Je m'appelle Anita

Möly Mö

« Je m'appelle Anita. » C'était tout ce dont je me souvenais et je me le répétais en boucle comme par crainte qu'il ne file entre les doigts de ma mémoire, comme tout le reste. Le reste était flou, ou avait disparu mais mon prénom, j'en étais sûre ; je m'en rappelais. Je l'entendais -dans ma tête- prononcé par une voix, qui ne me disait rien, que je ne reconnaissais pas.

Je m'appelais donc Anita et je m'étais réveillée il y a quelques jours de ça, enfin rien de certain puisque je n'avais aucun indicateur de temps. Je m'étais réveillée dans une pièce sombre, seuls des rais de lumière dessinant des barreaux sur un mur, me donnaient une idée du jour et de la nuit. Et me permettaient de constater que je n'avais pas perdu la vue. Je n'étais cependant pas bien certaine que ce fut la lumière du jour, peut-être m'y faisait-on croire en laissant allumer une lampe et en l'éteignant pour feindre la nuit ?

J'avais eu tout le loisir de m'imaginer divers scénarios, on ne me parlait pas, on ne m'approchait pas. J'avais attendu la veille pour recevoir un peu de nourriture, qui m'avait fait le plus grand bien car je mourrais de faim. J'avais dévoré le quignon de pain, qu'on avait fait tremper dans un bouillon pour lui donner un peu de goût. Et j'avais eu le droit à un fruit, bien juteux ; que je ne reconnus pas. Un peu d'eau aussi, que j'économisais par contre. « Je m'appelle Anita » murmurai-je

Et le silence me répondit, le froid me chuchota à l'oreille ; et je fermai les yeux en réprimant un sanglot. Je ne comprenais rien. Mais aussi ironique que cela put sembler, cet état m'aidait à tenir en vie. Je n'avais personne à pleurer, je n'avais pas peur puisque j'avais occulté de ma mémoire comment j'étais arrivée là, par quel biais et avec qui. Je ne savais plus d'où je venais, et ce à quoi était censé ressembler mon avenir. Alors, effectivement, avec tout ça loin de mes pensées ; j'étais soulagée. J'avais juste froid et je me sentais faible. Mais je n'avais pas peur et je n'étais pas triste. Je grattais le sol avec mes doigts, essayant d'apprécier la sensation des quelques grains de sable -semblait-il- que je faisais rouler sur la pulpe de mes doigts. Je me collais sur le mur où se projetait la lumière afin d'apprécier ces délicats rayons qui faisaient plisser mes yeux. Illusion ou non, ils me donnaient une douce impression de chaleur. Un autre avantage c'est qu'on m'avait laissé mes vêtements, j'avais eu l'intelligence ce jour-là de me vêtir d'un jeans et d'un pull. En robe, ça n'aurait pas été une mince affaire que de tenir dans cet endroit, par ce froid. Au moins, dans ma tenue, je réussissais à garder mon corps à une température, disons, convenable.


Le repas me fut alors servi un jour sur deux. J'étais tellement ravie, que je poussais des cris de joie à chaque fois que je découvrais le menu du jour. Je n'arrivais pas bien à comprendre par où on me faisait passer le plateau, sans que je n'entende rien. Il arrivait la nuit, parfois en début de nuit, parfois plus tard. À peine avais-je le temps de comprendre qu'on l'avait déposé, la personne avait quitté les lieux et refermé la trappe ou l'ouverture par lequel elle glissait le plateau. Le menu ne variait pas réellement, un quignon de pain ou une galette de blé, épaisse ; trempés dans ce fameux bouillon. Un fruit, une pomme, ou ce fruit méconnaissable. Et de l'eau. Un jour, l'eau avait un sacré goût de rouille, je m'étais forcée à en boire à petite lampée car j'avais besoin d'eau mais cela m'avait rendu malade. J'avais passé la journée allongée sur le tapis de mousse -sûrement les vestiges d'un matelas- qui me servait de couchette. J'avais vomi dans la cruche d'eau, je n'avais pas réussi à me retenir. Les jours suivants, je fus privée de repas. « Je m'appelle Anita...A-ni-ta » avais-je répété dans un demi sommeil maladif, pendant ces quelques jours.


