Jan et Morrisson -12-

aile68

Morrisson et moi roulons vers Milwaukee. J'ai envie de le voir, juste le voir, après j'aviserai. J'ai envie de le gifler, de lui dire combien j'ai souffert de sa bêtise, mais j'essaie de me calmer. Pourquoi? Je ne sais pas. Parce que dix ans ont passé, parce que Morrisson est avec moi, parce qu'il n'a peut-être pas digéré son inconscience. Morrisson ne dit rien, il regarde la route, consciencieusement, j'ai le regard fixé droit devant moi. J'ai envie d'allumer la radio, de me changer les idées, de rêver un peu. J'étouffe dans la voiture, je descends ma vitre il le remarque, me demande si ça va, je lui réponds: "oui, oui" distraitement. Encore deux heures de routes, c'est long et c'est court, je ne sais pas où j'en suis. Je me recroqueville contre l'habitacle de la voiture, histoire de tirer le signal d'alarme pour que Morrisson fasse quelque chose.

"On s'arrêtera à la prochaine aire d'autoroute. On prendra un café, ce que tu veux. Dis-moi ce qu'il y a dit mon ami qui se soucie (enfin) de moi!

- Un café, ça ira très bien, ou un thé bien chaud au citron. Tu veux savoir ce qu'il se passe? Je suis dans tous mes états. C'est fou, la situation est surréaliste. Nous roulons vers Milwaukee pour voir Jim et je ne sais toujours pas quelle attitude adopter avec lui. Mais il y a autre chose: j'ai envie de voir sa femme, sa fille, l'endroit où il vit, si c'est dans une maison, ou dans un immeuble. Il y a plein de zones d'ombres autour du meurtrier de Jan. 

- Oui, je comprends. Essaie de te calmer...

- Mais je ne fais que ça je réponds en n'osant hausser la voix car Morrisson n'y est pour rien.

- Ecoute, une fois que tu l'auras vu, ça ira mieux. Si tu veux cracher ta colère, vas-y ce sera le bon moment. Après tu auras des remords. Gifle-le, cogne-le, mais réagis. Ou alors, deuxième option, on ira s'asseoir gentiment dans un bar et on parlera comme des personnes civilisées me conseille mon ami.

- J'ai envie de faire les deux je dis en ne réussissant pas à me partager.

- Je doute que ce soit possible. Ou alors mais tu n'es pas obligée, tu le gifles après qu'on ait parlé. Et si tu veux voir sa femme, sa fille, l'endroit où il vit, et même si tu veux faire un petit coucou à ses parents ajoute-t-il en souriant, tu peux!

- Fiche-toi de moi!" je dis en esquissant un sourire.

Là, il me fait un sourire à tomber par terre. Je sens mes jambes trembler et mon coeur flancher.

(à suivre)

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