Je me souviens…

Jean Marc Kerviche

Souvenirs...


 

Oui, je me souviens de l'embarras, entre hésitation et atermoiement, que j'éprouvais auprès de cette toute jeune fille, à chaque fois que je me présentais au sein de cette société située à Gagny où mon entreprise venait de changer la totalité de l'installation téléphonique.

Elle était à l'accueil, au standard, et elle me recevait toujours avec un sourire qui m'irradiait.

Je sentais bien qu'elle avait du plaisir à me voir arriver, et ressentir son bien-être me mettait en joie. Cependant je ne laissais rien paraître. Je m'empêchais toute avance qui eut pu laisser deviner mon intérêt pour elle. Je ne manifestais aucun sentiment ambigu qui eut pu paraître pour une inclination de ma part et je m'évitais d'éprouver convoitise et tout désir pour elle.

Néanmoins, la voir à chacune de mes interventions suffisait à mon bonheur.

Je ne m'avançais pas. Je laissais les événements décider pour moi, mais je l'avais en tête en permanence, et la retrouver toujours présente me réconfortait de toutes les turpitudes que me causait l'installation téléphonique que je venais de mettre en service. La voir et échanger avec elle me consolait de tous les tracas que je vivais : des pannes à répétition qui se produisaient en permanence, mais jamais en ma présence. J'avais déjà remplacé toutes les cartes, ensembles et sous-ensembles, réseaux et postes, l'unité centrale, de l'alimentation et jusqu'au fond de panier. Pas une seule fois je ne constatais les coupures dans les communications et j'avais même convoqué France Télécom afin qu'ils vérifient également les équipements au central.

Rien n'y fit, les pannes recommençaient et je n'y comprenais rien.     

A force de me présenter à elle, mes visites prirent un autre sens, une autre tournure. Les mois passèrent, les saisons... Nous nous vîmes ailleurs, d'abord au café d'à-côté, puis plus loin pour éviter les histoires, les qu'en dira-t-on et ménager les susceptibilités. Nos rencontres s'effectuaient en toute bienséance et les rapports que nous entretenions étaient extrêmement courtois. 

J'appris qu'elle avait vingt ans. J'en avais trente-cinq et j'étais marié. Toute communication entre nous, nous était donc impossible et continuer à nous voir relevait d'une forfaiture.

Je ne m'autorisais pas à aller plus loin. Je le lui ai dit.

Deux années plus tard, elle m'apprit qu'elle allait quitter son poste, que sa décision était déjà prise et elle avait même un nouvel engagement.

Je ne pouvais le concevoir et l'accepter sans réagir. Je lui demandais où elle partait… et pour avoir la certitude de la revoir, je me déclarais...

… Peu de temps après, alors que nous vivions ensemble, elle m'apprenait que c'était elle qui provoquait les pannes… pour me voir.

Trente-cinq ans sont passés… nous avons un fils de 21 ans !

  • Quelle belle histoire !
    Je bénissais ces pannes, en même temps, je commençais à trouver qu'il y en avait bien de trop...

    · Il y a presque 6 ans ·
    Louve blanche

    Louve

    • Merci Louve
      On n'imagine pas de quoi sont capables les femmes. Même si l'Histoire ne retient que la domination des hommes, les femmes ont la main sur tout ce qui trame. Elles œuvrent souvent dans l'ombre pour arriver à leurs fins.

      · Il y a presque 6 ans ·
      Rerefaite d%c3%a9finie

      Jean Marc Kerviche

    • il paraît....Rires !

      · Il y a presque 6 ans ·
      Louve blanche

      Louve

Signaler ce texte