Quand je me réveillai en meilleure forme, un énième jour passé ; je trouvais un plateau vide. Je ne compris pas. Je crus alors à un rat ou des cafards ou tout autre bestiole qui aurait dévoré mon repas, qui aurait été livré plus tôt, la veille au soir. J'examinai la pièce en long en large et en travers, elle n'était pas bien grande. 10 mètres carré tout au plus. Je ne découvris rien, pas de trou dans les murs. Cela dit, avec le peu de lumière qu'on me fournissait, il m'était difficile de déceler une fissure sur les parois. Je passai ma main sur chacune d'entre elles, les caressant de la paume pour y percevoir le moindre interstice mais il n'y avait rien. Hormis les espaces infiniment petits d'où s'échappaient la lumière et par lesquels aucun animal n'aurait pu se glisser ; je ne découvris rien.

Je finis par m'asseoir, face à la lumière ; comme les jours précédents. Je me sentais mieux, je repris mes « petites habitudes ». Gratter le sol, prendre une douche de lumière et puis m'allonger sur mon matelas de fortune. J'essayai de méditer. Mais je fus perturbée par cet envoi de plateau vide...pourquoi ?

« Pourquoi ? » demandai-je

Mais évidemment, je n'eus comme réponse que le silence.

« Je m'appelle Anita » continuai-je à voix haute

Rien. Ce silence, froid, et imposant. Je finis par m'y habituer.


Le rythme des « jours » prit une tournure stable, un jour sur deux à manger puis la semaine suivante, un jour sur trois. J'essayais de comprendre pourquoi j'étais ici ? Et j'essayais d'analyser le comportement des mes kidnappeurs. À priori, ces personnes me testaient, j'en étais certaine. Elles jouaient avec la lumière, dorénavant, l'allumant et l'éteignant à n'importe quel moment. J'eus alors la confirmation que ça n'était pas la lumière du jour. Cela me fit paniquer, pendant deux jours, je tournai en rond dans ma cellule comme un lion en cage ; à répéter comme une folle à lier « Je m'appelle Anita. A-ni-ta. » Je me ruais sur le repas, qui me poussait à croire qu'il était l'heure du déjeuner, je me persuadais que le repas arrivait à midi alors qu'au fond je savais très bien qu'on me le déposait à des heures variées. Mais cela me calma un peu.


Une nuit, on glissa deux souris dans ma cellule. Je ne fus pas réveillée de suite par leurs couinements et leurs trottinements. C'est en me levant, le matin, que j'en vis une grignoter un petit bout de mousse de mon lit. Je la fis déguerpir gentiment, je n'eus aucune angoisse à la vue de l'animal mais plutôt une émotion et une joie à la vue d'un autre être vivant. J'adoptais alors mes deux amies de séquestration, je leur donnais à chacune un petit nom et nous partagions le repas ensemble. Elles finirent par me considérer comme une amie et non plus une personne à craindre ; elles venaient dormir près de moi. Je me fis mordiller un orteil et la main une ou deux fois mais rien de méchant. J'avais seulement très peur d'attraper une maladie...est-ce que mes bourreaux auraient agi pour m'aider si tel avait été le cas ? Rien n'était moins sûr...


Notre routine dura un long moment, je tenais bon. Je luttais pour ne pas perdre les pédales, je me creusais la tête pour avoir des bribes de souvenirs. Mais rien. Et il y eut ce terrible jour, j'avais cherché Charmaine pendant toute la journée, elle avait disparu. Je n'avais auprès de moi qu'Analee et j'étais morte d'inquiétude. Où avait-elle bien pu passer ? Était-ce mes bourreaux qui me l'avait reprise ?

Le soir même, j'eus la réponse. On m'apporta mon plateau, du pain, un fruit, de l'eau et le corps de Charmaine. Je hurlai et me mis à pleurer sans plus pouvoir arrêter.

« Pourquoi faites-vous ça ? Pourquoi ?? »

Je ne mangeai plus pendant plusieurs jours laissant à Analee le loisir de dévorer le repas, je la surveillai attentivement et la gardai près de moi quand je dormais. Cette fois, je n'avais pas laissé le plateau à l'endroit où il était arrivé. J'avais gardé le corps de Charmaine près de moi, j'avais besoin de me recueillir et de faire le deuil. Les plateaux repas disparurent alors...

« Je m'appelle Anita... » avais-je encore le courage de sangloter

Et je ne me nourris plus, ne bus plus et me laissai mourir pendant un long, très long moment. Du moins cela me parut interminable.


Puis...des explosions, des bruits sourds, des tirs ; un vacarme de tous les diables. Des cris, des voix qui hurlaient, des coups. Je me collai au mur de ma cellule, Analee dans mes mains ; toutes deux sur notre misérable lit. Je fermai les yeux et me mis à supplier. Des larmes lourdes et incontrôlables me roulaient sur les joues. « je m'appelle Anita...aidez-moi, s'il vous plaît ».

