J'ai trouvé du travail
Jean Louis Bordessoules
J'ai trouvé du travail !
Sketch
Jean-Louis BORDESSOULES
bordessoules@orange.fr
Durée approximative : 20 minutes
Synopsis
Le personnage est heureux d'avoir trouvé du travail, malgré des antécédants scolaires particuliers et guère envie de travailler...
Personnages
Un homme jeune (20-25 ans)
Décor
Rien
Costumes
Rien
Je suis super heureux, j'ai trouvé du travail !
Pourtant, c'était mal parti. Tout petit, figurez-vous que j'ai commencé par redoubler mon CP. Alors, pas plus con qu'un autre, en copiant sur mes copains et avec des anti-sèches, j'ai réussi à passer en CE1, puis en CE2 et finalement, en CM1. Là, c'est devenu difficile. Les instituteurs... pardon, les professeurs des écoles avaient des doutes et me surveillaient de plus en plus. Ils m'ont tellement fliqué que j'ai dû redoubler CM1 et CM2. Mais je les ai quand même eus à l'usure !
Tiens, je me souviens d'une histoire en CM1... J'étais en train de faire de l'enthomologie... enfin... je regardais des mouches voler, quant tout à coup, l'institutrice, mademoiselle Lepinsec me réveille sans s'excuser et s'adresse à moi : « Michel, répète ce que je viens de dire ! ». Alors je prends le temps de me lever, lentement, histoire de gagner du temps, j'essaie de me concentrer sur ce que j'ai pu entendre, je bredouille un « Heu... » hésitant... « Michel, tu rêvais, comme d'habitude ! Alors, qu'est-ce que je viens de dire ? ». C'est alors que mon voisin de table me souffle sournoisement : « fellation ». Alors moi, sans réfléchir, soulagé, je répète : « Heu... vous parliez de fellation, m'dame ». Vous imaginez la tête de mademoiselle Lepinsec ! C'était le genre de vieille fille, toujours tirée à quatre épingles, tous les matins à la messe avant d'aller à l'école, le dimanche elle faisait la quête et le mercredi le cathéchisme... Je la soupçonne même d'avoir fait son thé à l'eau bénite. Oui, oui, figurez-vous que je l'ai vue un jour prendre de l'eau dans le bénitier. J'ai eu chaud ce jour-là d'ailleurs, c'était justement le jour où j'étais venu mettre de l'encre dedans... Bref, quand je lui ai parlé de fellation en plein cours, elle est devenue toute rouge, a suffoqué, s'est appuyée sur le bureau, a fait son signe de croix cinq ou six fois (on peut mimer la scène), jai bien cru qu'elle allait avaler son crucifix et c'est tout juste si elle ne m'a pas jeté l'anathème... Finalement, elle s'est souvenue qu'elle était dans une école laïque, et elle m'a dit, faisant preuve d'un self-contrôle admirable : « Petit misérable ! Jeune dévoyé ! Eh bien tu vas me copier sur une feuille la définition du mot... enfin de celui que tu viens de prononcer, et le faire signer par tes parents pour demain ! ». Je me suis rassis sans trop comprendre... À la récré les copains m'ont expliqué, et là, j'ai commencé à paniquer dur... J'imaginais la tête de mes parents et la punition qui va avec. Finalement, j'ai été sauvé par le premier de la classe qui m'a soufflé le moyen de m'en sortir. Voilà ce que j'ai écrit : Fêler, action de fendre un objet sans en séparer les parties. Verbe qui aurait été employé la première fois par celui qui a cassé le vase de Soisson et qui se serait exclamé : « Il eut mieux valut que nous le fêlassions ». Mes parents n'ont pas trop compris pourquoi je leur demandais de signer ça, mais c'est passé... Quant à mademoiselle Lepinsec le lendemain... elle a grommelé des mots du genre « petit voyou », m'a menacé des flammes de l'enfer si je récidivais, mais n'a pas insisté ! Du coup, j'avais quand même appris l'imparfait du subjonctif...
