J’ai rêvé.

Marcus Volk

J'ai rêvé. Je rêve dorénavant chaque nuit. Plusieurs rêves. En exploration de ma mémoire lacérée, accidentée. Comme ces disques durs où le catalogue de partition est détruit mais les données toujours présentes. Sauf que les données sont mélangées. Les dates se mélangent. Des visages connus certainement, apparaissent et disparaissent mais je ne saisis pas mon histoire avec eux. Et des visages inconnus que j'ai certainement croisé mais dont je ne me rappelle pas. 

Les médecins m'avaient prévenu. Pourtant. Avec le temps je m'étais dit que je n'y arriverai pas. Regarder une photo de moi enfant avec mon grand père officier de marine et ne rien se souvenir. Par exemple. 

Donc j'ai rêvé. Rêve onirique. Et érotique. Mélange de passé et de futur entremêlés car je ne me souviens pas l'avoir vécu. 

Il y avait ce muret de pierre. Il y avait un ciel bleu. Une douce chaleur estivale. Et toi. Dont je devinais la présence mais que je n'osais regarder. Si belle. Si étrange. Si rebelle. Re-belle. Avec cette pointe d'agacement que je sentais sans te regarder. Je voyais sans le voir ton regard sourire. Et j'étais crucifié. Ivre presque. Vague de chaleur. Bouffée de bonheur. 

Il y avait ce lit. À barreaux noirs de fer forgé. Ces draps blancs brodés à nos initiales. 

Tes mains qui serraient ces barreaux. Noirs en fer torsadé. A t'en faire pêter les jointures au fur et à mesure que j'arpentais ton corps si délicat, si tendre, de mon empreinte. Mes mains sur tes épaules à chaque coup de rein plus intense, plus profond, lent, asymétrique dans ton ventre. Tes gémissements emplissant mon esprit rempli de constellations…

Il y avait ce drap posé à terre. Sur le plancher nu. Les persiennes blanches entrouvertes sur un reste d'après-midi. Une bouteille de champagne rosé à moitié entamée. Des fraises, du raisin noir, quelques framboises avec lesquels nous jouions sur nos corps moites de nos fluides. 

Je te revois me regarder, avec ce sourire, ton sourire. Celui là je le sais, je ne l'ai pas rêvé. Je l'ai reçu. À maintes reprises. Il est gravé. À jamais. 

Je me suis réveillé, 40 min avant mon réveil programmé de 6h. Le livre de Saint-Exupery avait glissé… je me suis endormi en le lisant. 

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