Je n'entendis pas la femme entrer, je ne la vis pas s'approcher. J'entendis seulement une voix me dire, doucement :

« Hey, tout va bien, maintenant. Lève toi, il va falloir me suivre, et faire vite. Tu es libre. »

J'ouvris les yeux, de grands yeux et je découvris un visage. Je n'en avais pas vu depuis...depuis tellement longtemps. La porte de ma cellule avait été complètement défoncée, la femme devant moi était armée jusqu'aux dents, recouverte d'une épaisse tenue de combat qui ressemblait à une armure. Elle avait les cheveux courts et noirs. Et des yeux qui semblaient sincères.

« Je t'en prie, fais-moi confiance. Nous sommes venus vous libérer, mais il faut partir d'ici au plus vite. Ok ? Anita c'est ça ? C'est ce que tu disais ?

J'acquiesçai, complètement paniquée, sous le choc. Je ne comprenais rien.

« Moi c'est Corinne. »

Et elle m'aida à me lever, avec une poigne d'acier. Je lui montrai Analee et tentai de lui faire comprendre qu'elle venait avec nous aussi. « Mon amie...c'est mon amie. » je ne pus sortir que ces mots-là. Le visage de Corinne changea, elle eut l'air si émue. Et à la fois embêtée. « Ok, laisse moi voir comment faire... » Elle ouvrit une poche de son sac, une poche latérale, en dur. J'y glissai un morceau de matelas et un bout de pain fermenté au bouillon et j'y installai Analee. « Tiens bon » lui murmurai-je. Puis je plongeai mon regard dans celui de Corinne, elle m'agrippa le bras. « Je ne te lâche pas, tiens toi prête à courir. Je te demande un dernier effort et ensuite on t'amène en lieu sûr. » Je déglutis, j'étais tétanisée mais je lui fis signe que oui et nous quittâmes les lieux à toute allure.


Je découvris avec effroi les autres cellules, que les collègues de Corinne -à priori- étaient en train de libérer. Plusieurs personnes, comme moi, avaient été enfermées. Dans des pièces, je vis certain.e.s prisonnier.e.s qui n'avaient pas survécu, j'eus un haut le cœur. Je n'eus pas le temps de me pencher sur les détails, mais je pus juste apercevoir que chaque pièce était différente. Moi j'avais eu un « matelas », d'autres non. Certains avaient été attaché par un bras ou une cheville, d'autres avaient un fauteuil. Il y avait aussi parfois des corbeilles de nourriture, et dans d'autres cellules rien du tout. Je vis des enfants aussi, des animaux. Je me mordis la lèvre pour retenir un cri d'effroi. « Qu'est-ce qu'on m'a fait ? » pensai-je. Des tirs se faisaient encore entendre, je jetai un œil au sol et je mis un visage sur mes bourreaux. Des hommes et des femmes en blouse bleue. Iels gisaient dorénavant sur le sol, mort.e.s ou à demi mort.e.s ; suppliant. Corinne n'eut aucune pitié à sortir son arme quand elle aperçut l'un d'entre elleux, caché dans un laboratoire, derrière une armoire de médicaments. « je vais t'avoir, pas la peine de te cacher, sale raclure dégueulasse ! » L'homme tremblait comme une feuille, il ne sortit pas de sa cachette. Corinne me lâcha la main, un instant. « Ne bouge pas, j'en ai pour deux secondes. » Elle rentra dans le laboratoire et pointa son arme en direction du type, qu'elle abattit sans aucune pitié. Puis, elle me fit signe de rejoindre une autre collègue à elle qui se tenait près d'une porte de sortie. « Je dois aller aider mes collègues et libérer d'autres personnes, je te laisse rejoindre Naïma. Bonne chance Anita ! »

« Attends ! Analee...ma souris... » Corinne stoppa net sa course et rebroussa chemin, en évitant les corps qui jonchaient le sol. Elle ouvrit la poche de son sac et me laissa recueillir au creux des mains, Analee. J'eus à peine le temps de la glisser au creux de mes paumes, que Corinne avait déjà bondi en direction d'une cellule pour aider une personne à en sortir. Je poursuivis ma libération en rejoignant cette fameuse Naïma.

« Monte dans le bus, rejoins les autres et surtout ne sors sous aucun prétexte. À la moindre alerte, le bus démarre en trombe et s'en va. »

« Mais...et vous ? » demandai-je timidement

« Ne t'en fais pas... » et elle fit enclencher son arme en un bruit fracassant « nous, on a de quoi se protéger et on est entraîné. Allez, cours, dépêche toi et un conseil ne te retourne pas.»

