4 - La baleine
metis
Du sang sur les murs, du sang sur le sol, du sang sur les draps, du sang sur le plafond. Et forcément, l'odeur de la mort. Avant elle me faisait gerber, maintenant elle me stimule. Elle a au moins servi à éloigner la horde de costards qui me poursuivaient depuis mon arrivée dans le palace. Sur le lit, l'enquête de ma vie : Edouard LA BALEINE, PDG du groupe Total. Sa mort est un désastre pour le monde capitaliste, son assassinat, un tsunami pour ses membres. Quelles retombées économiques, politiques et publiques une telle nouvelle peut-elle produire ? Personne ne veut le savoir et c'est pour ça que je suis là. Pour classer l'affaire vite et bien. L'idéal : une dispute conjugale qui a mal tournée. Un coupable rapidement trouvé, qui ne fera pas de vague, évitant de déterrer les cadavres ou toute histoire glauque impliquant maitresse ou autre atteinte aux bonnes mœurs. Parce que des atteintes, dans la vie d'une telle personnalité, il doit y a en avoir à la pelle et si ce n'est pas sa femme, ça va sacrément compliquer mon affaire. Personne ne voudra me révéler ses habitudes de vie, je vois le déroulement d'ici. Un défilé de communicants, de porte-parole et de nettoyeurs, jamais je n'arriverai à connaitre sa vie. Et si la moitié des indices sur la scène de crime n'a pas disparu je peux m'estimer heureuse. Trop tard. Un objet rond sur la commode a déjà laissé sa trace de poussière, quand on pique les indices on pourrait au moins le faire bien. Idem sur le sol !
« Vous avez souvent vu une giclée de sang s'arrêter dans les airs pour reprendre sa jetée sur le sol ?
Lucas me sourit, il a compris, les costards se regardent, me regardent, se demandent à qui je parle et s'il faut répondre.
_ Allo, je vous pose une question simple non ?
_ Non, hésitent à répondre quelques costards.
_ Vous n'êtes donc pas si bête que ça !
Les regards se froncent, les cous se crispent, la tension monte.
_ Alors pourquoi quelqu'un a-t-il ramassé l'objet qui se trouvait parterre, sous la trainé de sang, laissant le tapis immaculé sur 3 cm de diamètre alors que du sang l'imbibe tout autour ?
Le malaise grandit, les regards fuient.
_ Où sont passés tous les objets. J'annonce la couleur, si c'est pour me saboter mon travail, je rentre à Paris et vous vous démerderez avec la presse.
Le chef de la garde rapprochée du PDG intervient.
_ Désolé Mme GARDIN, mes hommes ont cru bien faire. Vous savez M. LA BALEINE, n'est pas une victime comme les autres, nous devons préserver son empire et sa famille. Je suis sûre que vous comprenez.
_ Et moi je suis sûre que vous comprenez à quels points vos hommes sont idiots. A présents vous fichez le camp de ma scène de crime et vous coopèrerez quand je vous ferai signe. »
La gorge du gradé se noue. Qui ose lui parler ainsi, personne n'a jamais dû risquer ne serait-ce que de tousser un peu trop fort en sa présence. Finalement il m'a l'air d'être un homme intelligent, lui et sa meute se replient. L'un d'entre eux, revient avec un sac d'objets ensanglantés qu'il tend timidement à Lucas.
« Au boulot Lucas !
_ Tu m'étonnes qu'ils ne voulaient pas que ça se voit ! Un gode, des menottes, un morceau de miroir brisé, tu crois que tous ces objets sont passés par le corps de LA BALEINE ?
_ La scientifique nous le dira, si ces abrutis n'ont pas altérés les fluides. En attendant on a de quoi faire avec la mise en scène. Prend un max de photo, on ne touche à rien, l'équipe ne devrait plus tarder. A nous de mémoriser un maximum l'ambiance de cette pièce, il y a une atmosphère, le tueur a voulu faire passer un message. La position fœtale du corps, sa nudité, cette odeur d'essence et cet os là, coincé dans sa main droite… Désolé les costards, mais ce n'est pas Maman !