée, le répertoire des chansons, les danses d'antan, les sourires accrochés, les joues rosies, les histoires, toujours les mêmes et l'impossibilité de quitter avant l'aurore :

HEUREUSEMENT, J'AI MON JULES.

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Pour les cocktails avec les copines, les confidences qui ne sont que des calomnies déguisées, les projets de vacance, les salons de thé, les centres de thalassothérapie, la manucure, le salon de beauté, le lèche-vitrine, les achats, les jalousies, les tromperies, le cardio, les longueurs de piscine, le futur mariage de Josette... enfin nous le souhaitons toutes, ainsi que tout ce qui devient rasoir :

HEUREUSEMENT, J'AI MON JULES.

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Pour les enterrements, salons funéraires, messe, services, prières, sympathies, bises, serre-pince, accolades, les larmes, les crises d'hyperventilation, les tenues de circonstances, le cercueil de chêne, rien de moins, la mise sous terre, les discours, tous semblables avec quelques nuances, les re-bises, les ré-accolades, les re-serre-pinces et ces repas fastueux et mortuaires, où ils se gavent tous :

HEUREUSEMENT, J'AI MON JULES.

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Pour la pâque, le nouvel an, la Toussaint, l'Ascension, la Pentecôte, l'Assomption, le Mardi gras, l'Épiphanie, l'Annonciation, le Baptême du christ, le Carême, le Mi-carême, la Saint-Joseph, le Dimanche des Rameaux, le Vendredi-Saint, l'Immaculée Conception, la Sainte Trinité, les fêtes de Saint Jean-Baptiste, Saint-Pierre, Saint-Paul, Saint Nicolas, Sainte Cécile, Saint Étienne, Saint-Jean, Jeanne d'Arc, la Sainte Famille, la Fête des morts, l'armistice, la Saint-Valentin, La fête nationale, l'Hommage aux anciens combattants, la fête des mères, la fête des pères, la fête des grand-mères, la fête des grand-père, la journée internationale des droits des femmes, la fête du travail, la fête de la nature, la fête de la musique, la fête des voisins, la fête de la Gastronomie, l'Halloween :

HEUREUSEMENT, J'AI MON JULES.

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Aujourd'hui, je pleure, je crie, je maudis tout, je casse tout, j'arrache tout, je déchire mes vêtements, j'engueule tout le monde, je deviens folle, un médecin me donne un léger tranquillisant, Mme St-Gelais demeure près de moi. Je cesse de pleurer. Je ne parle plus, c'est la catatonie et l'hôpital.

AUJOURD'HUI, J'AI PERDU MON JULES...

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Voilà un an que mon Jules est décédé. Je suis internée. J'additionne les secondes. Tout ce temps dans ma tête à me souvenir. Je vomis chaque jour. Mais je sais que bientôt, oui... très bientôt :

J'IRAI RETROUVER MON JULES.

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... L'origine de ce terme en revanche est plutôt difficile à cerner mais il semblerait que le Jules qui est à l'origine de ce terme soit en fait une femme. En effet, Yolande de Polastron était proche de la reine Marie Antoinette.

... Cette confidente intime était l'épouse du comte Jules de Polignac et les proches du roi l'auraient donc désignée par le prénom de son mari pour éviter de prêter une relation homosexuelle à la reine.

Plutôt que de dire que la reine était au plumard avec Yolande, on disait donc qu'elle était avec son Jules. 
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