J'obéis, docilement. Je montai dans le bus, le chauffeur me salua, lui aussi était armé et harnaché. Il m'indiqua une place libre et me rapporta les mêmes paroles que Corinne et Naïma.

« Tu es maintenant en sécurité, ici. Assieds-toi et reprends tes esprits, je sais que ça ne va pas être simple mais on a peu de temps et notre action est clairement illégale. On a pas encore le temps de vous accompagner et de tout vous expliquer mais dès que vous serez en lieu sûr, vous saurez tout.Je suis Anthony, au fait »

J'opinai de la tête comme une enfant et je dis tout bas « Anita... ». Je n'avais pas remarqué que je tremblais comme une feuille. Analee s'était réveillée, elle gigotait maintenant dans mes mains, je la laissai monter sur mon bras et mon épaule. Quand soudainement, un cri perçant se fit entendre. Une femme, assise non loin de moi ; hurla à la mort en pointant d'un doigt crochu, ma compagnonne. Je me retournai vers Anthony, qui se releva de son poste pour venir voir ce qu'il se passait. Il me fit signe de m'asseoir derrière lui. Il alla calmer la jeune femme gentiment puis il revint vers moi.

« Elle a été torturée pendant plusieurs jours par des souris entraînées pour bouffer les doigts et les orteils. »

« Ho... » lâchai-je d'une voix brisée par la tristesse. « moi, elles m'ont sauvé la vie... »

Anthony jeta un coup d'œil interloqué à Analee. Je rectifiai « Charmaine, notre autre amie, est morte. C'est ...ces gens. Ces gens l'ont tuée et me l'ont envoyée sur un plateau. » Je fondis en larmes.

« Ce sont des monstres. Des ordures. Iels payeront, ne t'en fais pas. » cracha Anthony


Corinne surgit alors par la porte de secours, accompagnée de trois autres personnes dont un jeune adolescent qui boitait. Elle l'aidait à avancer et hurlait en même temps en direction du bus.

« Anthony, fonce ! Fonce ! Embarque ces trois-là, mais déguerpis ! Vite ! »

Un vieil homme, le jeune adolescent et une femme aux cheveux mi rasés, mi coupés, s'avancèrent. En se rapprochant, je distinguai sur le crâne de la femme des cicatrices et des touffes de cheveux éparses. Que lui était-il arrivé ? Le jeune adolescent, quant à lui, j'en eus la nausée ; avait un pied en moins. Le vieil homme semblait physiquement en bon état mais il avait le regard fixe, dans le vide et il ne disait pas un mot ; il n'ouvrit pas la bouche en rentrant et il prit place sur un siège et s'y recroquevilla comme un enfant terrorisé.

« Bon, tenez-vous bien, accrochez vos ceintures. Nous partons. Je vais abaisser les vitres blindées aux fenêtres, vous allez vous retrouver dans le noir mais pas de panique, s'il vous plaît. Faites-moi confiance, même si je sais que ce n'est pas évident. Nous avons du chemin à faire, à votre disposition dans des sacs au dessus de vos têtes ; de l'eau, de la nourriture et des couvertures pour chacun.e d'entre vous. On se revoit en arrivant au lieu sûr. » Il fit descendre une porte blindée derrière son siège, bloquant l'accès à la porte avant. Nous nous retrouvâmes donc enfermé.e.s ; une nouvelle fois. Je ne me sentis pas en danger, j'avais Analee avec moi et je sentais bien ces personnes. Cependant, d'autres ne réagirent pas de même et il y eut des hurlements, des gens qui se frappèrent la tête contre les vitres et une jeune fille mit fin à ses jours dans le bus, en s'ouvrant les veines avec un morceau de verre qui traînait dans sa poche. Je tambourinai à la porte blindée pour demander de l'aide à Anthony mais il ne répondit rien et ne s'arrête pas. La jeune fille s'étala de tout son long dans l'allée centrale, son sang se répandant sur le sol en une flaque visqueuse et rougeâtre que je ne réussis pas à quitter des yeux. Je caressai Analee pour me rassurer et je répétai à mi-voix « Je m'appelle Anita, A-ni-ta » Un garçon pleurait, il n'arrivait plus à s'arrêter. Un monsieur, quarantaine bien tassée, ne put retenir une envie de vomir à la vue du corps de la jeune fille baignant dans son sang. Que nous avait-on fait ? Pourquoi ? Qui étaient-iels ?

Et je ne me rappelais toujours pas qui j'étais et d'où je venais et où j'allais. Je finis par m'endormir, blottie sous ma couverture, les moustaches d'Analee me caressant le cou.