Finalement mes efforts ont payé et je suis quand même parvenu en 6e... avec en prime une solide expérience de la fraude scolaire. D'autant plus que j'avais compris la quintessence de la philosophie de l'éducation nationale : l'essentiel n'est pas de raisonner mais de recracher ce que l'on a appris par coeur. C'est d'ailleurs à cela que nous devons la nullité de notre classe politique qui fait rire le monde entier ; nous, moins... Et ils entretiennent la tradition, bien sûr, histoire de pouvoir continuer à magouiller en paix. Imaginez qu'ils changent les règles du jeu et apprennent aux gens à réfléchir : ils ne feraient pas long feu... Mais je diverge... Non, madame, ne soyez pas offusquée, je ne fais pas une plaisanterie salace. Quand je dis que je diverge, je ne dis pas verge, mais je dis que je m'éloigne du sujet, de « di-verger »... Mais non, madame, je ne parle pas non plus de culture fruitière, quand je parle de diverger, il ne s'agit pas de deux fois cinq vergers, mais du verbe diverger, changer de direction... Bref, revenons à nos moutons. Mais non, madame, je ne veux pas non plus parler d'élevage ! Laissez-moi parler, à la fin. Pour une fois que ça commençait à devenir intéressant ! Je reviens donc à ma scolarité. Je me suis débrouillé, bon an mal an, à passer de la 6e à la terminale en ne redoublant que deux fois... et sans rien apprendre ! Au bac, par contre, pas question de tricher. Ou si peu... Si bien que j'ai eu 23 ans, pas le bac... et pas non plus les félicitations de mes parents.
Alors : direction le centre d'orientation. J'ai rencontré un conseiller d'orientation.
C'est bizarre, d'ailleurs, ce mot : orientation. Ben oui... Pourquoi pas occidentation ? Pourquoi nous envoyer vers l'Orient ? Un coup d'Al Quaïda ? Et pourquoi pas le Sud ? ... Non, là, c'est pas possible, la sudation, c'est un mot qui est déjà pris. C'est une marque déposée de la transpiration. Pas de ma faute. Mais on pourrait aussi rester rester chez nous, tout simplement, on appellerait ça la sarkozytation... Non, finalement, c'est pas une bonne idée, vaut encore mieux l'orientation.
Bref, j'ai rencontré un conseiller non pas de sarkosytation, mais d'orientation. Le genre qui sait pas grand chose mais qui se donne des airs et veut donner des leçons... « Eh bien voyez-vous, mon jeune ami, il faut se rendre à l'évidence, vous ne semblez pas fait pour les études. » Tu parles ! Je m'en étais un peu aperçu. « Vous pourriez vous présenter à nouveau au bac en candidat libre, mais commencer des études supérieures à 24 ou 25 ans, cela vous amènerait à prendre votre retraite à 80 ans, ce que je ne vous conseille pas. » Et en plus, il se fout de ma gueule, le conseiller ! « Compte tenu de vos compétences et aptitudes, tout ce que je pourrais vous conseiller, c'est de vous lancer dans la politique, mais vous êtes un peu jeune. » Alors là, il m'a soufflé, le gars. Je n'y avais pas pensé, mais avec mon sens de la magouille et de la fraude, j'ai toutes les qualités requises. Mais il avait raison, je suis un peu jeune. « Finalement, le seul conseil que je puisse vous donner, c'est de vous présenter au Pôle emploi. Au revoir, jeune homme. » Les boules ! C'est que je n'avais pas envie de travailler, moi ! J'étais bien, au lycée.
Il était temps, parce qu'à la maison, cela devenait tendu. Il faut dire que rater son bac à 23 ans et être encore chez ses parents...
Oh, je sentais bien que malgré les bonnes paroles « mais non, mon chéri, tu seras toujours ici chez toi, tu ne nous déranges pas » (voix du père, mâle, grave, mais désespérée, le ton contredit les paroles), il n'avaient qu'une hâte, c'était que je parte. Je m'apercevais bien aussi qu'ils avaient un peu honte, quand il recevaient des amis (« vous connaissez Gérard, notre grand fils. Il vient juste de terminer ses études et cherche activement du travail, mais c'est dur, vous savez » (voix de la mère, très mondaine, trop enjouée, faussement gaie) ; sans en avoir l'air, ils me mettaient la pression. Mais qu'est-ce qu'ils imaginent ? Moi aussi, j'avais honte, quand je recevais des copains « faites pas attention, les gars, mais mes parents habitent encore chez moi... » (voix d'ado branché, qui veut se la péter). C'est pas facile à vivre non plus, ce genre de situation.
Mais bon, puisque mes parents ne semblaient pas vouloir prendre leur indépendance, j'ai fini par me dire qu'il fallait que ce soit moi qui fasse l'effort.
Je me suis donc résolu, la mort dans l'âme, à aller au Pôle emploi.
