Je me souviendrai toujours.

chachalou

Les premières impressions révèlent souvent la totalité d'un parcours.

 

Je l'ai vu et son visage m'a rappelé un lointain passé. C'était une impression familière, de déjà vu, du "je te connais, toi" Mais d'où, je ne le savais pas. 

Puis, je l'ai regardé faire et écouté parlé. J'ai vu la maladresse dans ses yeux et le sourire sur ses lèvres, l'aisance débordante d'un sacré timide refoulé et j'ai bien entendu ces quelques phrases là. 

Quel charisme et quel acteur ! Cela aide lorsque l'on est coincé. Quelle maltraitance peinte sur ce si joli visage. Un visage rosé par l'air pur du Jura, je crois. Un visage de Jurassien, bonne bouille, bonne joue, teint clair et yeux très vert. Des traits joufflus mais tirés d'épreuves. Un homme fracassé et un Gamin blessé à tout jamais. 

J'ai senti la maltraitance couler dans ses veines, comme si la vie l'avait frappé et frappé encore, qu'on l'avait maltraité de propos blessants à chaque instant et que ses seules exigences l'avaient trop souvent malmené. J'ai senti la rage de vivre, l'espoir et la haine de ne pas y arriver dans ses gestes et ses mouvements d'ampleur. 

J'ai senti l'animal grognant et déconneur gonflé à bloc, rire comme un âne et déconner à chaque instant. Mais derrière cette carapace, c'est le frère explosé que j'ai reconnu. C'est le gamin qui rêvait de flammes et d'enfer chaque nuit où apeuré, il vérifiait les dessous de chaque meubles, les derrières de chaque portes, dans cette maison qui lui paraissait si calme le jour et trop hantée la nuit. C'est le gosse craintif que j'ai vu. 

Celui que la vie à trahi des milliers de fois. Celui qui n'arrive plus à se faire confiance et qui, chaque jour, se bat pour sortir la tête de l'eau et briller de nouveau. C'est le duel intérieur que j'ai vu et la flamme allumée en lui : ce désir seul et palpable de rouler. 

Rouler pour oublier, rouler pour vivre, rouler pour ne pas pleurer et rouler pour aimer encore plus le fait d'être vivant. Car pour un gosse qui veut sans cesse détruire, aimer et qui danse entre les Anges et les Démons, car pour un gosse qui ne sait plus s'il est gentil ou méchant, car pour un gosse qui veut crever mais qui veut vivre en même temps... 

Car pour toutes ces questions-là, il n'y a qu'une seule réponse possible. Rouler, se mettre en danger, flirter chaque jours un peu plus avec la Mort et braver cette Connasse en l'a narguant toujours plus fort. 

Car dans ses mots et dans ses rires, il n'y avait qu'une seule parole : " Voyez, je suis vivant et le reste, les autres, les gens, je m'en fou complètement". Car dans ses quêtes, il n'y avait qu'un seul désir, faire du sport " Voyez, je suis fort, je me sens fort et cette carapace de muscles protège mon âme trop sensible". Car dans ses propos, il n'y avait que de maigres sujets " Le cul, le sexe, la route et la gagne". 

Parce que c'est ce grand dada qui a vécu des choses dont il ne parlera jamais, parce que c'est ce grand bonhomme qui a honte de ce qui a pût lui arriver. Parce que c'est ce grand frère qui a subit une forme de maltraitance constante et qui laisse aujourd'hui de larges séquelles. 

Camoufler, masquer, jouer, être un autre et paraître meilleur, c'est toujours mieux que d'affronter un passé qui nous a baffé à maintes reprises. Mais c'est pourtant ce frère-là que j'aime par dessus tout. Ce frère qui a vécu les Enfers en décuplé, ce frère qui est revenu des bas-fonds, ce frère qui va si mal et paraît pourtant aller si bien. 

C'est lui que j'aime. Lui et ses sous-entendus choquants. Lui et son manque de tact. Lui et cet élan déstabilisant qui vous foutrait n'importe qui parterre. C'est cet homme qui se débat et se défend chaque instant un peu mieux, un peu plus vivant, un peu plus cohérent, que j'aime. 

C'est celui qu'on a battu à coup d'accidents et de morphine. C'est celui qu'on a rabaissé parce qu'il n'y arrivait pas. C'est celui qui s'est dévalorisé seul en constatant l'ampleur de ses envies et les moyens restreints qu'il avait pour s'en sortir. 

Mon frère aujourd'hui ne demande rien et ne réclame rien parce qu'il est fier, parce qu'il est Grand et parce qu'il se veut fort. Pourtant, si je l'aime autant, c'est parce que je sais qu'il en a besoin et que sans cela, peut-être qu'il ne serait plus rien qu'un corps qui se trimbale sans savoir pourquoi et comment, chaque jour un peu plus aux entraînements. 

Alors, je l'aime. Je l'aime parce qu'il n'est pas parfait. Je l'aime parce qu'il paraît superficiel et l'est parfois devenu réellement. Je l'aime parce qu'il a mon sang. Mais je l'aime surtout, parce que contre toute attente, moi, je le comprends vraiment. 

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