Il faisait nuit quand Anthony nous fit descendre, une armada de gens nous accueillirent, iels portaient la même tenue que Corinne, Naïma et Anthony. Une espèce de combinaison ressemblant à une armure.

« Bonsoir, dieu merci vous êtes là, vous êtes sauvé.e.s !»

« Bravo Anthony » le salua un de ses collègues à qui Anthony répondit, plus bas « Je ne sais pas ce qu'il en est de la situation sur place...des nouvelles ? »

Puis ils s'éloignèrent. Nous étions un groupe d'une cinquantaine de personnes, tassées ; apeurées. Une femme d'une soixantaine d'années, petite et aux longs cheveux grisonnants ; prit la parole :

« Nous allons vous faire entrer au chaud, vous allez vous installer dans la salle principale ; il y a des fauteuils pour tout le monde et nous allons tout vous expliquer. »

« Une est morte... » cria avec un brin de terreur dans la voix, une des survivantes

Cette annonce jeta un froid, la femme se retourna vers ses collègues et vers Anthony qui s'approcha d'elle en entendant cela. Il secoua la tête, se prit le visage entre les mains. La femme âgée lui posa la main sur l'épaule et la serra, comme pour lui faire comprendre qu'elle le soutenait.

« C'est terrible. Lança-t-elle, nous sommes profondément désolé.e.s » Puis, elle baissa les yeux, se reprit et conclut : « nous allons nous en occuper, prenez place s'il vous plaît. »


Nous nous installâmes dans une grande salle, l'endroit était en fait une vieille longère, immense. Nous étions assis.e.s dans le salon, un feu de cheminée crépitait et réchauffait la pièce. J'eus envie de pleurer à la vue de cet endroit, si beau, si réconfortant. Tout le monde s'assit, mais des pleurs, des cris et des mouvements de terreur agitaient le groupe. La femme aux cheveux gris nous rejoignit, accompagnée de trois autres personnes. Un homme et deux femmes, qui ne portaient pas de combinaison-armure mais une tenue toute simple, agrémentée d'un logo.

« Je me présente, je m'appelle Céline. Je suis à la tête de l'organisation, nous avons créé ce groupe de libération d'otages l'année dernière quand les enlèvements ont commencé à devenir très inquiétants. Un groupe de médecins, de chercheurs et chercheuses ; dépendant de l'armée a commencé à lancer des tests sur la population dans la plus grand silence, sous les yeux de nos dirigeants qui ont décidé de les fermer. Ces tests étaient censés faire évoluer les techniques de manipulation à destination d'ennemi.e.s de la nation ou autres crimininel.le.s ... »


Elle marqua une pause, nous laissant le temps d'intégrer ce que nous venions d'entendre. Même si pour certain.e.s il était impossible de comprendre, le traumatisme étant trop lourd.


« Les personnes ciblées -vous- avez été choisies...au hasard. Il n'y avait aucune raison valable et ou légitime de vous enlever, de vous séquestrer et de vous faire subir ces tortures. Et quand bien même vous étiez un.e criminel.le repenti.e -ou non- rien ne justifie leurs démarches. Cette délégation -liée à l'Etat que le gouvernement le veuille ou non- a eu recours à la violence afin de mener ses recherches à bien. Non seulement nous sommes face à des actes punis par la loi mais en plus le gouvernement a décidé de marcher sur des œufs pour les arrêter. L'enquête piétine depuis un an, l'Etat n'a pas levé son petit doigt pour agir concrètement et stoppé ces tortures ! L'Etat a donc cautionné ces actes, les a légitimés et a essayé de protéger les personnes au contrôle de cette organisation en diminuant leurs responsabilités dans ces actions. Nous sommes intervenu.e.s il y a un an de cela car la population commençait à hurler son mécontentement, cette affaire prenait des proportions énormes et des proches des victimes ont commencé à croire en cette théorie. Des recherches ont été faites, des enquêtes ont été menées et mis bout à bout tous ces éléments se reliaient à cette organisation secrète de l'armée. Le chef d'Etat a commencé à avoir peur et à agir...une sévère répression s'est abattue et une guerre civile a éclatée. Le peuple s'est soulevé, et depuis c'est la guerre. Je vous l'annonce car il va falloir vous préparer à revenir chez vous, et à affronter ces changements. Nous sommes profondément navré.e.s pour tout ce qui vous est arrivé, nous regrettons de ne pas avoir pu intervenir plus vite ; nous savons que ces années ont dues êtres longues et pénibles mais maintenant vous êtes libres. Je vous laisse entre les mains de notre équipe de psychiatres et psychologues. »

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