Avant, on avait le pôle Nord et le pôle Sud, maintenant on a en plus le Pôle Emploi... Je ne sais pas si vous avez déjà cherché du travail au pôle Nord ou au pôle Sud, mais c'est chaud ! Enfin, façon de parler... Eh bien au Pôle Emploi, c'est pareil. L'accueil est glacial et on vous prend pour un manchot ou un pingouin. Je sais, je devrais me regarder devant la glace avant de les critiquer, mais j'ai un côté ours... on ne se refait pas.
Et alors avec la conseillère du Pôle Emploi (femme entre deux âges, fatiguée, peut-être somnolente, épuisée, on imagine qu'elle a déjà fait 20 fois la même chose avec les 20 personnes précédentes, elle n'en peut plus, et fait son boulot sans conviction, par routine)... ça n'a pas été facile. Déjà l'accueil.
Bonjour.
Bonjour Madame.
Vous êtes bien M. Gérard Michel, enfin Michel Gérard... ou l'inverse, merde, à la fin. Votre nom, c'est quoi ?
Michel, madame.
Monsieur Michel, donc. Gérard Michel. Je corrige votre dossier. (mimer une intervention longue et compliquée sur un ordinateur) F12... contrôle R... Alt graphique TGH... Taper 4 fois sur entrée-entrée-entrée-entrée... F8 taper change name... valider en appuyant 6 fois sur entrée-entrée-entrée-entrée-entrée-entrée... new name... F56... G-É-R-A-R-D... Merde ! Le «e accent» ne passe pas ! Exit... exit... F78... contrôle H... alt graphique TGH... exit F4... Vous avez votre dossier complet, monsieur Michel Gérard ? Et dépêchez-vous, j'ai 20 minutes pour l'entretien et il me faut un quart d'heure pour entrer les informations sur l'informatique !
Voilà, madame. (le comédien mime le geste de donner un dossier très très volumineux)
Voyons... attestation de domicile, contrôle-alt graphique—majuscule-KDC-F5... carte de sécurité sociale, contrôle-alt graphique—majuscule-KDC-F5...carte grise, contrôle-alt graphique—majuscule-KDC-F5... attestation d'assurance du véhicule, contrôle-alt graphique—majuscule-KDC-F5... permis de conduire, contrôle-alt graphique—majuscule-KDC-F5... carte d'électeur, contrôle-alt graphique—majuscule-KDC-F5... attestation d'assurance responsabilité civile, contrôle-alt graphique—majuscule-KDC-F5... extrait de naissance, contrôle-alt graphique—majuscule-KDC-F5... extrait de naissance des parents, contrôle-alt graphique—majuscule-KDC-F5... extrait de naissance des grands-parents, contrôle-alt graphique—majuscule-KDC-F5... relevé d'identité bancaire, copie des diplômes obtenus, contrôle-alt graphique—majuscule-KDC-F5... bilan sanguin, contrôle-alt graphique—majuscule-KDC-F5... certificat médical, certificat de nationalité, contrôle-alt graphique—majuscule-KDC-F5... certificat de bonne moralité politique, contrôle-alt graphique—majuscule-KDC-F5... certificat d'aryanité, contrôle-alt graphique—majuscule-KDC-F5... carte d'adhésion à l'UMP... contrôle-alt graphique—majuscule-KDC-F5... ben ? Et votre CV ?
Le voilà, madame...
Nom de Dieu ! .... (elle fait son signe de croix)
Là, elle m'a foutu la pétoche la conseillère du Pôle emploi ! Déjà que je n'étais pas rassuré en arrivant...
Pour tout vous dire, j'avais jeté un oeil aux offres d'emploi, et ça, je n'aurai jamais dû le faire. Ça vous fout le moral à zéro vite fait. Allez, je vous donne un exemple d'offre, juste pour rire... enfin, pour rire... : Recherche, niveau bac + 5, compétences et expériences d'au moins 3 ans exigées en comptabilité, électro-mécanique et chirurgie. Temps partiel, rémunération smic. Il y a quelqu'un que ça intéresse ? Y a-t-il un comptable-mécanicien-chirurgien dans la salle ? Autre exemple : Recherche thanatopracteur (thanatopracteur, c'est le gars qui fait de la chirurgie esthétique sur les morts), diplôme et expérience exigés, CAP boucherie accepté. Temps partiel 12 heures par semaine, déplacements à la charge du salarié sur Lille, Nice et Bayonne, rémunération smic. Sympa...
Finalement, elle a essayé d'être positive :
- Mais vous savez, monsieur Gérard, enfin, monsieur Michel, non, monsieur Gérard ou Michel, enfin merde, à la fin... finalement ce n'est pas si négatif que cela... comme vous n'avez aucune spécialité, vous pouvez aller dans n'importe quelle branche...
- Euh... Oui, madame.
(En aparte au public) Moi j'ai surtout pensé aux branches pourries.
Bien. Nous allons regarder si des offres pourraient vous convenir... (elle consulte son écran) alt-contrôle-F9, entrée-entrée-entrée, shift YHI, code opérateur, entrée-entrée-entrée, code unité, entrée-entrée-entrée, code cible, entrée-entrée-entrée, F3, code allocataire... entrée-entrée-entrée, contrôle-majuscule F2, entrée-entrée-entrée, F12, entrée-entrée-entrée, voilà les offres. (en changeant de ton à chaque non, il peut y avoir une progression, la conseillère s'énerve et désespère de plus en plus de trouver quelque chose) Non... Non... Non... Non... Non... Non... Non... Non... Non... (mon moral descendait à chaque non) Non... Pfff... Non...Non...Non...Non... Pfff... Non...Non... Ah ? Non ! Non... Non... Non... Ah ? Ecoutez-ça, ça peut peut-être le faire : mutinationale implantée à l'est de Paris, cherche à pourvoir poste de relations publiques. Autonomie, sens de l'initiative, disponibilité. Physique avantageux (elle s'arrête, regarde son interlocuteur virtuel, fait la moue et reprend). On fera avec... Aimer les animaux. Poste à pourvoir d'urgence. On tente ?
Oh oui, madame !
Eh bien je leur transmets votre CV, on verra bien. Sinon je vous conseille de consulter tous les jours les offres d'emploi. On se revoit dans un mois. Au revoir, monsieur Gérard, monsieur Michel... monsieur machin. Contrôle-shift F7, alt graphique VBN, F98, entrée-entrée-entrée, code config base, entrée-entrée-entrée, (decrescendo)...
Au revoir, madame.
Deux jours après j'avais rendez-vous chez... vous de devinerez jamais ! Chez Eurodisney ! Eh oui !
C'est la responsable des ressources humaines qui m'a reçu. Raide, les cheveux tirés en arrière, tailleur strict, soeur Sourire, quoi. Elle m'a fait asseoir, pas aimable :
Hi, Gérard, c'est votre nom ou votre prénom ? It is your name or your forname ?
Ben... c'est mon prénom...
Anyway, je m'en fous. Dans notre company, il nous faut des winners. Des operators qui sont dans le move ! You understand ? Nous formons une véritable équipe gagnante, une dream team, the team wo gives dream to consumers ! The dream sellers ! Lords of the hapiness world ! C'est clair ? Bon. Votre CV... pas de casier judiciaire, vous êtes clean, vous avez fait un peu de théâtre... Marchez un peu, pour voir. Hurry, please...
Franchement, j'ai pas tout compris, mais j'ai marché dans son bureau.
Stop. Ça suffit, it's enough. On vous contactera. Au revoir monsieur Gérard. Non, Michel. Non, Gérard. Enfin merde, quoi. Bloody name you have. Au revoir.
Pfff... vous parlez d'un entretien d 'embauche ! En plus, j'étais sûr de ne pas être pris.
Et pourtant, deux jours après j'avais un coup de téléphone :
Monsieur Michel ? Enfin, monsieur Gérard ? Ou Michel ? Enfin merde, quoi... Shit !
Oui, c'est bien moi, Gérard Michel...
Vous êtes toujours intéressé par notre offre de poste ? Vous voulez rejoindre la team Disney ?
Bien sûr, monsieur !
Alors vous venez demain matin dès 9 heures sur notre site, au niveau de l'entrée du personnel. Vous recevrez toutes les indications par mail. See you tomorrow.
Super ! Enfin, je veux dire : merci ! Je prévois une tenue particulière ?
Non, rien, nous vous fournirons tout sur place. A demain, monsieur Gérard... Michel... Gérard, enfin merde, quoi. Bloody name, indeed.
Vous parlez si j'étais heureux ! Je me voyais déjà négocier les droits des produits Dysney dans le monde entier... (le comédien s'imagine au téléphone à un poste important de cadre commercial ou autre) : « Yesss, Gérard Michel from Eurodisney Paris (prononcer avec un exagéré et mauvais accent américain ; comme il manque de vocabulaire, il mélange français et anglais). You want to buy les droits for our new film ? You have beaucoup de pognon ? You know, c'est moi qui decide. I am the big chief. The winner...»
Donc le lendemain je me présente. Je signe des papiers sans regarder tellement j'étais content, et on m'indique le vestiaire pour pouvoir commencer. Je me demandais un peu pourquoi on m'envoyait au vestiaire pour traiter du commerce international, mais bon. J'ai vite compris.
Je vous rappelle les termes de l'annonce : un poste de relations publiques demandant autonomie, sens de l'initiative et disponibilité, ainsi que le goût du contact avec le public, physique avantageux et aimer les animaux... Je me suis retrouvé avec... un costume de Winnie l'ourson !
Je n'ai pas osé le dire ni à mes parents ni à mes copains. La honte, quoi ! Je reste évasif.
Ça va ton boulot ?
Ça va...
Monsieur le foreign business manager habillé en Winnie l'ourson !
Bon, ça n'a pas que des inconvénients. On est dehors, mais l'hiver on est au chaud. Au début, j'avais peur d'attraper des puces, mais non, ce n'est pas de la vraie peau d'ours. Mais je me grattais quand même, c'était nerveux.
Et puis ce qui est marrant, mais faut pas le dire aux chefs, c'est qu'on peut faire des grimaces aux gens sans qu'ils s'en aperçoivent. Faut bien compenser un peu... Mais les gamins sont casse-pieds ! Toujours à vouloir me tirer la queue... Y'en a marre. Des fois je me retiens de pas les baffer ! Mais même si je le faisais, allez donner une baffe avec de la peluche, vous ! Autant faire une caresse. Alors quand ils m'embêtaient trop, au début, j'ai voulu essayer de péter un grand coup.
Je sais, mesdames ! Ce n'est pas très élégant, mais on trouve les stratégies que l'on peut. Mais je ne l'ai pas fait deux fois, croyez-moi. Tout est resté dans le costume ! Imaginez l'horreur. L'odeur de pet mélangée avec celle de la sueur et le doux parfum de mes chaussettes... ne faites pas cette tête, madame, ce sont les conditions de travail chez Eurodisney. Quand vous irez et que vous verrez Winny l'ourson, vous penserez à moi et à mes chaussettes ! Bref, il a fallu une bonne demi-heure pour que ça finisse par partir... Un vrai cauchemar ! Depuis j'évite les féculents, croyez-moi !
Et puis heureusement qu'on a des poses ! Parce que pas moyen de boire un coup ou d'aller aux toilettes, avec ce foutu costume ! Surtout l'été ! Ah, l'été, c'est l'horreur. On transpire, sous ces saloperies ! C'est bien simple, comme on est trois à se relayer toute la journée dans le même costume, on finit par mettre des bottes dedans tellement c'est humide de transpiration ! Et je vous passe l'odeur... Si vous passez derrière une gentille collègue féminine, vous pouvez espérer un parfum agréable. Mais si vous passez derrière un collègue aux chaussettes fumantes... bonjour les dégâts ! J'en avais qui était un spécialiste. Le genre de gars qui se lave les pieds le 31 de chaque mois. Un jour, je me suis vengé. En plein mois d'août, avant de lui laisser le costume pour son tour de faire Winny pour égayer les gogos qui vont à Eurodisney, j'ai laissé un bon camembert bien fait au fond. Le résultat a dépassé mes espérances... On aurait dit que Winny avait un coup dans l'aile... (mimer Winny ivre).
Et pour varier un peu, des fois on remplace des collègues pour d'autres personnages. Je fais Mickey, Minnie, Dingo... Faut faire gaffe, quand c'est Minnie, parce que c'est une fille ! C'est pas les même gestes que Mickey qui est garçon. En français, on dit une souris que ce soit un mâle ou une femelle. Mais chez Disney, une souris mâle c'est Mickey, et une souris femelle, c'est Minnie. Et faut pas commettre d'imper, sinon les chefs nous tombent dessus. Minnie peut jouer à séduire des visiteurs hommes, mais pas des visiteuses ! Surtout pas ! Faut rester politiquement correct ! C'est ça la morale américaine : on escroque les gens, mais en faisant son signe de croix. Comme ça on est pardonné.
Enfin bon, c'est mon premier boulot, et c'est mes parents qui sont contents. Moi...